Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2008, présentée pour la commune de CAVALAIRE-SUR-MER, représentée par son maire, par Me Lefort ; la commune de CAVALAIRE-SUR-MER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702302 en date du 27 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande indemnitaire et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60 979,61 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de ressources fiscales ;
2°) de prononcer la condamnation demandée avec intérêt à compter du 5 décembre 2006 et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2011,
- le rapport de M. Bédier, président assesseur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Picardo, pour la commune de CAVALAIRE-SUR-MER ;
Considérant que la commune de CAVALAIRE-SUR-MER demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 27 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande indemnitaire et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60 979,61 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de ressources fiscales ;
Considérant que, par un arrêté en date du 28 janvier 1981, le préfet du Var a accordé à la SCI Sémiramis un permis de construire en vue d'édifier deux bâtiments de cinquante logements sur le territoire de la commune ; que le même permis de construire mettait à la charge de la SCI Sémiramis la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement, prévue en faveur des communes par l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, pour un montant de 400 000 francs correspondant à vingt places de stationnement au tarif unitaire de 20 000 francs ; qu'un titre de recettes n° 121 a été émis le 3 mars 1981 à l'encontre de M. A, représentant de la SCI Sémiramis ; qu'à la réception d'un dernier avis avant poursuite du 28 juillet 1981, M. A a sollicité, par lettre du 31 juillet, un délai pour s'acquitter de cette participation et proposé une caution bancaire pour l'intégralité de la somme due par la société ; que, par lettre en date du 15 septembre 1981, le receveur de la trésorerie de Saint-Tropez a accepté cette demande de délai en établissant un échéancier de six versements ; que l'intéressé n'ayant pas réglé sa dette, un nouveau rappel lui a été notifié le 16 février 1982 ; qu'un commandement de payer a été adressé le 13 août 1982 à la SCI Sémiramis ; qu'à défaut de biens regardés comme saisissables par l'administration, un procès-verbal de carence a été dressé le 1er octobre 1982 ; que, par jugement en date du 4 juillet 2001, devenu définitif, le Tribunal administratif de Nice, saisi par M. A, M. B et M. C, trois des associés de la SCI Sémiramis recherchés en paiement de la participation en proportion des parts qu'ils détenaient dans cette société par un commandement de payer en date du 15 mai 1997, a déchargé ces derniers de l'obligation de payer les sommes correspondant à cette participation après avoir constaté la prescription à compter du 1er janvier 1989 de l'action en recouvrement de l'administration fiscale ; que, parallèlement, par délibération en date du 8 février 1991, le conseil municipal de CAVALAIRE- SUR-MER a rejeté la demande d'admission en non valeur du titre émis en 1981 et décidé de solliciter la chambre régionale des comptes afin que cette dernière se prononce le cas échéant sur la responsabilité des comptables publics de la commune ; que la chambre régionale des comptes a, par un jugement en date du 13 février 2001, déchargé les comptables concernés de toute responsabilité ;
Considérant qu'une faute commise par l'administration fiscale lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ;
Considérant que la commune soutient que l'administration fiscale a commis une faute en laissant se prescrire l'action en recouvrement de la participation de 400 000 francs ; que le ministre réplique en défense, d'une part, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que le caractère définitif du jugement en date du 13 février 2001 de la chambre régionale des comptes, dont la commune n'a pas relevé appel, faisait obstacle à l'indemnisation demandée et, d'autre part et en toute hypothèse, que l'insolvabilité de la SARL Sémiramis privait la commune de toute possibilité de recouvrer sa créance ;
Considérant, en premier lieu, que le fait que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics d'une commune a été écartée par le juge des comptes n'interdit pas à cette collectivité publique de rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de fautes de service commises par l'administration en charge du recouvrement ; qu'ainsi, le jugement définitif rendu le 13 février 2001 par la chambre régionale des comptes ne fait pas obstacle à ce que la commune recherche la responsabilité de l'Etat devant la juridiction administrative de droit commun ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartenait aux comptables compétents de l'administration fiscale de recouvrer par tous moyens, la participation due par la SCI Sémiramis ;
Considérant que, dans un premier temps, il n'a pas été donné suite par le comptable compétent à l'offre de caution proposée le 31 juillet 1981 pour l'intégralité de la somme due par la société par le représentant de celle-ci ;
Considérant que, dans un second temps, à supposer que la société n'ait pas disposé de biens saisissables comme le relève le procès-verbal de carence dressé le 1er octobre 1982, les services du recouvrement se trouvaient alors en droit, après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale et conformément aux dispositions de l'article 1858 du code civil, de poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés de la SCI Sémiramis ; qu'il résulte de l'instruction que si une action en recouvrement a été effectivement engagée par l'administration fiscale à l'encontre des associés, celle-ci a été engagée tardivement et a été déclarée prescrite par le jugement en date du 4 juillet 2001, devenu définitif, du Tribunal administratif de Nice ; que le ministre ne soutient pas que M. A, M. B et M. C, associés de la SCI Sémiramis recherchés en paiement de la participation en proportion des parts qu'ils détenaient dans la société, se seraient trouvés eux-mêmes dans l'incapacité de faire face à leurs obligations ;
Considérant que, dans ces conditions, les services du recouvrement ont commis, en n'acceptant pas la caution proposée par le débiteur de la participation et en ne prenant pas en temps utile à l'encontre des associés de la SCI Sémiramis, les mesures propres à assurer le recouvrement de l'imposition avant l'intervention de la prescription, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, la commune, à l'encontre de laquelle aucune faute n'est susceptible d'être relevée qui soit de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat, est fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'indemnisation qui lui a été opposée ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 69 979,61 euros (400 000 francs) correspondant aux ressources fiscales dont elle s'est trouvée privée du fait de l'inaction fautive des services de recouvrement ; que cette somme portera intérêts à compter du 11 décembre 2006, date de réception par l'Etat de la demande préalable de la commune ; que cette dernière a également demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive de l'instance d'appel le 4 septembre 2008 ; qu'à cette date, il était dû une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à la date du 4 septembre 2008 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que la commune de CAVALAIRE-SUR-MER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 juin 2008 du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La décision implicite de rejet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est annulée.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à la commune de CAVALAIRE-SUR-MER la somme de 69 979,61 euros (soixante neuf mille neuf cent soixante-dix-neuf euros et soixante et un centimes), avec les intérêts à compter du 11 décembre 2006 et capitalisation des intérêts à la date du 4 septembre 2008 et à chaque échéance annuelle.
Article 4 : L'Etat versera à la commune de CAVALAIRE-SUR-MER la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de CAVALAIRE-SUR-MER et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
''
''
''
''
2
N° 08MA04070