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20/03/2012 | FRANCE | N°10MA03544

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 20 mars 2012, 10MA03544


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2010, présentée pour M. Moujahed A, demeurant chez M. B, ..., par Me Touhlali, avocat ;

M. Moujahed A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905232 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant :

- à l'annulation de la décision du 16 juin 2009 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ;

- à ce qu'il soit ordonné au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre prin

cipal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" et, à titr...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2010, présentée pour M. Moujahed A, demeurant chez M. B, ..., par Me Touhlali, avocat ;

M. Moujahed A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905232 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant :

- à l'annulation de la décision du 16 juin 2009 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ;

- à ce qu'il soit ordonné au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre infiniment subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre infiniment subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande et de lui délivrer, pendant cet examen, un récépissé lui permettant de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'État à verser à Me Touhlali la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision en date du 10 juin 2011 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu les conventions n° 2, 44 et 97 de l'Organisation internationale du travail ;

Vu la directive européenne n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu le décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011 modifiant le code de justice administrative, notamment les dispositions de ses articles 1er à 11 relatives à la dispense de conclusions du rapporteur public et au déroulement de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur ;

Considérant que M. A relève appel du jugement en date du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, en date du 16 juin 2009, rejetant sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à

l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 84-169 du 8 mars 1984 et expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : " Le contrat d'introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs. Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d'oeuvre saisonnière visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel, l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national. " ; qu'il résulte enfin des dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2006-911 du

24 juillet 2006 et de l'article R. 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;

Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a bénéficié, entre 1987 et 1995 d'une part, et 2002 et 2009 d'autre part, de dix-neuf procédures d'introduction en qualité de travailleur saisonnier, pour lesquelles il a présenté des contrats de travail " OMI " signés par des exploitations agricoles du département des Bouches-du-Rhône ; que s'il soutient avoir résidé en France de façon permanente compte tenu de la prorogation de ses contrats de travail au delà de leur durée initiale de six mois, en dépit des dispositions alors en vigueur de l'article R. 341-7-2 du code du travail qui ne prévoyait cette possibilité qu'à titre exceptionnel, le préfet des Bouches-du-Rhône soutient, sans être sérieusement contredit, que lesdits contrats n'ont été prorogés qu'à trois reprises les dix dernières années, et pour une durée maximale de deux mois ; que dans ces conditions, alors même que M. A bénéficierait d'une promesse d'embauche sous couvert d'un contrat à durée indéterminée et qu'il aurait travaillé dans le cadre d'un processus d'immigration de travail contrôlé par les pouvoirs publics sans que soient respectées les conditions imposées par le code du travail en matière, notamment, de durée du contrat de travail, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun motif exceptionnel n'était de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. A a bénéficié de cartes de séjour en qualité de travailleur saisonnier qui lui donnaient vocation à rentrer dans son pays au terme d'un contrat de travail d'une durée de six mois ; qu'au moment des faits en litige, lui avait ainsi été délivrée une carte de séjour en cette qualité, valable d'avril 2009 à avril 2012 dont il n'a pas contesté la légalité ; qu'il n'a jamais été titulaire d'un titre de séjour en qualité de salarié et n'allègue au demeurant pas l'avoir sollicité ; qu'il ne saurait, par suite, invoquer une rupture de l'égalité de traitement du fait d'une discrimination entre travailleurs étrangers placés dans la même situation et une violation des engagements internationaux ratifiés par la France sur les travailleurs migrants, dès lors qu'en se bornant à refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne justifiait pas des conditions requises pour son obtention, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis de détournement de procédure ; que n'ont ainsi pas été méconnues les mesures de protection contre le chômage énoncées par les conventions n° 2 et n° 44 de l'Organisation internationale du travail sur le chômage en date des 28 novembre 1919 et 23 juin 1934 ; que n'ont pas davantage été méconnus le principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique et le principe interdisant les discriminations de toutes natures rappelés par la directive européenne n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 et la loi n° 2000-1486 du 30 décembre 2004 votée pour sa transcription en droit interne, la convention n° 97 de l'Organisation internationale du travail du 1er juillet 1949, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient M. A, il n'appartenait pas à l'administration de requalifier d'office ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée et de modifier la nature du titre de séjour qu'il avait demandé ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ";et qu'aux termes de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

Considérant que M. A n'établit pas le caractère continu de son séjour en France pendant dix-huit années par la seule production des contrats de travail dont il a bénéficié en qualité de saisonnier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situerait en France, où il ne dispose d'aucun domicile propre ; que ses attaches familiales se situent en Tunisie, où résident son épouse et leurs quatre enfants, nés en 1987, 1990, 1994 et 1999 ; que par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-7° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée ; que, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la vie personnelle de l'intéressé doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions susvisées à fin d'annulation, ainsi que celles à fin d'injonction, dès lors que le jugement ne nécessitait aucune mesure d'exécution au regard des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, de même, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par M. A, partie perdante à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 10MA03544 de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Moujahed A et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 10MA035442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03544
Date de la décision : 20/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : TOUHLALI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-03-20;10ma03544 ?
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