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17/11/2011 | FRANCE | N°10MA01868

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 17 novembre 2011, 10MA01868


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA01868, présentée pour Mme Fatna A, demeurant ..., par Me Pichard, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0704399 du 2 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulon a condamné le département du Var à lui verser une indemnité de 3 000 euros qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice qu'elle a subi du chef de l'illégalité fautive de la décision en date du 31 mars 2004 par laquelle le président du cons

eil général du Var lui a retiré son agrément de famille d'accueil pour une per...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA01868, présentée pour Mme Fatna A, demeurant ..., par Me Pichard, avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0704399 du 2 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulon a condamné le département du Var à lui verser une indemnité de 3 000 euros qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice qu'elle a subi du chef de l'illégalité fautive de la décision en date du 31 mars 2004 par laquelle le président du conseil général du Var lui a retiré son agrément de famille d'accueil pour une personne âgée ;

2°) de condamner le département du Var à lui verser la somme de 89 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2007, les intérêts échus le 17 mai 2010 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département du Var une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;

Considérant que, par arrêté du 9 juillet 1999 du président du conseil général du Var, Mme A a reçu agrément pour accueillir à son domicile une personne âgée à titre onéreux ; qu'elle a ainsi accueilli une personne âgée jusqu'au décès de celle-ci le 5 mars 2004 ; que, par courrier du 18 décembre 2003, Mme A a sollicité une demande d'agrément pour changement de domicile et l'accueil à titre onéreux de deux personnes âgées ; que, par arrêté du 31 mars 2004, le président du conseil général du Var a retiré à l'intéressée l'agrément délivré le 9 juillet 1999 ; que cette décision a été annulée par jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 5 janvier 2007 devenu définitif ; que, par courrier du 9 mai 2007 notifié le 11 mai suivant, Mme A a réclamé la somme de 89 208 euros au département du Var en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du chef de l'illégalité fautive de l'arrêté du 31 mars 2004 ; que, cette demande ayant été implicitement rejetée par le président du conseil général du Var, la requérante a alors introduit un recours en indemnité devant le Tribunal administratif de Toulon, qui, par jugement en date du 2 avril 2010, a condamné le département du Var à verser la somme de 3 000 euros à Mme A en réparation de la perte d'une chance sérieuse de l'intéressée d'avoir obtenu la garde d'une autre personne âgée après le décès de la personne qu'elle accueillait ; que, dans le dernier état des conclusions de la présente requête, Mme A demande la réformation de ce jugement et que la somme à laquelle doit être condamné le département du Var soit portée à 88 120 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2007 et capitalisation de ces intérêts à compter du 17 mai 2010 ; que le département du Var, qui conclut au rejet de la requête, présente en outre des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la Cour juge légal l'arrêté du 31 mars 2004, à ce que le comportement de Mme A l'exonère au moins partiellement de la responsabilité des conséquences dommageables de cette décision, et au rejet des prétentions de l'intéressée ;

Sur la responsabilité du département du Var :

Considérant qu'aux termes de l'article L.441-1 du code de l'action sociale et des familles : ... L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies ... En cas de changement de résidence, l'agrément demeure valable sous réserve d'une déclaration préalable auprès du président du conseil général du nouveau lieu de résidence qui s'assure que les conditions mentionnées au quatrième alinéa sont remplies ... ;

Considérant que par son jugement devenu définitif en date du 5 janvier 2007, le Tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 31 mars 2004 du président du conseil général du Var pour des motifs de fond tenant à la gravité relative de la méconnaissance par Mme A des dispositions précitées de l'article L.441-1 du code de l'action sociale et des familles à l'occasion de son changement de résidence, et de l'inexactitude matérielle des faits retenus contre elle quant à l'utilisation d'un captage privé pour l'alimentation en eau de la personne âgée accueillie ; que l'illégalité qui entache ainsi cet arrêté constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département du Var à l'égard de la requérante et à lui ouvrir droit à la réparation du préjudice direct et certain qu'elle justifierait avoir subi de ce fait ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs qu'il a été relevé par les motifs du jugement du 5 janvier 2007, que Mme A avait prévu de changer de domicile depuis novembre 2002 ; qu'elle a été dûment informée par les services du département du Var des exigences sus-rappelées de l'article L.441-1 du code de l'action sociale et des familles ; que, cependant, elle a quitté en juin 2003 son ancienne résidence pour un hébergement provisoire en attendant d'emménager dans sa nouvelle maison sans en informer le département ; que ce n'est que par un courrier du 21 juillet 2003 que la requérante a fait part de sa situation au département du Var ; que, par suite, le comportement de Mme A, qui a méconnu les dispositions précitées de l'article L.441-1 du code de l'action sociale et des familles, constitue une faute susceptible d'atténuer à hauteur de 40 % la responsabilité du département du Var à son égard ;

Sur le préjudice :

Considérant en premier lieu que Mme A se prévaut de la perte d'une chance sérieuse d'avoir obtenu l'agrément et l'hébergement de deux personnes âgées, et de la perte de revenus qui en serait résultée du 14 juillet 2004 au 31 janvier 2007 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la requérante ne bénéficiait, à la date du retrait d'agrément litigieux, que de l'agrément pour l'hébergement à titre onéreux d'une personne âgée, laquelle était d'ailleurs décédée le 5 mars 2004, antérieurement à l'édiction de la décision en cause ; qu'il n'est pas justifié par l'intéressée que la demande d'agrément pour l'hébergement de deux personnes âgées aurait eu des chances sérieuses d'être satisfaite, et a fortiori d'être concrétisée par l'hébergement effectif de deux pensionnaires ; que le seul préjudice dont la requérante puisse valablement se prévaloir consiste ainsi dans la perte d'une chance sérieuse d'avoir obtenu la garde d'une autre personne âgée après le décès de la pensionnaire qu'elle accueillait ; qu'il ressort d'une part des revenus effectivement perçus par Mme A du fait de cette activité d'hébergement tels qu'ils ressortent de ses avis d'imposition pour les années 2000 à 2003, et d'autre part des allocations chômage qu'elle a perçues pendant la période de responsabilité considérée, que le Tribunal a justement évalué ce chef de préjudice à la somme de 3 000 euros ; que les difficultés financières alléguées dues à l'acquisition de la maison pour l'accueil de deux pensionnaires et à la vente de ce bien intervenue en 2006, qui ne sont en tout état de cause pas liées directement au préjudice retenu, ne sont de surcroît aucunement établies ;

Considérant en second lieu que Mme A ne justifie aucunement du préjudice moral dont elle se prévaut ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu du partage de responsabilité entre Mme A et le département du Var, il y a lieu de ramener la somme de 3 000 euros que ce dernier a été condamné à payer par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Toulon à la somme de 1 800 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme A a droit aux intérêts sur la somme de 1 800 euros à compter du 11 mai 2007, jour de réception par le département du Var de sa réclamation préalable ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que Mme A a demandé dans sa requête du 17 mai 2010 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A et du département du Var le remboursement des frais exposés par chacune des parties et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 3 000 (trois mille) euros que le département du Var a été condamné à verser à Mme A par le jugement du Tribunal administratif de Toulon du 2 avril 2010 est ramenée à 1 800 (mille huit cents) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2007. Les intérêts échus le 17 mai 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : le jugement du Tribunal administratif de Toulon du 2 avril 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A et des conclusions du recours incident du département du Var est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatna A et au département du Var.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01868
Date de la décision : 17/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-03-02-01-01 Collectivités territoriales. Département. Attributions. Compétences transférées. Action sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : PICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-17;10ma01868 ?
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