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10/11/2011 | FRANCE | N°11MA00564

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 novembre 2011, 11MA00564


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2011 sous le n° 11MA00564, présentée par le PREFET DE L'HERAULT qui demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100174 en date du 17 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 13 janvier 2011 décidant la reconduite à la frontière de M. Rachid A, de nationalité marocaine et l'arrêté du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) de rejeter

la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2011 sous le n° 11MA00564, présentée par le PREFET DE L'HERAULT qui demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100174 en date du 17 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 13 janvier 2011 décidant la reconduite à la frontière de M. Rachid A, de nationalité marocaine et l'arrêté du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive européenne 2008/115 CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2011, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 11 octobre 2011 à 14h00, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE L'HERAULT relève appel du jugement en date du 17 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé ses arrêtés en date du 13 janvier 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant de nationalité marocaine, et le plaçant en rétention administrative ;

Considérant que pour annuler les arrêtés susvisés le magistrat désigné s'est fondé sur la circonstance que, d'une part, nonobstant le fait que la présence sur le territoire national de M. A ne soit pas établie de manière probante entre 2004 et 2008, la quasi-totalité des membres de sa famille réside régulièrement en France où il a vécu de nombreuses années, et, que d'autre part, l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale particulière et implique le concours de proches ou de personnes de confiance ;

Considérant toutefois, que si M. A verse un certificat médical, établi le 13 janvier 2011, date des arrêtés en litiges, mentionnant qu'il est sujet à des psychoses hallucinatoires sur fond dépressif mélancolique justifiant un traitement permanent par anxiolytiques, antidépresseurs et psychotropes, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l'état de santé de M. A impliquerait l'assistance ou le soutien d'un tiers au quotidien ; que le certificat médical, versé pour la première fois en appel par l'intimé, établi antérieurement aux décisions en litige, le 27 janvier 2011, se borne à mentionner, dans des termes généraux, la symptomatologie psychotique présentée par M. A ; que, de plus, si plusieurs attestations, émanant de membres de la famille de l'intéressé, évoquent tant l'antériorité que la gravité de l'état de santé de celui-ci, ainsi que l'existence ou la nécessité d'une prise en charge médicale, à défaut de la production de tout autre document médical suffisamment probant pour ce faire, l'intéressé n'a jamais fait état de problèmes de santé ni dans le cadre de sa demande de titre de séjour enregistrée le 29 octobre 2009, ni lors de son audition le 13 janvier 2011, par les services de police judiciaire de Montpellier, à la suite de son interpellation ; qu'ainsi ses allégations selon lesquelles son état de santé nécessite une prise en charge médicale particulière et implique le concours de proches ou de personnes de confiance ne sont pas établies ; qu'en outre, il ressort également des pièces du dossier que M. A, célibataire sans charge de famille, a déclaré de son audition, le 13 janvier 2011, avoir résidé de manière habituelle au Maroc de 2004 à 2008 ; qu'ainsi s'il fait valoir que sa mère est décédée en 2000 et que la quasi-totalité de sa famille réside, en situation régulière, en France, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches privées ou familiales au Maroc, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, le moyen tiré de ce que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. A serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle doit être écarté comme non fondé ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce motif pour annuler les arrêtés querellés ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée relatif au départ volontaire : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce risque de fuite comme le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé éloignement : 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer ladite directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

Considérant que les dispositions des articles 7 et 8 de la directive susvisée énoncent des obligations précises et inconditionnelles, qui ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de ladite directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé égal ou supérieur à sept jours ;

Considérant que l'arrêté litigieux en date du 13 janvier 2011 a été pris sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas assorti d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé égal ou supérieur à sept jours ; que, par suite, M. A et fixant le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté de placement en rétention ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge. ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros réclamée par la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'HERAULT est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 196 euros en application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Rachid A.

Copie en sera adressée au PREFET DE L'HERAULT.

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N°11MA00564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 11MA00564
Date de la décision : 10/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SCP DESSALCES RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-10;11ma00564 ?
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