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14/12/2011 | FRANCE | N°09MA00882

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2011, 09MA00882


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2009, présentée pour M. Pascal A demeurant ... (06320), par Me Stemmer ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402610 en date du 13 janvier 2009 en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Escota à lui verser la somme de 78 000 euros au titre des troubles de jouissance subis et la même somme au titre de la dépréciation de la valeur vénale de son bien ;

2°) de condamner la société Escota à lui verser la somme de 78 000 euros au titre des troubles

de jouissance subis assortie des intérêts de droit et la même somme au titre d...

Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2009, présentée pour M. Pascal A demeurant ... (06320), par Me Stemmer ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402610 en date du 13 janvier 2009 en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Escota à lui verser la somme de 78 000 euros au titre des troubles de jouissance subis et la même somme au titre de la dépréciation de la valeur vénale de son bien ;

2°) de condamner la société Escota à lui verser la somme de 78 000 euros au titre des troubles de jouissance subis assortie des intérêts de droit et la même somme au titre de la dépréciation de la valeur vénale de son bien ;

3°) de mettre à la charge de la société Escota la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2011, présenté par la société Escota qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;

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Vu le mémoire enregistré le 15 novembre 2011, présenté pour M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2011,

- le rapport de Mme Massé-Degois, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Brice du cabinet Stemmer-Brice pour M. A et de Me Carbonnier de la SCP Carbonnier Lamaze Rasle et Associés. pour la société Escota ;

Considérant que M. A a acquis en 1989 une maison d'une superficie de 107 m² située sur un terrain de 2 600 m² sur le territoire de la commune de La Turbie à proximité de l'autoroute A8 ; qu'afin de faciliter notamment aux habitants des communes de La Turbie, de Peille et de la Principauté de Monaco l'accès aux liaisons entre le Littoral et la Grande Corniche, a été décidée la réalisation du demi échangeur de Laghet sur les territoires des communes de La Trinité et de la Turbie ; que M. A relève appel du jugement n° 0402610 en date du 13 janvier 2009 en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Escota à lui verser la somme de 78 000 euros au titre des troubles de jouissance subis et la même somme au titre de la dépréciation de la valeur vénale de sa maison consécutivement à la réalisation du demi échangeur de Laghet ;

Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le remblai, qui atteint une hauteur de quinze à vingt mètres, nécessaire à la réalisation du demi échangeur de Laghet a été implanté par la société Escota, maître de l'ouvrage, en limite séparative de la propriété de M. A et qu'il jouxte la clôture de la propriété de ce dernier qui se trouve elle-même aux environs de huit mètres de la maison d'habitation ;

Considérant que si M. A soutient subir, du fait de la présence du demi échangeur, des nuisances sonores, aucun élément du dossier ne permet d'établir l'existence de tels troubles dès lors qu'il ressort explicitement de l' avis de valeur produit par ses soins et établi par un agent immobilier de la région en mars 2004 qu'aucune nuisance de ce genre n'a été relevée ; que M. A, qui s'abstient d'apporter le moindre élément à l'appui de son assertion, n'établit pas l'existence d'un préjudice lié à la survenue d'inondations de la route principale du fait de la création de cet ouvrage ; qu'en outre, les photographies versées au dossier par M. A ne permettent pas de démontrer la réalité d'un préjudice propre et caractérisé lié à la disparition d'arbres et de la végétation du fait de la présence du talus nécessaire à la réalisation de l'échangeur dans la mesure où ces photographies ont été prises, pour la période antérieure à la réalisation des travaux, au printemps et, pour la période immédiatement postérieure aux travaux, en période hivernale ; qu'en tout état de cause, la société Escota a versé en appel des photographies couleurs récentes des lieux qui ont été soumises au contradictoire faisant état d'un talus végétalisé ; que, par ailleurs, M. A n'établit pas, par l' avis de valeur d'un seul agent immobilier qui se borne à mentionner des prix de vente de trois maisons dont les caractéristiques d'exposition, de situation et de prestations ne sont pas comparables à la sienne, et il ne résulte pas de l'instruction que la présence de ce talus désormais végétalisé et verdoyant, bien que situé en limite séparative de sa propriété, soit à l'origine d'un préjudice anormal et spécial à raison de la dépréciation de la valeur de son bien eu égard à l'état environnemental des lieux avant la réalisation de cet ouvrage public, et notamment à l'existence d'une bretelle autoroutière, distance de 25 mètres, qui surplombe le côté sud de la maison d'habitation de l'intéressé construite sur le flanc nord d'une colline au sommet de laquelle passe l'autoroute A8 et à la présence proche d'une décharge de gravats ;

Considérant, toutefois, que, nonobstant la circonstance que le bien de M. A, qui constitue sa résidence principale, se trouvait lors de son acquisition en 1989 à proximité immédiate d'un réseau autoroutier, la réalisation du demi échangeur de Laghet est à l'origine d'une aggravation de sa situation dans la mesure où il résulte de l'instruction que cet ouvrage obstrue partiellement la vue et l'éclairage du côté ouest de la maison sur lequel donne la cuisine, une partie du salon ainsi qu'une terrasse extérieure ; que ce trouble de jouissance excède par son importance la gêne que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires voisins d'un réseau autoroutier ; qu'il sera fait une juste et équitable appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à la somme de 5 000 euros le préjudice subi par M. A au titre du trouble de jouissance ;

Considérant que M. A demande que la somme allouée au titre des troubles de jouissance soit assortie des intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 5 mai 2004, jour de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à obtenir de la société Escota l'indemnisation des troubles de jouissance qu'il subit du fait de la réalisation du demi échangeur de Laghet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une quelconque somme au titre des frais d'instance, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A et de mettre à la charge de la société Escota la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0402610 du 13 janvier 2009 du Tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la société Escota tendant à la réparation des troubles de jouissance de M. A.

Article 2 : La société Escota versera à M. A la somme de 5 000 euros assortie des intérêts de droit à compter du 5 mai 2004.

Article 3 : La société Escota versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et les conclusions présentées par la société Escota sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pascal A et à la société Escota.

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N° 09MA00882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00882
Date de la décision : 14/12/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Existence de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : CABINET STEMMER-BRICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-14;09ma00882 ?
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