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29/11/2011 | FRANCE | N°09MA04266

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2011, 09MA04266


Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée par Me Richard Werpin, avocat, pour M. Michel A, élisant domicile ... ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700331 rendu le 1er octobre 2009 par le tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle le Premier Ministre a refusé de lui attribuer l'aide financière instituée par les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004 ;

2°) d'annuler le refus précité du Premier Ministre en date du 26 octobre 2006 ;

3°) d'enjoindre au Premi

er Ministre de lui attribuer l'aide en statuant sur sa demande dans un délai d'un m...

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée par Me Richard Werpin, avocat, pour M. Michel A, élisant domicile ... ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700331 rendu le 1er octobre 2009 par le tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle le Premier Ministre a refusé de lui attribuer l'aide financière instituée par les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004 ;

2°) d'annuler le refus précité du Premier Ministre en date du 26 octobre 2006 ;

3°) d'enjoindre au Premier Ministre de lui attribuer l'aide en statuant sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;

Vu la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ;

Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;

Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que M. Michel A interjette appel du jugement rendu le 1er octobre 2009 par le tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 octobre 2006 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide financière instaurée par le décret susvisé du 27 juillet 2004 ;

Considérant que, pour contester la décision en litige, intervenue en application du décret susvisé du 27 juillet 2004, sur le seul fondement duquel l'appelant avait présenté sa demande d'aide, M. A, d'une part fait valoir que la décision est illégale au regard du décret du 27 juillet 2004, d'autre part excipe de l'illégalité et de l'inconventionnalité de ce décret, ainsi d'ailleurs que du décret susvisé du 13 juillet 2000 ;

Considérant que le décret du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation, sous forme d'indemnité ou de rente viagère, en faveur de toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation lorsqu'elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue ; que le décret du 27 juillet 2004 a, quant à lui, institué une mesure de réparation similaire en faveur des personnes mineures au moment des faits, dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et a trouvé la mort en déportation, ainsi qu'en faveur des personnes, mineures de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. Pierre Vrignon, Maréchal des Logis affecté au 318ème régiment d'artillerie, a été fait prisonnier en juin 1940, puis a été envoyé au stalag A1 à Stalback, en Pologne où il est mort le 8 janvier 1941 d'une tuberculose pulmonaire ; qu'ainsi, les circonstances de la mort de M. Pierre Vrignon, père du requérant, ne peuvent pas faire regarder son décès comme une exécution intervenue dans les circonstances définies à l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui concernent les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance, ou à

l'article L. 290 du même code, qui concernent les français ou ressortissants français qui ont été exécutés par l'ennemi à la suite de leur arrestation pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ; qu'elles ne permettent pas davantage d'assimiler la déportation subie par M. Pierre Vrignon, soldat français prisonnier des Allemands au moment de son décès, à celles visées par le décret du 27 juillet 2004, qui, intervenues durant l'Occupation, concernent les personnes pouvant être qualifiées de déportés résistants ou de déportés politiques ; que, par suite, le Premier ministre n'a pas commis d'illégalité en estimant que M. Michel A ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant de bénéficier des dispositions du décret susvisé du 27 juillet 2004 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que l'objet des décrets susvisés est d'accorder une mesure de réparation, d'une part et s'agissant du décret du 13 juillet 2000, aux seuls orphelins de victimes de persécutions antisémites, d'autre part et s'agissant du décret du 27 juillet 2004, aux seuls orphelins de victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation ; que, compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard de ces victimes, les décrets contestés par M. A n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en n'accordant une mesure de réparation particulière qu'à ces seuls orphelins, et en excluant notamment les orphelins de militaires déportés et décédés en camps de prisonniers ;

Considérant que, pour les mêmes raisons, la différence de traitement, entre les orphelins bénéficiaires des mesures de réparation prévues par les décrets contestés et les orphelins exclus du bénéfice de ces mesures, n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation, compte tenu de l'objet de la mesure ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, exprimé notamment par l'article 1er de la Constitution et la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen que l'appelant invoque, doit être écarté ;

Considérant qu'à supposer que l'appelant, en invoquant une loi du 23 mars 2006 qui interdit toute discrimination ait entendu invoquer la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, le moyen, au demeurant dépourvu de toute autre précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, est inopérant en l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonctions, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au Premier Ministre de lui octroyer le bénéfice de l'aide financière et de statuer sur sa demande dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. A la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A et au Premier Ministre.

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N° 09MA04266 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA04266
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

69-02 Victimes civiles de la guerre. Questions propres aux différentes catégories de victimes.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : WERPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-29;09ma04266 ?
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