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03/04/2012 | FRANCE | N°09MA04452

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 03 avril 2012, 09MA04452


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 2009, présentée pour Mme Madeleine A, demeurant ..., par Me Sanconie, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703473 du 20 octobre 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice financier et le préjudice moral qu'elle estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des professeurs certifiés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 000 euros en réparati

on des préjudices financiers qu'elle estime avoir subis à la suite de son reclasseme...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 2009, présentée pour Mme Madeleine A, demeurant ..., par Me Sanconie, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703473 du 20 octobre 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice financier et le préjudice moral qu'elle estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des professeurs certifiés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 000 euros en réparation des préjudices financiers qu'elle estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des professeurs certifiés, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande d'indemnisation, le 13 février 2007, eux-mêmes capitalisés, ainsi que la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que Mme A relève appel du jugement n° 0703473 en date du 20 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat, tendant à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir supporté à raison des réponses erronées que les services du rectorat de l'académie de Montpellier ont apportées à ses courriers les interrogeant sur les conséquences financières de son intégration dans le corps des professeurs certifiés ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que Mme A, professeur d'enseignement général de collège (PEGC) à Béziers, a été promue au 3ème échelon de la classe exceptionnelle de ce corps avec l'indice majoré 692 au 1er septembre 1996 ; qu'elle a, concomitamment, été inscrite sur la liste d'aptitude pour l'intégration dans le corps des professeurs certifiés au titre de l'année scolaire 1996-1997 et détachée en qualité de stagiaire dans ledit corps, également le 1er septembre 1996 ; qu'à la date de sa titularisation dans ce corps, le 1er septembre 1997, l'intéressée a été reclassée au 11ème échelon, échelon terminal de la classe normale, avec l'indice majoré 655 ; qu'estimant avoir supporté une perte de rémunération à la suite de cette promotion, qu'elle impute aux renseignements erronés obtenus des services académiques, elle a, le 8 février 2007, adressé une demande indemnitaire, que le recteur de l'académie de Montpellier a rejetée le 22 juin 2007 ; qu'elle relève appel du jugement n° 0703473 en date du 20 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat, tendant à la réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A reproche à l'administration de ne pas l'avoir informée de l'impossibilité d'être reclassée en tant que professeur certifiée au même indice que celui de son corps d'origine, alors que l'article 9 du décret n° 93-443 du 24 mars 1993 susvisé, lui semblait le permettre ; qu'à la suite de sa nomination en qualité de professeur certifiée stagiaire, intervenue le 1er septembre 1996, ayant constaté qu'elle n'était rémunérée que sur la base de l'indice majoré 655, au lieu de l'indice majoré 692 auquel elle s'attendait, elle a, le 23 mai 1997, adressé aux services du rectorat de l'académie de Montpellier une première lettre d'anomalie dans laquelle elle constatait l'écart d'indices, et se plaignait explicitement de ce qu'elle continuait à être rémunérée sur la base de l'indice 655, en lieu et place de l'indice 692, en se prévalant des accords Durafour ; qu'elle a réitéré ses observations dans une lettre adressée le 9 décembre 1997 ; qu'en réponse à ces deux courriers, l'administration s'est bornée à lui rappeler les modalités financières de la procédure de reclassement, en ajoutant, dans le formulaire même contenant les interrogations de l'intéressée, qu' il serait tenu compte de sa dernière promotion pour le calcul de son reclassement dans le corps des certifiés et, dans la seconde lettre, que l'avancement dont elle se prévalait serait répercuté au moment du reclassement ; que les questions précises de Mme A apportaient des réponses plus circonstanciées de la part de l'administration qu'un simple rappel des conséquences financières du reclassement, exact dans son principe mais imprécis quant à sa portée sur la situation particulière de l'appelante ; que ces réponses ont pu en effet suggérer à l'intéressée que l'écart d'indices serait résorbé dès son reclassement, ce que ne permettaient pourtant pas les dispositions de l'article 9 précité du décret du 24 mars 1993, qui n'autorisaient qu'un reclassement en classe normale, alors que l'indice 692 imposait un passage en hors-classe, par lequel Mme A ne remplissait pas les conditions ; que ces informations incomplètes ont été apportées à Mme A à un moment où, placée en stage et s'interrogeant sur le bien-fondé de sa promotion dans le corps des professeurs certifiés, elle avait encore la possibilité d'y renoncer, pour bénéficier de la seule promotion dans son corps d'origine, qui lui ouvrait droit à l'indice majoré 692 ; que Mme A est, par suite, fondée à soutenir qu'en lui donnant ces renseignements incomplets, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la perte de salaire :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A aurait renoncé à sa promotion dans le corps des professeurs certifiés si elle avait été clairement informée des conséquences financières préjudiciables qui en auraient résulté pour elle ; que dès lors que l'administration a pris, le même jour, deux décisions de promotion ayant, chacune, des incidences financières distinctes, il y a lieu de fixer le point de départ du calcul du préjudice financier de Mme A à la date de ces décisions, soit au 1er septembre 1996 au cas d'espèce ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en réparation de son préjudice financier, Mme A est fondée à demander une indemnité correspondant à la différence entre le traitement qu'elle aurait perçu au troisième échelon de la classe exceptionnelle du corps des PEGC (IM 692) et celui qu'elle a effectivement perçu (IM 655) entre le 1er septembre 1996, date de sa promotion, et le 30 août 1998, veille de sa retraite ; que sur ces deux années, eu égard à la valeur du point d'indice évalué à 4,17 euros par mois, son préjudice financier peut être évalué à 3 700 euros ;

Sur la perte des droits à pension :

Considérant que si Mme A avait opté pour un avancement dans son précédent corps des PEGC, son ancienneté à l'indice 492 aurait été d'au moins six mois au 1er septembre 1998 ; que, par ailleurs, elle soutient, sans être contredite, que sa pension a été liquidée à un taux de 75 % ; que la perte de ses droits à pension peut être évaluée à 115 euros chaque mois ; qu'en tenant compte d'une espérance de vie de 84 ans pour une femme, la perte totale de droits à pension sur 24 années peut ainsi être évaluée, pour l'intéressée, à 33 000 euros ;

Sur le préjudice moral :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral supporté par Mme A dans les circonstances de l'espèce en l'évaluant à la somme de 4 000 euros ;

Sur le montant de la condamnation :

Considérant que le montant du préjudice supporté par Mme A, compte tenu des faits ci-dessus rapportés, s'établit à 40 700 euros ; que Mme A ayant toutefois limité ses demandes indemnitaires à la somme de 36 000 euros, il y a lieu de limiter à ce montant l'indemnisation que l'Etat doit être condamné à lui verser ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrégularité du jugement attaqué en date du 20 octobre 2009, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 36 000 euros en réparation de son préjudice ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la somme de 36 000 euros ainsi allouée à Mme A portera intérêts au taux civil légal à compter du 13 février 2007, date de réception de la réclamation préalable ; qu'il y a lieu de prononcer la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 février 2008, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0703473 du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 octobre 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministère de l'éducation nationale) est condamné à verser à Mme A, en réparation des préjudices subis lors de son reclassement dans le corps des professeurs certifiés, la somme de 36 000 (trente six mille) euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2007. Les intérêts échus le 13 février 2008 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'Etat (ministère de l'éducation nationale) versera à Mme A la somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Madeleine A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

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N° 09MA044522


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