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14/02/2012 | FRANCE | N°09MA01800

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 14 février 2012, 09MA01800


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mai 2009, présentée pour Mlle Mady A, demeurant ..., par Me Trojman, avocat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604544 du 10 mars 2009, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 juillet 2006 du directeur régional Provence-Côte d'Azur de France Télécom rejetant son recours gracieux du 24 avril 2006 tendant au retrait de la décision du 2 mars 2006 portant radiation des cadres pour abandon de poste ;

2°) d'annuler la d

écision du 6 juillet 2006 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à la soc...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mai 2009, présentée pour Mlle Mady A, demeurant ..., par Me Trojman, avocat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604544 du 10 mars 2009, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 juillet 2006 du directeur régional Provence-Côte d'Azur de France Télécom rejetant son recours gracieux du 24 avril 2006 tendant au retrait de la décision du 2 mars 2006 portant radiation des cadres pour abandon de poste ;

2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2006 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à la société France Télécom de réexaminer son dossier dans le délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

Vu le décret n° du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, notamment son article 5-6 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- les observations de Me Pasquier, substituant Me Trojman, pour Mlle A,

- et les observations de Mme Fanni-Vouillot, juriste du pôle juridique Provence Méditerranée de la direction juridique de France Télécom, pour France Télécom ;

Considérant que Mlle A, recrutée par France Télécom en 1976, affectée à Paris, puis à Nice, a été placée en congé de maladie ordinaire en 2003 puis en 2005 ; qu'à l'issue de son dernier congé de maladie, elle a repris provisoirement ses fonctions puis ne s'est plus présentée à son poste de travail à compter du 29 décembre 2005 ; que, reçue à sa demande le 16 janvier 2006 par la directrice de l'agence distribution Provence-Côte d'Azur, elle a indiqué que n'étant pas satisfaite de ses conditions matérielles de travail et des missions qui lui étaient confiées, elle entendait faire valoir son droit de retrait à compter de la date de l'entretien ; qu'aux termes d'un échange de télégrammes et de lettres recommandées avec accusé de réception, le directeur régional de France Télécom a prononcé, par décision du 28 février 2006, notifiée le 2 mars, la radiation des cadres de cet agent à compter du 17 janvier 2006 ; que le recours gracieux que Mlle A a présenté le 24 avril 2006, dans le délai de recours contentieux, a été rejeté par le directeur régional de la région Provence-Côte d'Azur le 6 juillet 2006 ; que Mlle A relève appel du jugement n° 0604544 en date du 10 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte ni des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979, ni d'aucun principe général du droit que la décision rejetant un recours gracieux non obligatoire doive faire l'objet d'une motivation, au surplus distincte de celle contenue dans la décision visée par ce recours ; qu'il ressort des pièces du dossier que pour justifier la décision prononçant la radiation des cadres de Mlle A pour abandon de poste prise le 28 février 2006, le directeur régional de France Télécom, région Provence-Côte d'Azur a indiqué que l'intéressée n'avait apporté, au soutien de ses explications aux fins de justifier l'exercice de son droit de retrait, aucun élément nouveau de nature à en établir le bien-fondé et qu'elle avait ainsi rompu de sa propre initiative le lien qui l'unissait à France Télécom ; que cette décision mentionnait également les circonstances de droit sur lesquels elle se fondait, notamment les dispositions de l'article 69 de la loi n° 84-16 susvisée du 11 janvier 1984, applicables aux fonctionnaires relevant de France Télécom ; que cette décision étant suffisamment motivée, et eu égard à l'absence d'éléments nouveaux apportés par l'intéressée à l'appui de son recours gracieux, il n'y avait pas lieu, pour le directeur régional, de motiver distinctement la décision rejetant ce recours ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l'agent ne s'est ni présenté, ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard pris à réintégrer ses fonctions, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait même de l'intéressé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour justifier son absence du service, Mlle A a indiqué qu'elle entendait mettre en oeuvre son droit de retrait, tel que prévu par l'article 5-6 du décret susvisé du 28 mai 1982, expliquant qu'elle ne jugeait pas acceptables les conditions matérielles d'exercice de ses fonctions et les missions qui lui étaient confiées ; qu'en réponse au télégramme qu'elle a envoyé à cette fin le 16 janvier 2006, France Télécom lui a, le 17 janvier 2006, adressé un télégramme, complété par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 janvier 2006, qui en reprenait les termes, indiquant que les motifs qu'elle avançait n'étaient pas recevables, qu'elle se trouvait en situation irrégulière, en lui enjoignant de reprendre ses fonctions ; qu'en réponse au télégramme adressé par l'appelante le 23 janvier 2006, France Télécom lui a envoyé un second courrier daté du 9 février 2006, rejetant une nouvelle fois les explications fournies, précisant que l'intéressée avait ainsi rompu le lien qui l'unissait au service et la sommant de fournir des explications circonstanciées avant le 24 février 2006, sous peine d'être radiée des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que cette dernière lettre, qui informait l'agent de ses obligations et des conséquences auxquelles il s'exposait en cas d'absence prolongée, constituait, par sa teneur, la seule mise en demeure requise, alors même qu'était invoqué un motif d'ordre médical ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de cette mise en demeure, Mlle A souffrait de problèmes de santé tels qu'ils l'auraient empêchée d'en apprécier l'exacte portée ; qu'au demeurant, l'intéressée n'avait formulé, antérieurement à l'arrêté la radiant des cadres, que des objections liées à ses conditions de travail et aux missions confiées et n'a produit de certificats médicaux faisant état de difficultés de santé que postérieurement à cet arrêté ; qu'elle n'est donc pas, en tout état de cause, fondée à soutenir qu'une procédure particulière pour raison de santé aurait dû être mise en oeuvre en lieu et place de celle relevant de l'abandon de poste ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5-6 du décret susvisé du 28 mai 1982 : L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A se plaignait depuis plusieurs mois des conditions matérielles dans lesquelles elle travaillait et de la nature des missions qui lui étaient confiées ; que ces circonstances, à les supposer mêmes établies ne caractérisent pas une situation de danger, au surplus grave et imminent, dont cet agent aurait été fondé à se préserver dans le cadre des dispositions précitées ; qu'en tout état de cause, les pièces produites n'établissent pas la matérialité des griefs qu'elle formule à l'encontre de France Télécom, et la gravité qu'elle leur attache ; que les missions qui lui ont été confiées au cours des années précédentes, qu'il s'agisse du suivi des clôtures de marchés, de l'archivage et d'une mission sur la qualité de la relation client, partagée avec d'autres agents, ne contreviennent pas aux missions qu'elle avait, en qualité d'inspecteur, vocation à exercer ; que le bureau qui lui était attribué, au moment où elle se prévalait d'une situation de danger grave pour sa santé, présentait toutes les qualités de confort et d'agrément nécessaires à l'exercice de ses fonctions ; que, dans ces conditions, France Télécom a pu légalement estimer que Mlle A n'avançait aucun motif légitime pour refuser de reprendre ses fonctions et prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste ;

Considérant toutefois, en dernier lieu, que la mesure radiant Mlle A des cadres ne pouvait, sans rétroagir illégalement, prendre effet qu'à compter de la date à laquelle la mise en demeure de rejoindre son poste lui avait été notifiée, soit, au cas d'espèce, la date à laquelle la mise en demeure du 9 février 2006 a été réceptionnée ; que cette date ne peut, en revanche, être la date de notification du premier courrier du 17 janvier 2006, qui, ne précisant pas les conséquences d'une absence prolongée sans motif valable, ne peut être regardé comme valant mise en demeure ; qu'il y a donc lieu d'annuler la décision contestée du 6 juillet 2006 en tant qu'elle confirme la date d'effet de la mesure de radiation des cadres au 17 janvier 2006 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mlle A est seulement fondée à demander, d'une part, l'annulation de la décision du 6 juillet 2006 rejetant son recours gracieux en tant qu'elle confirme la date d'effet de la mesure la radiant des cadres au 17 janvier 2006 et, d'autre part, l'annulation du jugement susvisé en date du 10 mars 2009 en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique seulement que France Télécom régularise la situation de Mlle A compte tenu de l'irrégularité tenant au caractère rétroactif de la décision de radiation des cadres ; que les conclusions présentées par Mlle A et tendant à ce que France Télécom réexamine sa situation, en ce qui concerne le bien-fondé du droit de retrait allégué, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par France Télécom sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 6 juillet 2006, rejetant le recours gracieux formé par Mlle A à l'encontre de la décision du 28 février 2006 la radiant des cadres pour abandon de poste, est annulée en tant que ses effets rétroagissent au 17 janvier 2006.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 09MA01800 de Mlle A est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par France Télécom sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le jugement n° 0604544 du tribunal administratif de Nice en date du 10 mars 2009 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Mady A, à France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 09MA018002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA01800
Date de la décision : 14/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.

Travail et emploi - Conditions de travail - Hygiène et sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : TROJMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-02-14;09ma01800 ?
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