Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2009, présentée pour Mme Brigitte A, demeurant ..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante de son fils mineur Mathieu, et M. Thomas A, demeurant ..., par Me Cabello ; Mme A et M. A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605833 du 4 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Hyères soit condamné à leur verser en réparation du décès de M. Pascal C lors de son hospitalisation le 26 mars 1998, la somme de 1907 euros au titre des frais d'obsèques, la somme de 35 000 euros au titre du préjudice moral de Mme A, et au titre du préjudice moral de chacun des deux enfants la somme de 35 000 euros, et au titre du préjudice économique, la somme de 64 539,67 euros pour Mme A, la somme de 13 346,98 euros pour Mathieu C et la somme de 11 302,95 euros pour Thomas C ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier de Hyères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de le condamner aux entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2011 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,
Considérant que les consorts A relèvent appel du jugement du 4 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur requête tendant à ce que le centre hospitalier d'Hyères soit condamné à réparer les préjudices du décès au sein de cet établissement de M. Pascal A, leur époux et père, le 30 mars 1998, consécutif aux séquelles anoxiques d'un arrêt cardio-circulatoire survenu le 26 mars 1998, lors de sa prise en charge par les services des urgences de cet établissement ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement d'un malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise rédigé par l'expert désigné par ordonnance du 29 septembre 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Nice que l'arrêt cardio-circulatoire qui a engendré une hypoxie cérébrale à l'origine des séquelles neurologiques irréversibles ayant abouti au décès de M. A est survenu lors de la première tentative d'intubation effectuée sur ce patient ; que toutefois, il résulte également de l'instruction que ce patient souffrait d'une épiglottite infectieuse d'évolution rapide, qui a entraîné, en quelques heures, une détresse respiratoire aiguë et une obstruction des voies aériennes par l'oedème et l'augmentation de volume de l'épiglotte ; que la pathologie dont souffrait le patient lors de son arrivée au service des urgences lui faisait courir le risque vital d'arrêt cardio-circulatoire qui s'est réalisé lors de cette intubation ; que l'hypoxie cérébrale qui a entraîné le décès de M. A ne peut, ainsi, être regardée comme sans rapport avec son état initial comme avec l'évolution prévisible de cet état ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A s'est présenté dans le service des urgences du centre hospitalier d'Hyères dans la soirée du 26 mars 1998, après avoir consulté un médecin à Sollies Pont vers 19 heurs 45, être rentré chez lui à Belgentier, et avoir recontacté son médecin par téléphone ; qu'il a, dès son arrivée au sein du service des urgences, été pris en charge sans délai par un médecin urgentiste qui a immédiatement fait appel à un anesthésiste réanimateur ; que, le patient étant assis sur un brancard, une thérapeutique par anti-inflammatoire stéroidiens et vasoconstricteurs a été instaurée, et une oxygénothérapie réalisée ; qu'en l'absence d'amélioration de l'état du patient, qui présentait un visage cyanosé et se trouvait, malgré l'oxygène nasal, en état pré asphyxique, la décision de réaliser dans le box de déchocage du service des urgences une intubation oro-trachéale a été arrêtée ; que, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, un arrêt cardio circulatoire est survenu alors que le patient avait été allongé pour procéder à cette tentative d'intubation ;
Considérant qu'il ressort du rapport de l'expertise précitée que l'épiglottite infectieuse d'évolution rapide présentée par M. A constitue une affection rare ; que, si l'expert indique que la littérature recommande que le patient soit examiné par un médecin ORL avec une nasofibroscopie, et que, lorsque l'on se trouve devant une forme aiguë rapidement installée, une trachéotomie en position semi-assise soit effectuée en salle d'opération, les termes du rapport du sapiteur, joint en totalité au rapport d'expertise font également apparaître que les données de la littérature sont relativement pauvres pour cette affection, et qu'il n'existait pas de recommandation de pratique clinique, ni de consensus pour la prise en charge de cette affection à cet âge de la vie, l'incidence faible de cette pathologie faisant que peu de médecins ont une expérience de l'intubation chez ce type de patient ; qu'il résulte de l'avis des hommes de l'art que la prise en charge en première intention de M. A a été correcte, dès lors qu'il n'y a pas eu de délai dans l'administration des thérapeutiques ni faute dans le choix des orientations diagnostiques et thérapeutiques ; que même si, a posteriori, le choix d'une intubation oro-trachéale s'est avéré être inadapté à la pathologie du patient, l'hôpital ne peut néanmoins, dans le contexte d'urgence vitale qui prévalait alors, être regardé comme ayant commis une imprudence fautive de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas, d'emblée, à une trachéotomie en position semi-assise en salle d'opération ; que, dans ce contexte, le fait de ne pas avoir fait immédiatement appel au médecin ORL d'astreinte à domicile ne saurait pas davantage être regardé comme fautif dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la prise en charge du patient s'en serait trouvée modifiée, et qu'un anesthésiste réanimateur était à même de réaliser, comme cela s'est produit par la suite, un geste de cricothyrotomie de sauvetage pour assurer l'oxygénation du patient ; qu'il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du tableau qualifié par le rapport d'expertise de relativement exceptionnel, que présentait M. A, de la détérioration rapide de son état clinique, de l'urgence, et de l'état des connaissances médicales de l'époque, la prise en charge de M. A par le service des urgences du centre hospitalier d'Hyères ne peut être regardée comme fautive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;
Sur les frais d'expertise :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête,
Considérant que, saisi de conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge du centre hospitalier, le tribunal ne s'est pas prononcé sur la dévolution définitive des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 981,82 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice en date du 2 juin 2004 à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme A en première instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit allouée aux consorts A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 juin 2009 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la dévolution des frais de l'expertise.
Article 2 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 981,82 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice en date du 2 juin 2004 sont laissés à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme A en première instance.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Hyères versera aux consorts A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Brigitte A, à M. Thomas A, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var, au centre hospitalier d'Hyères et à l'expert, M. Thomassin.
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N° 09MA02893