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05/09/2011 | FRANCE | N°08MA00272

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 05 septembre 2011, 08MA00272


Vu l'arrêt n° 08MA0272 par lequel la Cour administrative de Marseille a ordonné une expertise avant de statuer sur la requête de Mlle Modwene A, tendant à la réformation du jugement du 15 novembre 2007 par lequel Tribunal administratif de Montpellier a notamment condamné le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 25 300 euros, sous réserve de la provision de 10 000 euros qui lui a été déjà versée, en tant que le tribunal n'avait pas procédé à la désignation d'un expert angiologue, et n'avait pas fait entièrement droit à ses conclus

ions indemnitaires ;

Vu le rapport d'expertise déposé le 18 octobre...

Vu l'arrêt n° 08MA0272 par lequel la Cour administrative de Marseille a ordonné une expertise avant de statuer sur la requête de Mlle Modwene A, tendant à la réformation du jugement du 15 novembre 2007 par lequel Tribunal administratif de Montpellier a notamment condamné le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 25 300 euros, sous réserve de la provision de 10 000 euros qui lui a été déjà versée, en tant que le tribunal n'avait pas procédé à la désignation d'un expert angiologue, et n'avait pas fait entièrement droit à ses conclusions indemnitaires ;

Vu le rapport d'expertise déposé le 18 octobre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, présenté par Me Colonna d'Istria pour Mlle A, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens, qu'elle précise ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui demande, à titre principal, l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise médicale confiée à une expert spécialiste en lymphologie qui aura pour mission de faire réaliser une lymphoscintigraphie à l'effet de dire si Mlle A a présenté un lymphoedème en rapport avec l'intervention chirurgicale litigieuse ou si elle est victime d'un lipoedème en rapport avec son obésité morbide non imputable, et maintient, à titre subsidiaire ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :

- le rapport de Mme Menasseyre,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public,

- et les observations de Me Armandet pour le centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

Considérant que, par un arrêt avant-dire-droit en date du 4 février 2010, la Cour de céans, avant de statuer sur la requête de Mlle A tendant à la réformation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande d'indemnisation dirigée contre le centre hospitalier universitaire de Montpellier a ordonné une expertise aux fins de dire si et dans quelles proportions, l'obésité morbide et l'atteinte du système lymphatique dont a souffert ou souffre encore Mlle A sont imputables aux conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier universitaire le 27 octobre 1997, en exposant les éléments médicaux qui permettent d'écarter ou de confirmer les différentes hypothèses, et de déterminer la proportion retenue, et d'indiquer, le cas échéant, si l'évolution de l'état de santé de Mlle A justifiait une modification de l'évaluation de ses préjudices telle qu'elle ressortait des rapports d'expertise du 27 octobre 2005 et 28 décembre 2006, et de préciser, s'il y a lieu, quelles fractions de ces préjudices sont imputables respectivement aux conséquences de l'intervention, et à l'état antérieur de Mlle A ; que le rapport de l'expert a été déposé le 18 octobre 2010 ; que l'affaire est à présent en état d'être jugée ;

Considérant que le rapport consécutif à la quatrième expertise réalisée a été déposé le 18 octobre 2010, et répond de manière satisfaisante aux questions soumises à l'expert ; que si le centre hospitalier, qui ne conteste pourtant pas le principe de sa responsabilité, n'adhère pas à une partie des conclusions de l'expert, spécialisé en chirurgie vasculaire, en se fondant principalement sur les termes d'un courrier émanant du médecin même qui a pratiqué l'intervention du 27 octobre 1997, cette circonstance ne saurait justifier la réalisation d'une cinquième expertise ; que la réalisation d'une lympho-scintigraphie n'apparaît pas indispensable à la solution du litige ; que, par suite, les conclusions principales du centre hospitalier de Montpellier tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise doivent être rejetées ;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise déposé le 18 octobre 2010, d'une part que l'intervention du 27 octobre 1997 ne peut pas être retenue comme à l'orogine de l'état d'obésité postopératoire de la patiente, et, d'autre part, que toutes les complications lymphatiques sont directement et totalement imputables aux conséquences dommageables de cette intervention chirurgicale ; que ces constatations permettent de déterminer l'évaluation de la réparation qui incombe au centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

Sur les préjudices à caractère patrimonial correspondant à une perte de revenus et à l'incidence professionnelle de l'état d'obésité de Mlle A :

Considérant que les premiers juges ont estimé que l'intéressée n'établissait pas que les préjudices résultant pour Mme A de la perte de son emploi ainsi que de l'inaptitude professionnelle qui lui a été ultérieurement reconnue, étaient imputables directement aux conséquences de l'intervention fautive du 27 octobre 1997 ; qu'en appel, Mlle A persiste à soutenir que ses problèmes respiratoires et son obésité font partie des séquelles de l'intervention chirurgicale et ont eu pour effet de l'empêcher d'exercer une activité professionnelle ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'elle présentait, antérieurement à l'intervention, une obésité depuis l'enfance avec de grandes variations pondérales, et que cet état s'est poursuivi après l'intervention du 27 octobre 1997, qui ne peut être regardée comme étant à l'origine de l'obésité postopératoire ; que si l'intéressée soutient qu'elle a subi entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008 une perte de gains professionnels en raison de nombreux arrêts de travail ayant abouti à son licenciement, elle ne l'établit pas par la seule production de ses bulletins de salaires pour la période comprise entre le mois de janvier 2004 et le mois de juin 2005 et pour le seul mois de décembre 2005 ;

Considérant que Mlle A qui exerce un emploi de conseillère à l'emploi depuis 2008 demande également réparation au titre de l'incidence professionnelle de l'intervention fautive, et fait valoir qu'il s'est avéré impossible pour elle d'exercer le métier de puéricultrice ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée souffre, du fait de l'intervention litigieuse, d'un handicap fonctionnel entraînant une pénibilité accrue pour les activités professionnelles nécessitant la station debout ou la marche prolongée ; qu'après avoir obtenu en septembre 2003, soit postérieurement à l'intervention en litige, un diplôme d'auxiliaire de puériculture qui lui a permis d'exercer ces fonctions jusqu'en septembre 2005, en qualité d'agent contractuel au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, elle a été licenciée pour inaptitude physique ; qu'elle pesait alors 141 kilos pour une taille d'un mètre 60 et souffrait de troubles respiratoires ; que dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que cette inaptitude résulte directement des complications lymphatiques dont elle a souffert ; que par ailleurs la requérante n'apporte aucun début d'explication pour justifier du montant de 117 500 euros qu'elle demande dans le dernier état de ses conclusions au titre de la réparation de ce poste de préjudice, initialement chiffré par elle, sans plus de justifications, à 150 000 euros ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations effectuées par l'expert désigné en appel que les complications lymphatiques et leurs conséquences présentées par Mlle A au décours de l'intervention du 27 octobre 1997, les collections lymphatiques droite et gauche apparues et ponctionnées à deux reprises au centre de réadaptation fonctionnelle pour enfant de Lamalou-les-Bains, leur surinfection, son hospitalisation pour syndrome fébrile le 21 décembre 1997, la réintervention pour drainage effectuée le 31 décembre 1997, l'hospitalisation pour lymphangite en date du 12 juin 1998, l'hospitalisation, le 17 août 1998, pour prise en charge de lymphoedème bilatéral, la nouvelle hospitalisation pour lymphangite en date du 20 mai 2005 et le lymphoedème bilatéral dont elle souffre sont directement et totalement imputables aux conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée le 27 octobre 1997 ; qu'il en va de même de la thrombose veineuse des deux membres inférieurs dont elle souffre, et des séquelles d'algodystrophie qu'elle présente ;

Considérant, en premier lieu, que Mlle A a enduré des souffrances physiques liées aux complications lymphatiques, qualifiée par l'expert d'assez importantes, liées notamment aux huit hospitalisations qui ont été rendues nécessaires, et aux douleurs postopératoires, évaluées à 4/7 ; que ce chef de préjudice a été réparé par les premiers juges par l'octroi d'une indemnité de 6 000 euros ; que si le centre hospitalier estime cette somme excessive, au motif qu'une partie seulement des souffrances réparées serait imputable à l'intervention, il résulte au contraire des conclusions du rapport d'expertise que la totalité des souffrances endurées procède de cette intervention ; que les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment réparé ce chef de préjudice par l'allocation de la somme de 6 000 euros susévoquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice esthétique consécutif à l'intervention litigieuse reste évalué à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que les premiers juges l'ont réparé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros qui n'est ni insuffisante, même si Mlle A revendique à ce titre une somme de 5 000 euros, ni, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, excessive, dès lors que ce chef de préjudice trouve son origine exclusive dans l'intervention du 27 octobre 1997 ;

Considérant, en troisième lieu, que Mlle A a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total qui s'est étendu du 27 octobre 1997 au 31 août 1998, et qui est totalement imputable aux complications de l'intervention du 27 octobre 1997 ; que le fait que Mlle A, qui était alors scolarisée, n'ait pas subi de perte de revenu durant cette période ne saurait faire obstacle à l'indemnisation de ce chef de préjudice, par ailleurs suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 4 500 euros arrêtée par les premiers juges ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu que Mlle A estime qu'elle souffre de troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'existence d'une incapacité permanente partielle, et qui doit être réparée par l'octroi d'une indemnité de 23 000 euros ; qu'il ressort de la nouvelle expertise ordonnée en appel que le déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte Mlle A, qui représente la diminution de la capacité en rapport direct et certain avec les complications de l'intervention doit être évalué à 10 % ; que la réparation de ce chef de préjudice, incluant son préjudice d'agrément, doit être fixée, compte tenu de l'âge de la patiente, à la somme de 13 600 euros ; qu'il y a dès lors également lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en appel, liquidés et taxés à la somme totale de 850 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 8 novembre 2010, à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le principal de la somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à Mlle A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 15 novembre 2007 est porté à la somme de 26 600 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 15 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 850 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier versera à Mlle A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Montpellier sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Modwene A, à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève et au centre hospitalier universitaire de Montpellier.

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N° 08MA00272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00272
Date de la décision : 05/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP COLONNA D'ISTRIA-GASIOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-09-05;08ma00272 ?
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