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13/12/2011 | FRANCE | N°10MA03280

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2011, 10MA03280


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 août 2010, présentée pour Mme Jacqueline A, demeurant ..., par Me Cassel, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000185 du 7 juillet 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision par laquelle le centre communal d'action sociale de Marseille l'a placée à la retraite pour inaptitude définitive et absolue à tout emploi ;

2°) d'annuler la décision née

du silence gardé par le centre communal d'action sociale de Marseille à la suite...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 août 2010, présentée pour Mme Jacqueline A, demeurant ..., par Me Cassel, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000185 du 7 juillet 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision par laquelle le centre communal d'action sociale de Marseille l'a placée à la retraite pour inaptitude définitive et absolue à tout emploi ;

2°) d'annuler la décision née du silence gardé par le centre communal d'action sociale de Marseille à la suite de sa demande d'indemnisation préalable et de le condamner à lui verser la somme de 63.000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Marseille à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Hogedez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, fonctionnaire territoriale, a exercé ses fonctions en qualité de gérante de foyer pour personnes âgées, au centre communal d'action sociale de Marseille ; qu'ayant souffert d'une sévère dépression à compter du mois de juin 1998, elle a été placée en congé de longue durée pour une année ; que ce congé a ensuite été renouvelé tous les six mois jusqu'en mars 2003 ; que la période pendant laquelle elle avait droit à la perception d'un plein traitement, puis d'un demi-traitement, arrivant à son terme, le centre communal d'action sociale l'a placée en position de disponibilité d'office à compter du 23 juin 2003, puis à la suite de l'avis de la commission de réforme rendu le 9 septembre 2004, il a prononcé sa réforme pour inaptitude absolue et définitive à tout emploi et l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite ; que Mme A demande l'annulation du jugement n° 1000185 du 7 juillet 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille a jugé que les décisions en cause ne présentaient aucun caractère fautif et a rejeté la demande de l'intéressée tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que préalablement aux avis exprimés par le comité médical départemental les 16 mai 2003, 10 octobre 2003 et 29 mars 2004, de même que par le comité médical supérieur le 16 mars 2003, Mme A a été examinée par le docteur Bérenguer, médecin expert, qui a considéré, dans un avis du 14 avril 2003, que l'agent souffrait d'une dysthymie psychotique sévère, justifiant une prolongation du congé de longue durée, puis une inaptitude totale et définitive ; qu'à l'occasion de cet examen, l'expert avait noté des fonctions intellectuelles ralenties, des angoisses et idées obsessionnelles persistantes, ainsi qu'une personnalité obsessionnelle ancienne ; que lors d'une seconde expertise menée cinq mois plus tard, le 8 septembre 2003, le même expert avait tempéré son diagnostic en relevant que la dysthymie psychotique, dont était encore atteinte Mme A, lui semblait s'être améliorée ; qu'il avait jugé satisfaisante la présentation de la patiente, observé qu'elle parlait beaucoup mais sans véritable logorrhée, que ses fonctions intellectuelles n'étaient plus altérées et que son humeur était, le jour de l'examen, normothymique ; qu'il avait alors conclu à une réintégration à mi-temps thérapeutique pour 3 mois ; que ce dernier diagnostic rejoignait les conclusions du docteur Bazin, médecin psychiatre suivant régulièrement la requérante et celles de son médecin traitant ; qu'en contrariété avec ces différents avis médicaux, le comité médical départemental a maintenu ses conclusions d'inaptitude totale et définitive, rejoint sur ce point par le comité médical supérieur, sans qu'il soit au demeurant établi que ces instances se soient bornées à reproduire mécaniquement les avis antérieurs et se soient fondées sur la seule première expertise du docteur Bérenguer ; que le docteur Durand, qui, le dernier, a examiné

Mme A le 4 mai 2004, a conclu dans le même sens que ces instances ; que son rapport, rapproché des deux expertises du docteur Bérenguer, met en évidence que l'état de santé de Mme A, bien que s'améliorant, traduisait une dysthymie nette, les troubles psychologiques étant rémanents ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces expertises et avis médicaux que Mme A ne pouvait plus être considérée apte, de façon définitive, à exercer ses précédentes fonctions au sein du centre communal d'action sociale, en qualité de gérante de foyers ; qu'en revanche, le centre communal d'action sociale n'a pu déduire de ces avis et expertises, sans commettre d'erreur d'appréciation, et alors qu'aucun reclassement n'avait été proposé à la requérante, que celle-ci était inapte, totalement et définitivement, à toute fonction ; que, dès lors, Mme A est fondée à soutenir que cette décision illégale, qui a conduit à sa mise à la retraite de façon anticipée, engage à son endroit la responsabilité du centre communal d'action sociale de Marseille et lui ouvre droit à réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant que si l'illégalité dont est entachée la décision déclarant Mme A inapte à toutes fonctions de façon totale et définitive est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où son application a entraîné un préjudice direct et certain ; que s'il n'est pas sérieusement contesté que Mme A n'était plus apte à exercer ses précédentes fonctions de gérante de foyer, il ne résulte pas non plus de l'instruction que son reclassement dans d'autres fonctions aurait été assurément envisageable, compte tenu de l'âge de l'intéressée, des postes susceptibles de lui être proposés et de l'étendue de ses capacités, sur lesquelles des diagnostics contrastés ont été posés et dont les plus favorables envisageaient une reprise provisoire à mi-temps thérapeutique ; qu'il sera fait une juste appréciation de la perte de chance de Mme A de se voir proposer un reclassement adapté à ses capacités et du préjudice moral qu'elle ainsi supporté en condamnant le centre communal d'action sociale de Marseille à lui verser une somme totale de 10.000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de condamner le centre communal d'action sociale de Marseille à réparer le préjudice invoqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Marseille la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1000185 du 7 juillet 2010 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Marseille est condamné à payer à Mme A la somme de 10.000 euros (dix mille euros) en réparation de son préjudice.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale de Marseille versera à Mme A la somme de 1.000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jacqueline A, au centre communal d'action sociale de Marseille et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 10MA032802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03280
Date de la décision : 13/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère indemnisable du préjudice - Autres conditions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Isabelle HOGEDEZ
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-13;10ma03280 ?
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