Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2009, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03039, présentée pour M. Jacques A, demeurant au ..., par la SCP B. Fita - C. Bruzi, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0600659 du 6 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande de condamnation de la commune de Saint-Cyprien au paiement de la somme de 213 651,18 euros TTC au titre des dépenses utiles et de celle de 123 040,44 euros TTC au titre du bénéfice escompté en ne la condamnant à lui payer que la somme de 8 971,90 euros assortie des intérêts légaux à compter du 1er février 2006 ;
2°) de porter la somme que la commune de Saint-Cyprien doit être condamnée à lui verser à 336 691,62 euros TTC, assortie des intérêts, outre la capitalisation des intérêts ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du marché public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2012 :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,
- et les observations de Me Aubert, avocat, représentant la commune de Saint-Cyprien ;
Considérant qu'à la suite d'un appel à la concurrence, le conseil municipal de Saint-Cyprien a, par délibération du 17 février 1999, désigné le cabinet Jacques Outier pour assurer la maîtrise d'oeuvre dans le cadre des opérations de réhabilitation du Mas des Capellans destiné à accueillir un musée et un centre d'art contemporain ; qu'en exécution de cette délibération, le maire, par acte d'engagement signé le 17 février 1999, a confié les prestations au groupement conjoint composé d'un sous-groupement de deux architectes dont M. A, désigné mandataire dudit groupement ainsi que la société Setec Bascou, bureau d'études techniques Structure et la société Clean Energy, bureau d'études techniques fluides ; que le marché prévoyait un forfait de rémunération de 446 220 francs TTC (68 025,80 euros TTC) selon une estimation prévisionnelle de travaux de trois millions francs TTC, soit 457 347,05 euros TTC avec un taux de tolérance de 5 % ; qu'en cours d'exécution du marché, par délibération du 28 septembre 2005, le conseil municipal de Saint-Cyprien a résilié le marché de maîtrise d'oeuvre ; que par jugement en date du 6 février 2009, le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à la demande de M. A, tendant à la condamnation de la commune de Saint-Cyprien au paiement de la somme de 213 651,18 euros TTC au titre des dépenses utiles et de celle de 123 040,44 euros TTC au titre du bénéfice escompté en ne la condamnant à lui payer que la somme de 8 971,90 euros assortie des intérêts légaux à compter du 1er février 2006 au titre des seules dépenses utiles ; que M. A demande la réformation de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement
Considérant que devant le Tribunal administratif de Montpellier, M. A a sollicité paiement de prestations réalisées en exécution du marché de maîtrise d'oeuvre, au titre des tranches 1 et 2, demeurées non payées à hauteur de 213 651,18 euros TTC, d'une part et réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la nullité de ce marché, constitutif de son manque à gagner au titre de la tranche 2, évalué à la somme de 123 040,44 euros TTC, d'autre part ; qu'à la suite du moyen d'ordre public communiqué aux parties, tiré de la nullité du marché, M. A a maintenu ses réclamations tendant au paiement d'une indemnité de 213 651,18 euros TTC sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de celle de 123 040,44 euros au titre de la perte de bénéfices escomptés au titre de la tranche 2 ; qu'il résulte des termes du jugement attaqué, que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions tendant à la réparation du manque à gagner ; que par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer sur ce point et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres points de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :
Considérant que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont constaté la nullité du marché d'architecture et d'ingénierie confié au groupement conjoint précité formé notamment d'un sous-groupement composé de deux architectes dont le requérant, mandataire désigné et B, au motif non contesté que la délibération en date du 3 février 1999 du conseil municipal de Saint-Cyprien autorisant le maire à conclure le marché en cause, ne mentionnait pas son montant ; que M. A, en qualité de mandataire du sous-groupement d'architectes, fonde son recours tendant au paiement du solde de leurs honoraires au titre des tranches 1 et 2, sur l'enrichissement sans cause ;
S'agissant de la tranche 1 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement signé le 17 février 1999, que le montant prévisionnel des honoraires des architectes, correspondant à 68,17 % s'élève à la somme de 46 373,18 euros TTC ; que l'équipe de maîtrise d'oeuvre a transmis en 2004 à la commune de Saint-Cyprien pour approbation les études de l'avant-projet définitif afférent à la tranche en cause, portant l'estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux à la somme de 1 050 800 euros HT ; que le montant des honoraires dus, représentant 14,87 % du coût prévisionnel précité, déterminé en fonction des modalités de répartition prévues à l'acte d'engagement à hauteur de 68,17 % en faveur des seuls architectes est alors fixé à la somme de 186 879,74 euros TTC dégageant un surcoût de 140 506,18 euros TTC ; qu'au vu de cet avant-projet définitif, à la suite d'appels d'offres, les travaux ont été entrepris ; que la commune de Saint-Cyprien ne conteste pas la réalité de l'ensemble des prestations accomplies par les architectes à son profit couvrant les études du projet, l'assistance à la passation des marchés sur la base de l'avant-projet définitif élaboré, les études d'exécution et la direction de l'exécution des travaux réalisés à hauteur de 75 %, lesquels ont bénéficié à la collectivité ; qu'il résulte de l'instruction que la collectivité a procédé au règlement d'un acompte d'un montant de 42 126,48 euros TTC aux architectes ; qu'eu égard au coût prévisionnel des travaux afférents à la tranche 1, fixé par l'avant-projet définitif excédant celui de l'estimation prévisionnelle provisoire fixé par l'acte d'engagement et au pourcentage de tolérance de 5 %, retenu par les parties, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des architectes la moitié du surcoût des honoraires ainsi calculé ;
Considérant en revanche que s'il est vrai que le groupement de maîtres d'oeuvre dont M. A est le mandataire est un groupement conjoint, il fait lui-même partie de ce groupement associé à un autre architecte sans que soit précisée la part des honoraires de chacun d'entre eux ; qu'il doit dès lors être regardé comme agissant au nom et pour le compte de cette association de deux architectes ; que la nullité du contrat conclu avec la commune n'a pas pour effet de modifier les relations avec les différents co-contractants de la commune telle qu'elles figurent au contrat ; qu'il en résulte que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges,estimant que les deux architectes devaient se partager par moitié les honoraires leur revenant, ont réduit d'autant le montant des sommes dues à M. A ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Cyprien doit être condamnée à verser à M. A la somme de 74 499,97 euros TTC correspondant aux honoraires contractuellement prévus et le surcoût des honoraires fixés par l'avant-projet précité, après partage et déduction de l'acompte versé ;
Considérant que M. A a droit aux intérêts de la somme de 74 499,97 euros TTC à compter du jour de l'introduction, le 1er février 2006, de sa demande devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er février 2006 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; qu'il y a lieu d'accorder la capitalisation des intérêts de la somme de 74 499,97 euros TTC à compter du 2 février 2007, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
S'agissant de la tranche 2 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la transmission en juin 2005 de l'avant-projet définitif au titre de la tranche 2, élaboré par les architectes, la collectivité n'a pas accepté les documents d'études soumis à son approbation ; que le conseil municipal de Saint-Cyprien, par délibération du 28 septembre 2005, a prononcé la résiliation du marché en cause ; que, dans ces conditions, en l'absence de suite donnée aux études, M. A ne saurait prétendre à aucune indemnisation des prestations qui n'ont pas enrichi la collectivité ; que, dès lors, les conclusions en paiement des prestations afférentes à la tranche 2 ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle :
Considérant que M. A sollicite réparation du préjudice qu'il estime avoir subi résultant du manque à gagner au titre de la tranche 2 ; que, toutefois, eu égard, comme il a été dit, au refus de la commune de Saint-Cyprien d'accepter l'avant-projet définitif afférent à cette tranche transmis par la maîtrise d'oeuvre et à la résiliation prononcée le 28 septembre 2005 au motif que le montant définitif de la rémunération proposé excédait largement celui fixé à titre provisoire par l'acte d'engagement, la nullité du marché en cause n'est pas à l'origine du manque à gagner ainsi allégué ; que, dès lors, ces conclusions doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Saint-Cyprien au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2009 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A tendant à réparer le manque à gagner au titre de la tranche 2 du marché.
Article 2 : La commune de Saint-Cyprien est condamnée à verser à M. A la somme de 74 499,97 euros TTC. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 1er février 2006. Les intérêts échus sur cette dernière somme porteront eux-mêmes intérêts à compter du 2 février 2007 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La commune de Saint-Cyprien versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques A, à la commune de Saint-Cyprien et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 09MA01325
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