La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2012 | FRANCE | N°10MA04617

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 08 mars 2012, 10MA04617


Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA04617, présentée pour M. , demeurant ..., par Me Raison, avocat ;

demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904202 du 22 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 750 240 euros, sauf déduction de son indemnisation par la Commission européenne, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'introduction de sa demande et capita

lisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ...

Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA04617, présentée pour M. , demeurant ..., par Me Raison, avocat ;

demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904202 du 22 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 750 240 euros, sauf déduction de son indemnisation par la Commission européenne, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'introduction de sa demande et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du chef des manquements de la France à ses obligations communautaires au titre du règlement (CE) n° 1559/2007 du 17 décembre 2007, subsidiairement pour responsabilité sans faute de l'Etat, et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 750 240 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de sa demande et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 ;

Vu le règlement (CE) n° 1559/2007 du Conseil du 17 décembre 2007 ;

Vu le règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission du 12 juin 2008 ;

Vu l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne rendu le 17 mars 2011 dans l'affaire C-221/09 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;

- et les observations de Me Raison, avocat, pour M. ;

Considérant que M. exerçait l'activité de pêche du thon rouge en Méditerranée à titre professionnel selon la technique de la senne coulissante ou de la senne de surface et exploitait à ce titre un navire thonier senneur ; que, pour la campagne de pêche de l'année 2008, il était titulaire de deux permis de pêche spéciaux, délivrés respectivement les 16 avril et 7 mai 2008 par les préfets de l'Hérault et des bouches du Rhône, valables jusqu'au 30 juin 2008 ; que, le 12 juin 2008, la Commission a édicté un règlement (CE) n° 530/2008 interdisant la pêche du thon rouge en Méditerranée par les senneurs à senne coulissante, battant notamment pavillon français, à compter du 16 juin suivant ; que, par décisions du 16 juin 2008, les préfets de l'Hérault et des bouches du Rhône ont retiré ses permis de pêche spéciaux à l'intéressé avec effet à compter du même jour ; que M. relève appel du jugement en date du 22 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi suite à cette interdiction, du chef du non-respect par l'Etat de l'ensemble des prescriptions du règlement (CE) n° 1559/2007 du 17 décembre 2007 et, subsidiairement, sur le terrain de la responsabilité sans faute ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 : " Mesures d'urgence adoptées par la Commission : 1. S'il existe des preuves qu'il existe une menace grave pour la conservation des ressources aquatiques vivantes ou pour l'écosystème marin résultant des activités de la pêche et nécessitant une intervention immédiate, la commission peut, sur demande dûment justifiée d'un Etat-membre ou d'office, arrêter les mesures d'urgence pour une période maximale de six mois ... /3. Les mesures d'urgence prennent effet immédiatement. Elles sont notifiées aux Etats-membres concernés et publiées au Journal officiel ... " ; qu'aux termes de l'article premier du règlement (CE) n° 530/2008 du 12 juin 2008 de la Commission : " La pêche du thon rouge ... dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la ... France ...est interdite à compter du 16 juin 2008./ ... " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Entrée en vigueur : Le présent règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. Il s'applique pendant une période de six mois. Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre. " ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

Considérant que les fautes invoquées par le requérant concernent l'application selon lui incomplète par l'administration française de certaines des prescriptions du règlement (CE) n°1559/2007 du 17 décembre 2007 telles que la mise en oeuvre d'une répartition cohérente du quota global de pêche du thon rouge attribué à la France et du plan de pêche annuel, la remontée à la Commission des informations sur l'évolution des quantités de poissons pêchées, ainsi que le contrôle et la surveillance des pêcheurs, dont la méconnaissance serait, à l'origine du règlement (CE) n° 530/2008 du 12 juin 2008 de la Commission ; que ce règlement a été pris par la Commission, en vertu des prérogatives qu'elle tient de l'article 7 précité du règlement (CE) n°2371/2002 du 20 décembre 2002, au motif d'une menace grave et imminente pour la conservation du stock de thon rouge en Méditerranée à partir des informations dont elle disposait, et des observations de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique ; que les autorités nationales, qui ne disposaient d'aucun pouvoir d'appréciation pour la mise en oeuvre des règles ainsi fixées, étaient tenues d'appliquer ces dispositions ; que, par suite, à supposer même les carences alléguées de l'Etat français établies, le préjudice exposé par le requérant, tiré de la perte d'exploitation qu'il estime avoir subie suite à l'édiction par la Commission du règlement du 12 juin 2008 interdisant la pêche du thon rouge à compter du 16 juin 2008 et des décisions du même jour des préfets de l'Hérault et des bouches du Rhône, qui se sont bornées à en assurer la mise en oeuvre sans en méconnaître le sens ni la portée, ne présente pas de lien direct et certain avec les fautes invoquées ; que, dés lors, la responsabilité pour faute de l'Etat ne saurait être engagée ;

Sur l'atteinte portée au principe de protection de la confiance légitime :

Considérant que ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national, que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que, dans le cas de l'espèce, la décision en cause du préfet de l'Hérault ayant été prise pour l'exécution du règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission, le principe de protection de la confiance légitime trouve à s'appliquer ;

Considérant cependant que la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, dans son arrêt susvisé du 17 mars 2011, que le règlement litigieux est valide au regard du principe de la confiance légitime, la possibilité de prendre des mesures ayant pour effet d'arrêter les campagnes de pêche avant la date normale étant prévue notamment aux articles 7-1 et 26-4 du règlement susvisé du 20 décembre 2002 ; que, de surcroît, les décisions en date des 16 avril et 7 mai 2008 par lesquelles les préfets de l'Hérault et des Bouches du Rhône avaient accordé un permis de pêche spécial aux deux navires du requérant précisaient qu'ils seraient automatiquement retirés lorsque les possibilités de pêche auxquelles ils permettaient d'accéder seraient épuisées ;

Considérant que le requérant, étant au nombre des opérateurs économiques qui étaient en mesure de prévoir l'adoption de la mesure communautaire d'interdiction de la pêche du thon rouge, et ses mesures d'exécution en droit interne, avant d'avoir atteint son quota individuel, n'est dés lors pas fondé à invoquer à son profit le bénéfice du principe de la protection de la confiance légitime ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

Considérant qu'à supposer même que le préjudice allégué doive être regardé comme présentant un caractère anormal et spécial, ni les actes pris par les organes de l'Union européenne, ni les actes par lesquels les autorités nationales se bornent, sans disposer d'aucun pouvoir d'appréciation, à en assurer la mise en oeuvre, ne sont, en tout état de cause, de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat français ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

''

''

''

''

2

N° 10MA04617

sd


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award