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29/11/2011 | FRANCE | N°09MA03081

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2011, 09MA03081


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2009 sur télécopie confirmée le 14 suivant, présentée par Me Stéphanie Beauvillard, avocat, pour M. George A, élisant domicile ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0706294 rendu le 11 juin 2009 par le tribunal administratif de Marseille qui n'a satisfait que partiellement sa demande tendant à la condamnation de la commune de Martigues à réparer les préjudices causés par un comportement fautif de ladite commune dans l'appréciation de sa candidature ;

2°) de condamner la commune de Martigues

à lui verser :

- une somme correspondant à la perte de rémunération subie et qui ne ...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2009 sur télécopie confirmée le 14 suivant, présentée par Me Stéphanie Beauvillard, avocat, pour M. George A, élisant domicile ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0706294 rendu le 11 juin 2009 par le tribunal administratif de Marseille qui n'a satisfait que partiellement sa demande tendant à la condamnation de la commune de Martigues à réparer les préjudices causés par un comportement fautif de ladite commune dans l'appréciation de sa candidature ;

2°) de condamner la commune de Martigues à lui verser :

- une somme correspondant à la perte de rémunération subie et qui ne saurait être inférieure à 5 500 euros ;

- 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Beauvillard pour M. A et de Me Depouez, de la SCP d'avocats Roustan-Beridot, pour la commune de Martigues ;

Considérant que M. Georges A, agent de salubrité territorial titulaire en fonction dans les services communaux de Martigues, a été inscrit en 1995 sur la liste d'aptitude au grade d'agent de maîtrise à la suite de sa réussite au concours organisé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale ; que cependant, par une décision datée du

29 septembre 1996, le maire de Martigues a refusé de le nommer à ce grade sur un poste déclaré vacant à la régie communale des eaux et de l'assainissement ; que ce refus a été annulé par un jugement rendu le 27 juin 2002 par le tribunal administratif de Marseille, dont le dispositif a été confirmé par arrêt rendu le 25 juillet 2006 par la Cour et devenu définitif, dans lequel elle a relevé qu'il était entaché de détournement de pouvoir et que M. A était fondé à soutenir qu'il avait fait l'objet d'un traitement discriminatoire lié à son activité syndicale ; que, par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Marseille a limité à 3 300 euros la réparation des préjudices résultant de cette décision illégale, ce dont

M. A relève appel ; que, par appel incident, la commune de Martigues demande l'annulation totale de ce même jugement ;

Sur la régularité du jugement et la recevabilité de la demande :

Considérant, d'une part, que pour rejeter l'existence d'une autre faute alléguée par M. A, qui aurait tenu à la pratique par la commune d'une discrimination continue entre 1995 et 1997 en raison de la décharge totale de service dont il bénéficiait pour raison syndicale, le tribunal a indiqué d'une part, qu'il n'apporte aucun élément corroborant ces allégations et, d'autre part, que, comme le fait valoir la commune en défense, il ne résulte pas de l'instruction que les mérites de M. A auraient été supérieurs à ceux des autres candidats qui ont été retenus pour pourvoir aux postes pour lesquels il avait fait acte de candidature ; que ce faisant, le jugement est suffisamment motivé en tant qu'il a rejeté la faute alléguée par M. A ; qu'il est également suffisamment motivé quant à l'évaluation des préjudices, notamment financier, à laquelle il a été procédé, dès lors que les premiers juges ont déclaré en faire de justes appréciations , lesquelles n'impliquent aucun calcul précis des préjudices indemnisés ;

Considérant, d'autre part, qu'en soutenant que M. A n'établirait aucun préjudice identifiable causé par l'illégalité qu'elle a commise, la commune de Martigues n'oppose pas un moyen relatif à la recevabilité de la demande mais un moyen relatif à son bien-fondé ; que, dès lors, la prétendue fin de non-recevoir doit être écartée ;

Sur la responsabilité de la commune de Martigues :

Considérant, en premier lieu, qu'à la supposer avérée et acceptée par M. A, la légalité du nouveau refus de le nommer au grade d'agent de maîtrise, que le maire de Martigues lui a derechef opposé en date du 4 décembre 2002 suite à l'annulation du refus du 29 septembre 1996 et à l'injonction du tribunal de procéder à un nouvel examen de la demande présentée le 2 juillet 1996 par l'intéressé, est sans aucune incidence sur les conséquences pour l'intéressé de la faute liée à l'illégalité du refus initial, dès lors qu'il peut toujours établir qu'à la date de cette faute, il avait une chance sérieuse d'être nommé agent de maîtrise ; que, par suite, le moyen tiré par la commune de Martigues, de ce que M. A ne pourrait tout à la fois accepter que le réexamen de sa candidature ait abouti à un nouveau rejet de sa candidature et demander une indemnisation pour le rejet initial de cette même candidature, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu que des agissements administratifs ont pu être empreints de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par de tels agissements de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que sa conduite a reposé sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements en litige devant lui ont été ou non pris pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

Considérant que M. A soutient que, pour refuser de le nommer agent de maîtrise durant la période de deux ans à compter de son inscription le 12 mai 1995 sur la liste d'aptitude à ce grade, la commune a fait preuve d'une discrimination systématique à son endroit, en raison de la décharge de service dont il bénéficiait pour raison syndicale ; qu'à l'appui de ses allégations, il fait état, non seulement de la décision précitée de la Cour en date du 25 juillet 2006 portant sur le refus opposé le 29 septembre 1996, mais également d'une position de principe de l'administration communale, mentionnée au procès-verbal de la séance du 6 mars 1996 du comité technique paritaire général, selon laquelle Il est rappelé [aux syndicats] que M. Georges A, bénéficiant d'une décharge syndicale, n'occupe pas de poste, et ne peut par conséquent être nommé ; qu'il résulte également de l'instruction qu'outre la candidature illégalement rejetée le 29 septembre 1996, les trois autres candidatures présentées par l'intéressé sur des postes vacants d'agent de maîtrise durant la période de validité de la liste d'aptitude ont toutes été rejetées ; qu'il résulte encore de l'instruction que sa fiche de notation établie en janvier 1996 porte abaissement d'un point par rapport à l'année précédente et une appréciation littérale indiquant qu'il a certaines capacités qu'il n'a pas toujours employé pour le service , alors d'une part, que la décharge d'activité pour raison syndicale a été accordée le 17 mai 1995 à mi-temps, puis le 1er septembre 1995 à plein temps, et d'autre part que ses précédentes fiches de notation mentionnent qu'il est un bon agent ; que, la commune de Martigues se bornant pour sa part à faire valoir, de manière inopérante, la légalité présumée du refus sus-évoqué opposé à M. A le 4 décembre 2002 et à indiquer qu'il a été promu agent de salubrité qualifié au 1er janvier 2001 et agent technique qualifié au 1er juillet 2001, l'ensemble de ces éléments suffit à établir, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'existence d'une discrimination continue à l'encontre de M. A durant la période de validité de la liste d'aptitude à l'emploi d'agent de maîtrise ; que cette illégalité fautive, ainsi que le refus illégal du 26 septembre 1996, sont de nature à engager la responsabilité de l'administration, à la condition qu'ils soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par M. A ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que si M. A invoque le préjudice tiré d'une perte de chance sérieuse d'être nommé agent de maîtrise dès le 16 octobre 1995, date du premier refus que lui a opposé le maire de Martigues sur un poste vacant de l'emploi recherché au service fêtes et cérémonies , les pièces versées au dossier ne permettent pas d'examiner quelle était alors sa chance d'obtenir ce poste ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que, lors du refus illégal du 26 septembre 1996 de le nommer sur le poste vacant à la régie communale des eaux, deux autres agents s'étaient portés candidats ; que le chef de service, consulté sur ces candidatures, a clairement écarté un candidat comme ne possédant pas les qualités nécessaires pour encadrer des équipes opérationnelles, et a privilégié celui qui occupait déjà le poste sans en voir le grade, en déclarant que la formation de

M. A ne correspondait pas au profil demandé dans la fiche de poste ; que cependant, comme il a été indiqué plus haut, M. A avait été jusqu'en 1996 un agent bien noté par sa hiérarchie ; qu'il était le seul des candidats à avoir réussi le concours d'accès à l'emploi, au surplus dans la spécialité demandée voirie et réseaux divers ; que la commune de Martigues ne justifie, ni même ne soutient, que le candidat retenu aurait eu plus de mérite que M. A ; que, par suite, M. A doit être regardé ayant été privé d'une chance sérieuse d'être nommé sur ce poste à compter d'août 1997, dès lors que telle aurait été la date de sa nomination, selon ce qu'il indique dans la pièce n° 19 jointe à sa demande de première instance et non contestée par la commune ; que les pièces du dossier ne permettent pas, en revanche, d'établir une perte de chance sérieuse de promotion dans le grade supérieur d'agent de maîtrise qualifié, figurant dans ce même document à compter de janvier 2005 ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par M. A en portant l'indemnité allouée à ce titre par les premiers juges à la somme de 5 000 euros, incluant les répercussions sur ses droits à la retraite, à laquelle il a accédé en mai 2007;

Considérant en second lieu, que, compte tenu de la gravité de la faute commise par la commune de Martigues à l'encontre de M. A, tenant à la discrimination dont il a fait l'objet en raison de ses activités syndicales pendant la durée de validité de la liste d'aptitude à l'emploi d'agent de maîtrise, il y a lieu d'augmenter également l'indemnité allouée par les premiers juges au titre du préjudice moral subi par M. A et de la porter à la somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Martigues n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamnée à indemniser M. A des préjudices dont ce dernier a demandé réparation, mais que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort qu'ils ont limité son indemnisation à la somme globale de 3 300 euros ; que le jugement doit être réformé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Martigues demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en vertu des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Martigues le versement à M. A de la somme de 1 500 euros au titre de ces frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que la commune de Martigues est condamnée à payer à M. A est portée à la somme totale de 10 000 (dix mille) euros.

Article 2 : Le jugement n° 0706294 rendu le 11 juin 2009 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent dispositif.

Article 3 : La commune de Martigues versera à M. A la somme de

1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges A, la commune de Martigues et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 09MA030812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03081
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Egalité de traitement entre agents d'un même corps - Existence d'une discrimination illégale.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Nominations.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : BEAUVILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-29;09ma03081 ?
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