Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2009, présentée par la SELARL d'avocats cabinet Mor pour Mme Margareth A, élisant domicile ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0601158 rendu le 25 mars 2009 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice consécutif à la vaccination contre l'hépatite B dont elle a fait l'objet ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 501 607 euros en réparation de son préjudice ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 3 588 euros au titre des frais d'expertise qu'elle a avancés et 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret n° 2005-1768 du 30 décembre 2005 relatif aux nouvelles missions confiées à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et modifiant le code de la santé publique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :
- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Mor, de la SELARL d'avocats cabinet Mor, pour
Mme A ;
Considérant que Mme Margareth A interjette appel du jugement rendu le 25 mars 2009 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser de préjudices subis, liés à une sclérose en plaques diagnostiquée postérieurement à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B à laquelle elle a été soumise ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que devant le Tribunal administratif de Nice, Mme A a fait connaître sa qualité d'infirmière titulaire du centre hospitalier universitaire de Nice ; qu'en ne communiquant pas sa requête à l'établissement hospitalier qui l'employait, qui figure au nombre des personnes publiques relevant de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce dernier doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de Mme A, de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et du centre hospitalier universitaire de Nice, en sa qualité d'employeur de Mme A ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 10 du code de la santé publique, applicable à la date des injections vaccinales contre l'hépatite B subies par Mme A, reprises depuis au premier alinéa de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction restant applicable à la date de la décision rejetant la demande préalable d'indemnisation formée par la requérante en application des dispositions de l'article 7 du décret du 30 décembre 2005 susvisé : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat. ;
Considérant que la responsabilité du service public hospitalier peut être engagée en raison des conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté d'une pathologie identifiée et comportant des atteintes démyélinisantes et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tout antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la contre-expertise diligentée par la requérante après le dépôt d'un premier rapport d'expertise confiée à un docteur agréé par l'administration, que Mme A, dont la mère est décédée à 66 ans d'une sclérose en plaques progressive diagnostiquée à l'âge de 30 ans, a présenté deux poussées de névrite optique en 1987 et 1990 ; que cette neuropathie optique, dont l'auteur de la contre-expertise signale, à l'instar de la littérature médicale, qu'elle peut classiquement représenter le symptôme inaugural de la sclérose en plaques, s'est ainsi manifestée avant toute injection vaccinale contre l'hépatite B, effectuée aux mois de mars, d'avril et de mai 1991 pour la vaccination initiale, octobre 1992 et octobre 1997 pour les rappels ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'antécédent maternel et de son état de santé antérieur à la vaccination en litige, Mme A n'établit pas le lien de causalité direct entre la survenance de la sclérose en plaques, formellement diagnostiquée en janvier 1999, et la vaccination obligatoire contre l'hépatite B, même si une autre poussée de névrite optique est intervenue peu après le dernier rappel en 1997 et qu'une fatigue massive, durable et inexpliquée s'est manifestée, également après ce dernier rappel, durant l'année 1998 ; que si les antécédents sus-évoqués empêchent ainsi la mise en jeu de la responsabilité sans faute de l'Etat instaurée par l'article L. 3111-9 précité du code de la santé publique, ils l'empêchent, à plus forte raison, entre l'aggravation de la maladie et la vaccination ; qu'en effet, dans cette hypothèse également invoquée par Mme A, s'interposeraient, entre la vaccination et les dommages subis, non seulement une évolution propre à la maladie, qui peut présenter selon les termes de l'auteur de la contre-expertise un début très insidieux, mais aussi l'éventuelle faute, que l'employeur aurait commise en négligeant les antécédents présentés, connus dans la littérature médicale comme susceptibles d'avoir un impact négatif sur la santé des personnes vaccinées contre l'hépatite B ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin pour la Cour de surseoir à statuer, que Mme A, qui déclare se réserver le droit d'engager ultérieurement la responsabilité de son employeur pour défaut de précaution à avoir procédé à la vaccination en litige, n'est pas fondée à soutenir que la survenance ou l'aggravation de la sclérose en plaques dont elle est atteinte seraient imputables à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B, et que la responsabilité sans faute de l'Etat devrait être engagée de ce chef ; que, par suite, la décision du 28 décembre 2005 attaquée par Mme A n'a pas méconnu un avantage dont l'attribution constitue un droit et n'est pas de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il y a donc lieu d'écarter la demande d'annulation de la décision du 28 décembre 2005 refusant l'indemnisation de l'ensemble des préjudices allégués par Mme A, comprenant le remboursement des frais engagés pour la contre-expertise, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et celles du centre hospitalier universitaire de Nice, en tant qu'employeur de Mme A, tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais supportés au bénéfice de la requérante ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement rendu le 25 mars 2009 par le tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes et le centre hospitalier universitaire de Nice sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Margareth A, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes, au centre hospitalier universitaire de Nice et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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N° 09MA019042