Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 janvier 2010, présenté pour Mme Marie-Hélène A, demeurant ..., par la SCP d'avocats Kirkyacharian-Yehezkiely ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801474 du 23 décembre 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Pôle Emploi à lui verser la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie ;
2°) de condamner Pôle Emploi à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de ce harcèlement moral ;
3°) de condamner Pôle Emploi au versement d'une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi ;
Vu le décret n° 90-543 du 29 juin 1990 fixant le statut applicable aux agents contractuels de l'agence nationale pour l'emploi ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2012 :
- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;
Considérant que Mme A relève appel du jugement n° 0801474 en date du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à la condamnation de Pôle Emploi, son employeur, à réparer les préjudices qu'elle estime avoir supportés en raison du harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet lorsqu'elle a assuré les fonctions de consultant en développement des organisations à la direction régionale de Montpellier à compter du mois de février 2006 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de loi susvisée du 13 juillet 1983 "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. [...] Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. [...]" ;
Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
Considérant que Mme A expose qu'elle a fait l'objet, à compter de sa prise de fonctions en qualité de consultant en développement des organisations à la direction régionale de l'agence nationale pour l'emploi de la région Languedoc-Roussillon, de comportements d'évincement de la part du collègue occupant des fonctions similaires, de dénigrement et de harcèlement de la part de l'adjointe au directeur régional lors de sa prise de fonctions en janvier 2007 ; qu'elle ajoute que la dégradation de ses conditions de travail a fragilisé son état de santé, ce qui l'a contrainte à des absences répétées pour congés de maladie alors qu'elle n'avait jamais été en arrêt précédemment et que ses compétences professionnelles avaient toujours été saluées ; qu'elle indique qu'à son retour de congé de maladie, après huit mois d'absence, sa reprise de fonction n'a pas été programmée, qu'elle s'est trouvée démunie de bureau, d'ordinateur, de logiciels opérationnels, installée dans un bâtiment annexe éloigné, qu'aucune mission ne lui a été confiée et qu'elle a été mise à l'écart de ses collègues et des groupes de travail régionaux auxquels elle avait vocation à participer, compte tenu des missions qui lui étaient initialement confiées ; qu'elle soutient que ces agissements répétés de la part de ses collègues et de sa hiérarchie directe sont constitutifs de harcèlement moral, qu'ils ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité et sont à l'origine de la dépression dont elle a souffert ;
Considérant, cependant, que les pièces qu'elle produit pour justifier le bien-fondé de ses allégations n'établissent pas le harcèlement moral qu'elle dit avoir supporté ; que les courriels échangés avec son collègue consultant et la directrice adjointe ne traduisent, de leur part, aucune attitude ou intention malveillante, vexatoire ou de dénigrement à son encontre ; que les accusations d'évincement ou de mise à l'écart qu'elle formule ne sont pas corroborées par les documents produits, y compris en ce qu'il sont assortis des commentaires de sa part ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A n'aurait pas été traitée équitablement par rapport aux autres agents de la direction, et notamment par rapport à son collègue consultant, dont la charge de travail était similaire à la sienne ; que la dégradation de ses conditions matérielles de travail n'est pas établie ; qu'elle a bénéficié d'un bureau, dans une annexe de la direction régionale où était également situé le bureau de son collègue consultant ; qu'après son retour de congé de maladie et un court délai que nécessitait la commande de matériels nouveaux, elle a bénéficié de conditions de travail normales, se voyant attribuer, notamment, un ordinateur portable muni des logiciels nécessaires à l'exercice de ses missions ; qu'il lui était loisible de se rendre à la direction régionale, où elle pouvait accéder aux informations ou formations dont elle aurait eu besoin ; qu'elle était associée aux groupes de travail régionaux et a été rendue destinataire des travaux de l'équipe, à l'exception des comptes-rendus destinés aux seuls directeurs délégués et chefs de service ; que les modalités de sa reprise de travail ont été organisées avec son accord ; que les demandes de son supérieur de lui rendre compte de certaines de ses missions correspondaient aux demandes qu'un chef de service a vocation à formuler dans le cadre de son pouvoir d'encadrement et de direction ; que la direction régionale s'est montrée à son écoute, la recevant à plusieurs reprises pour entendre ses doléances et lui suggérer de réfléchir à une évolution professionnelle, assistée d'un conseiller carrière, dès lors que le contexte de mésentente dans lequel elle estimait évoluer ne la satisfaisait pas ; qu'enfin, les certificats médicaux que Mme A produit, s'ils attestent de son état dépressif, ne font état d'aucun élément qui pourrait permettre d'imputer cet état aux conditions dans lesquelles elle a été amenée à travailler ; qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, Mme A n'est pas fondée à soutenir avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre Pôle Emploi ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les conclusions présentées par Mme A, partie perdante à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Pôle Emploi sur le fondement des dispositions précitées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 10MA00379 de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Pôle Emploi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Hélène A, à Pôle Emploi et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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N° 10MA003792