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14/02/2012 | FRANCE | N°09MA02270

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 14 février 2012, 09MA02270


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2009, présentée pour Mme Marie-José A, demeurant ..., par Me Andrieu-Ordner, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703942 en date du 28 avril 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à son licenciement par la commune de Saint-Clément de Rivière à la somme de 15 400 euros ;

2°) de condamner la commune de Saint-Clément de Rivière à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ces préjudice

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3°) de condamner la commune de Saint-Clément de Rivière à lui verser la somme de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2009, présentée pour Mme Marie-José A, demeurant ..., par Me Andrieu-Ordner, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703942 en date du 28 avril 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à son licenciement par la commune de Saint-Clément de Rivière à la somme de 15 400 euros ;

2°) de condamner la commune de Saint-Clément de Rivière à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ces préjudices ;

3°) de condamner la commune de Saint-Clément de Rivière à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la directive 99/70/CE CE du 28 juin 1999 concernant l'accord cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Garreau pour la commune de Saint-Clément de Rivière ;

Considérant que Mme A a été recrutée en qualité de collaboratrice de cabinet du maire de Saint-Clément de Rivière par un contrat en date du 29 mars 2001, pour une durée de trois ans ; que ce contrat, qui faisait suite à divers contrats d'engagements en qualité d'agent contractuel, a ensuite été renouvelé pour une nouvelle durée de trois ans, par un contrat en date du 15 mars 2004, prenant effet au 20 mars ; que par arrêté du 30 août 2004, le maire de la commune de Saint-Clément de Rivière a mis un terme à ce contrat en invoquant la rupture du lien de confiance qui le liait à Mme A ; que celle-ci a obtenu l'annulation de la décision procédant à son licenciement par un jugement du tribunal administratif de Montpellier, en date du 29 décembre 2006, confirmé en appel par arrêt de la Cour de céans, n° 07MA01157, en date du 2 juillet 2009, le motif avancé par la commune ayant été jugé matériellement inexact ; que Mme A relève appel du jugement n° 0703942 du tribunal administratif de Montpellier, en date du 28 avril 2009, en tant qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à ce licenciement illégal à la somme de 15 400 euros ; qu'en défense, la commune de Saint-Clément de Rivière demande, à titre principal, l'annulation de ce jugement et, à titre subsidiaire, sa réformation, en demandant que le montant de l'indemnisation mise à sa charge soit limité à la somme de 8 357,40 euros ;

Sur les conclusions en indemnisation :

Considérant que l'illégalité de la décision du 30 août 2004 par laquelle le maire de la commune de Saint-Clément de Rivière a mis un terme au contrat de Mme A engage la responsabilité de la commune, pour faute ; que cette faute est de nature à ouvrir droit à réparation, pour autant qu'elle ait été à l'origine de préjudices directs et certains pour l'agent irrégulièrement évincé ;

En ce qui concerne le préjudice matériel :

Considérant que Mme A soutient qu'au 30 août 2004, date à laquelle le maire de Saint-Clément de Rivière a mis un terme à ses fonctions de collaboratrice de cabinet, elle bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée en application des stipulations tardivement transposées, de la Directive 1999/70/CE du Conseil en date du 28 juin 1999 et peut donc prétendre à l'indemnisation des préjudices résultant d'un licenciement illégal ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que, par le contrat signé le 15 mars 2004, la commune de Saint-Clément de Rivière a renouvelé l'engagement de Mme A sur le fondement des dispositions de l'article 110 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : L'autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions. La nomination de non-fonctionnaires à ces emplois ne leur donne aucun droit à être titularisés dans un grade de la fonction publique territoriale. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de rémunération des membres des cabinets ainsi que leur effectif maximal, en fonction, pour les communes, départements et régions, de leur importance démographique et, pour leurs établissements publics administratifs, du nombre de fonctionnaires employés. Ces collaborateurs ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et qui décide des conditions et des modalités d'exécution du service qu'ils accomplissent auprès d'elle. Cette disposition ne saurait interdire aux juridictions compétentes et aux autorités administratives chargées du contrôle de légalité d'exercer leurs missions dans les conditions de droit commun ; que dès lors qu'en application de ces dispositions, l'autorité territoriale peut librement mettre fin aux fonctions d'un collaborateur de cabinet, et nonobstant l'illégalité interne dont serait entachée la décision de licenciement, Mme A ne peut utilement prétendre à une indemnisation correspondant à la différence entre les traitements qu'elle aurait pu percevoir jusqu'au terme de son contrat et les sommes qui lui ont été versées par ailleurs, notamment au titre des allocations de chômage ; que la commune de Saint-Clément de Rivière est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué à Mme A une indemnisation sur ce fondement ; qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions présentées par celle-ci, tendant à obtenir une indemnisation au titre du rachat, auprès de la caisse de retraite, des trimestres correspondant à la période séparant la fin de son engagement du terme initial de son contrat, ainsi que du rachat de son contrat de mutuelle, ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 43 du décret précité du 15 février 1988, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté de licenciement : Sauf lorsque le licenciement intervient, soit pour des motifs disciplinaires, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai, une indemnité de licenciement est due aux agents... ; qu'aux termes de l'article 44 de ce même décret : Toutefois, l'indemnité n'est pas due aux agents mentionnés à l'article 43 lorsque ceux-ci : 5° Ont été recrutés en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ; qu'en application de ces dispositions, Mme A ne pouvait prétendre au versement d'une indemnité de licenciement au 30 août 2004 ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 40 et 42 du décret du 15 févrie1988 précité, qui sont applicables aux collaborateurs de cabinet recrutés en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 2004, que les intéressés ne peuvent être licenciés par l'autorité territoriale qu'après un préavis, la date à laquelle le licenciement prend effet devant tenir compte tant de cette période de préavis que des droits à congé annuel restant à courir, déterminés en fonction de la durée des services accomplis et incluant la période de préavis ; qu'est sans incidence sur le droit à percevoir ces indemnités la double circonstance que le licenciement de Mme A a été annulé pour excès de pouvoir et que l'intéressée se trouvait en congé de maladie lors de son licenciement ; que dès lors que la durée du dernier contrat de Mme A excédait deux années, l'indemnité de préavis due à cette dernière correspondait à deux mois de son dernier traitement connu, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 4 400 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une somme de 2 222 euros a été versée à Mme A au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ; que l'appelante n'apporte aucune précision sur la nature et l'étendue des droits à congés non pris, de nature à justifier qu'une somme complémentaire lui soit versée au titre de l'année 2005 ;

En ce qui concerne les autres préjudices :

Considérant que les conditions d'exercice de ses fonctions, antérieurement à la rupture de son contrat de travail, que Mme A présente comme très difficiles eu égard au harcèlement dont elle aurait fait l'objet de la part du maire de Saint-Clément de Rivière, constituent des conditions irrégulières dans lesquelles il a été mis fin à son contrat ; qu'elles ne peuvent donc lui ouvrir droit à indemnisation dans le cadre de la présente instance ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prêt personnel que Mme A a contracté pour assumer les besoins de la vie quotidienne au cours de l'année 2006 aurait un lien direct avec la fin de son contrat intervenue en août 2004 ; que par ailleurs, les difficultés d'ordre familial qu'elle a rencontrées avec son fils et la nécessité dans laquelle elle indique s'être trouvée de placer son fils en internat ne présentent pas de lien direct et certain avec les faits en litige ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que, bien que travaillant au sein de la commune en qualité d'agent contractuel depuis 1990, Mme A avait été recrutée en dernier lieu en qualité de collaboratrice de cabinet ; qu'elle ne pouvait ignorer le caractère précaire d'un emploi de cette nature ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral, compte tenu du motif d'annulation du licenciement, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'indemnisation à laquelle Mme A pouvait prétendre en réparation des préjudices consécutifs à la décision du maire de Saint-Clément de Rivière mettant illégalement un terme à ses fonctions de collaboratrice de cabinet se limite à la somme de 5 400 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner la commune de Saint-Clément de Rivière à lui verser ladite somme et d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Montpellier en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Clément de Rivière la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A, et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la commune de Saint-Clément de Rivière, partie perdante à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La commune de Saint-Clément de Rivière est condamnée à payer à Mme A la somme de 5 400 euros (cinq mille quatre cents euros) en réparation de ses préjudices, consécutifs à la décision du maire de Saint-Clément de Rivière de mettre un terme, illégalement, à ses fonctions de collaboratrice de cabinet.

Article 2 : La commune de Saint-Clément de Rivière versera à Mme A la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Clément de Rivière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le jugement n° 0703942 du tribunal administratif de Montpellier, en date du 28 avril 2009, est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-José A, à la commune de

Saint-Clément de Rivière et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 09MA02270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02270
Date de la décision : 14/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Troubles dans les conditions d'existence.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : SCP TRIAS - VERINE - VIDAL - GARDIER-LEONIL - ROYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-02-14;09ma02270 ?
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