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08/03/2012 | FRANCE | N°10MA01289

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 08 mars 2012, 10MA01289


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA01289, présentée pour M. Thierry A, demeurant ..., par la société civile professionnelle (SCP) d'avocats Lévy, Balzarini, Sagnes, Serre ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0804735 du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi des chefs de l'interdiction de la pêche à la " thonaille " par l'Etat à compter du

19 juillet 2007 en application de la décision (CE) n°809/2007 du 28 ju...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA01289, présentée pour M. Thierry A, demeurant ..., par la société civile professionnelle (SCP) d'avocats Lévy, Balzarini, Sagnes, Serre ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0804735 du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi des chefs de l'interdiction de la pêche à la " thonaille " par l'Etat à compter du 19 juillet 2007 en application de la décision (CE) n°809/2007 du 28 juin 2007, et de la décision de l'Etat de laisser se poursuivre la pêche à la " thonaille " après le 1er janvier 2002, date à laquelle le règlement (CE) n° 1239/98 du 8 juin 1998 a interdit l'utilisation des filets maillants dérivants, en calculant le montant de l'indemnité sur le fondement de la décision du Conseil de l'Union européenne n° 99/27 du 8 décembre 1998 et des deux circulaires des 15 novembre 2000 et 2 mai 2001 du ministre chargé de l'agriculture et de la pêche, subsidiairement à lui verser une somme de 200 000 euros sans que cette somme puisse être inférieure à la somme de 94 000 euros, valeur novembre 2000 ;

2°) de condamner l'Etat à l'indemniser sur le fondement de la décision du Conseil de l'Union européenne n° 99/27 du 8 décembre 1998 et des deux circulaires des 15 novembre 2000 et 2 mai 2001 du ministre de l'agriculture et de la pêche, subsidiairement à lui verser une somme de 200 000 euros sans que cette somme puisse être inférieure à 94 000 euros, valeur novembre 2000 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 894/97 du 29 avril 1997 ;

Vu le règlement (CE) n° 1239/98 du 8 juin 1998 ;

Vu le règlement (CE) n° 809/2007 du 28 juin 2007 ;

Vu la décision du Conseil n° 99/27 du 17 décembre 1998 ;

Vu la décision de la Cour de justice des communautés européennes rendue le 5 mars 2009 dans l'affaire C-556-07 Commission des communautés européennes c/ République française ;

Vu la circulaire DPMA/SDPM/C2007-9630 du 21 novembre 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public,

- et les observations de Me de Aranjo de la SCP d'avocats Levy Balzarini Sagnes Serre, avocat de M. Thierry A ;

Considérant que la pêche aux filets maillants dérivants a été interdite à compter du 1er janvier 2002 par le règlement (CE) n° 1239/98 du 8 juin 1998, cette interdiction étant accompagnée d'un dispositif d'aide à l'interruption d'activité ou à la reconversion applicable jusqu'au 31 décembre 2001, mis en place par une décision du Conseil de l'Union européenne du 8 décembre 1998 ; que les autorités françaises, estimant que la " thonaille ", engin de pêche utilisé en Méditerranée pour la capture des thons rouges, n'était pas un filet maillant dérivant au sens de ce règlement, ont autorisé la poursuite de cette pratique de la pêche dite à la " thonaille ", moyennant quelques adaptations techniques pour lesquelles une circulaire du ministre chargé de la pêche du 8 octobre 2001 a prévu une aide financière aux pêcheurs, et ont en outre mis en place un permis de pêche spécial par arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche du 30 août 2003 ; que cet arrêté a été annulé par décision du Conseil d'Etat du 10 août 2005 au motif que la " thonaille " devait être assimilée à un filet maillant dérivant au sens du règlement susvisé du 8 juin 1998 ; que, cependant, la pêche à la " thonaille " n'a été interdite en France qu'à compter du 19 juillet 2007, date de l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 809/2007 du 28 juin 2007 donnant une définition des filets maillants dérivants incluant de manière expresse l'engin litigieux ; que le recours de l'Etat français contre ce règlement a été rejeté par la décision C-556-07 rendue le 5 mars 2009 par la Cour de justice des communautés européennes ; qu'un dispositif d'aide à l'arrêté définitif de l'activité de " thonailleur " a été mis en oeuvre par circulaire du ministre de l'agriculture et de la pêche du 21 novembre 2007 ;

Considérant que le requérant, ancien pêcheur à la " thonaille " en Méditerranée, relève appel, par une requête qui est suffisamment motivée et n'est pas la reprise littérale de ses écritures de première instance, du jugement en date du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi des chefs d'une part de l'interdiction de la pêche à la " thonaille " par l'Etat français à compter du 19 juillet 2007 en application de la décision (CE) susvisée du 28 juin 2007, et, d'autre part, de la décision de l'Etat de laisser se poursuivre la pêche à la " thonaille " après le 1er janvier 2002, date à laquelle le règlement (CE) susvisé du 8 juin 1998 a interdit l'utilisation des filets maillants dérivants, en calculant le montant de l'indemnité sur le fondement de la décision susvisée du Conseil de l'Union européenne du 8 décembre 1998 et de deux circulaires du ministre de l'agriculture et de la pêche des 15 novembre 2000 et 2 mai 2001, subsidiairement à lui verser une somme de 200 000 euros sans que cette somme puisse être inférieure à la somme de 94 000 euros, valeur novembre 2000 ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

Considérant que par courrier du 7 mai 2001, le commissaire européen chargé de l'agriculture et de la pêche a indiqué au ministre français de l'agriculture et de la pêche, s'agissant de la pêche à la " thonaille ", " qu'à moins de disposer de nouvelles preuves scientifiques solides sur les caractéristiques technologiques des engins ainsi que sur les captures accessoires des espèces protégées ", il craignait " que cette pratique de pêche ne relève du règlement (CE) n°1239/98 du Conseil " ; que, par sa décision sus-évoquée du 10 août 2005, le Conseil d'Etat a, sur le fondement entre autres d'études scientifiques menées par le centre océanographiques de Marseille en 2000, jugé que la " thonaille " devait, en dépit de l'adjonction obligatoire d'une ancre flottante imposée par l'arrêté du ministre de l'agriculture du 1er août 2003, être assimilée à un filet maillant dérivant au sens du règlement (CE) susvisé du 8 juin 1998 ; que dans sa décision susvisée rendue le 5 mars 2009, la Cour de justice des communautés européennes a jugé, après avoir pris connaissance du rapport final de l'expertise réalisée par le centre océanographique de Marseille daté de septembre 2007, d'une part que la " thonaille " est un filet maillant dérivant au sens de la réglementation communautaire avant même l'entrée en vigueur du règlement susvisé du 28 juin 2007, lequel n'a eu aucune incidence sur cette qualification, et, d'autre part, que les dispositions du règlement en cause n'ajoutaient ni ne retranchaient rien au caractère dérivant du filet, et que, dés lors, le République française n'était pas fondée à soutenir que la définition du filet maillant dérivant introduite par le règlement (CE) du 28 juin 2007 avait eu pour conséquence d'étendre l'interdiction de l'utilisation de ce type de filet à des filets stabilisés ; qu'il suit de là qu'en n'interdisant pas la pêche à la " thonaille " à compter du 1er janvier 2002, et en encourageant la poursuite de cette activité par une aide financière à l'adaptation technique des bateaux concernés ainsi que l'instauration d'un permis de pêche spécial, l'Etat a violé la réglementation communautaire ; que cette violation, qui a fortement incité les pêcheurs à la " thonaille " à ne pas réclamer l'application de la décision du Conseil de l'Union européenne du 17 décembre 1998, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers le requérant ;

Sur le lien direct :

Considérant que l'institution du permis de pêche spécial, mesure prise postérieurement au 15 octobre 2001, date limite de dépôt des demandes d'indemnisation en vertu de la circulaire du ministre de l'agriculture et de la pêche du 10 novembre 2000 prise pour l'application de la décision du Conseil du 17 décembre 1998, ne peut avoir eu pour effet de priver le requérant de la possibilité de demander à être indemnisé sur le fondement de cette décision comme il le prétend ; qu'en revanche, en n'interdisant pas la pêche à la " thonaille " à compter du 1er janvier 2002 en application du règlement (CE) du 8 juin 1998, en prévoyant dés le 8 octobre 2001 une aide financière supposée permettre aux navires équipés d'une " thonaille " de ne pas entrer dans le champ d'application de ce règlement grâce à des adaptations techniques de leurs filets, et, ainsi qu'il résulte de la lettre en date du 20 juin 2001 du ministre de l'équipement, des transports et du logement adressée au président du comité régional des pêches maritimes du Languedoc-Roussillon et au Premier prud'homme d'Agde accompagnant la circulaire du 10 novembre 2000, en n'ayant pas défini " les critères à retenir (éventuellement) pour la Méditerranée ", l'Etat français a, nonobstant la circonstance que le requérant n'établit pas avoir sollicité une telle indemnisation dans le courant de l'année 2001, fortement incité l'intéressé à ne pas procéder à une telle demande ; que, par suite, le lien direct et certain entre le préjudice allégué par l'appelant et la violation par l'Etat du règlement (CE) du 8 juin 1998 est établi ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les revenus tirés de la poursuite de son activité de pêcheur à la " thonaille " jusqu'au 19 juillet 2007 cumulés à l'indemnisation qu'il a perçue en vertu de la circulaire du ministre de l'agriculture et de la pêche du 21 novembre 2007 prise suite à l'entrée en vigueur du règlement (CE) du 28 juin 2007 auraient placé le requérant dans une situation moins favorable que s'il avait demandé à bénéficier des mesures prévues par la décision du Conseil du 17 décembre 1998 ; que, par suite, le préjudice allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry A et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

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