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07/11/2011 | FRANCE | N°09MA02962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2011, 09MA02962


Vu la requête et la pièce, enregistrées le 4 août 2009, présentées pour Mme Férial B épouse A représentant son fils mineur Mohammed élisant tous deux domicile ... (34990), par la SCP Dessalces-Ruffel ; Mme B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804333 en date du 27 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2008 du préfet de l'Hérault refusant la délivrance d'un document de circulation à son fils mineur Mohammed ensemble la décision du 14 août 2008 rejet

ant son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjo...

Vu la requête et la pièce, enregistrées le 4 août 2009, présentées pour Mme Férial B épouse A représentant son fils mineur Mohammed élisant tous deux domicile ... (34990), par la SCP Dessalces-Ruffel ; Mme B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804333 en date du 27 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2008 du préfet de l'Hérault refusant la délivrance d'un document de circulation à son fils mineur Mohammed ensemble la décision du 14 août 2008 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de délivrer un document de circulation à son fils mineur Mohamed sous astreinte de 100 euros à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de document de circulation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, une somme de 1 196 euros à verser soit à son conseil en cas d'octroi de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, soit à elle-même en cas de non-obtention de cette aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2009, présenté par le préfet de l'Hérault qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu le mémoire enregistré le 29 août 2011 par lequel Mme B épouse A persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 11 janvier 2010, admettant Mme B épouse A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2011,

- le rapport de Mme Massé-Degois, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- et observations de Me Brulé de la SCP Dessalces-Ruffel pour Mme B épouse A ;

Considérant que Mme B épouse A relève appel du jugement du 27 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2008 du préfet de l'Hérault refusant la délivrance d'un document de circulation à son fils mineur Mohamed ensemble la décision du 14 août 2008 rejetant son recours gracieux ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien susvisé : Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après : a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ; b) Le mineur algérien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins six ans ; c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France ; que ces stipulations, qui précisent les cas dans lesquels les ressortissants algériens ont droit à la délivrance d'un document de circulation pour étrangers mineurs, ne font pas obligation au préfet de refuser un tel document à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit dès lors qu'aucun texte ne l'interdit expressément ; que, par suite, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, de l'opportunité de procéder à cette mesure de régularisation ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. Mohammed , fils de Mme B épouse A ne peut prétendre bénéficier de plein droit de l'application des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-algérien dans les prévisions desquelles il n'entre pas ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 23 novembre 2006 rendant exécutoire le jugement du tribunal d'Oran rendu le 12 juillet 1995 que Mme B épouse A a divorcé le 12 juillet 1995 de M. Fouatih, le père de son fils Mohammed, et obtenu la garde de son enfant mineur ; que Mme B épouse A qui réside régulièrement en France depuis 1998, s'est mariée avec un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident, M. D, avec lequel elle a eu trois enfants nés en 1998, 1999 et 2007 à Montpellier ; qu'il n'est pas contesté que M. D retourne régulièrement dans son pays d'origine, le Maroc, accompagné de son épouse et de ses trois enfants ; que le jeune Mohammed , qui souffre d'un déficit auditif et de troubles d'attention et d'apprentissage, est entré en France en juin 2004 avec sa grand-mère, qui l'avait pris en charge pendant l'absence de sa mère, pour rejoindre cette dernière ; que l'intéressé, qui vit avec sa mère, son beau-père, ses frères et soeur ainsi que sa grand-mère titulaire d'un certificat de résidence, a été scolarisé dès son arrivée en France ; qu'il n'est pas contesté que le père de M. Mohammed n'assure ni l'entretien ni l'éducation de son fils ; que dans ces circonstances, alors même que l'enfant mineur ne remplissait pas toutes les conditions pour se voir délivrer de plein droit un document de circulation pour étrangers mineurs, et qu'elles n'emportaient pas mesure d'éloignement, les décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le document sollicité, sont contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant et ont, dans les circonstances particulières de l'espèce, porté au droit de cet enfant à mener une vie familiale normale avec sa mère, son beau-père et ses frères une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, par suite, elles doivent être regardées comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B épouse A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant qu'à la date du présent arrêt, M. Mohammed né le 1er août 1993 est devenu majeur ; que, dans ces conditions, le présent arrêt, bien qu'accueillant les conclusions susvisées à fin d'annulation, ne peut impliquer à M. la délivrance d'un document de circulation pour mineur ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens par Mme B épouse A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme B épouse A sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

Considérant que Mme B épouse A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Dessalces-Ruffel, avocats de Mme B épouse A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Dessalces-Ruffel d'une somme de 1 196 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 0804333 du 27 mai 2009 du tribunal administratif de Montpellier et les décisions susvisées du 16 janvier 2008 et du 14 août 2008 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de Mme B épouse A tendant à la délivrance par voie d'injonction d'un document de circulation pour enfant mineur sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Dessalces-Ruffel, avocats de Mme B épouse A, une somme de 1 196 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Férial B épouse A, à M. Mohammed et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02962
Date de la décision : 07/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP DESSALCES RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-07;09ma02962 ?
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