Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2009, présentée pour Mme Francine A, M. Gérard A, M. Franck A, M. Jean-Luc A et Mlle Sandrine A, demeurant ..., par Me Camps, avocat ; Mme A et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805408 du 23 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang (E.F.S.) et sa compagnie d'assurances AXA IARD soient condamnés à leur verser les sommes de 85 000 euros à Mme Francine A en réparation de ses divers préjudices, de 20 000 euros à M. Gérard A en réparation de son préjudice moral d'affection et de
15 000 euros à chacun des enfants Franck, Jean-Luc et Sandrine en réparation de leurs préjudices moraux d'affection ;
2°) de condamner l'Etablissement français du sang et sa compagnie d'assurances AXA IARD à verser à Mme Francine A la somme totale de 85 000 euros en réparation de ses divers préjudices (souffrances endurées : 20 000 euros ; préjudice fonctionnel d'agrément de 10 % : 50 000 euros ; préjudice moral : 15 000 euros), à M. Gérard A la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral d'affection et à chacun des enfants Franck, Jean-Luc et Sandrine la somme de 15 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux d'affection ;
3°) de condamner l'Etablissement français du sang au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :
- le rapport de M. Fédou, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Moreau, substituant Me Penso, pour l'Etablissement français du sang ;
Considérant que les consorts A interjettent appel du jugement en date du 23 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang et sa compagnie d'assurances AXA IARD soient condamnés à leur verser les sommes de 85 000 euros à Mme Francine A en réparation de ses divers préjudices, de 20 000 euros à M. Gérard A en réparation de son préjudice moral d'affection et de 15 000 euros à chacun des enfants Franck, Jean-Luc et Sandrine en réparation de leurs préjudices moraux d'affection ;
Sur le transfert à l'ONIAM des obligations de l'Etablissement français du sang (E.F.S.) :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est chargé : de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que la responsabilité de l'ONIAM est engagée dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du IV du même article 67 : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnées à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le contentieux qui opposait à la date du 1er juin 2010, d'une part, les consorts A et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, et, d'autre part, l'Etablissement français du sang, l'ONIAM, qui a produit postérieurement à cette date un mémoire par lequel il s'approprie les conclusions de l'Etablissement français du sang, est désormais substitué à ce dernier ;
Sur les conclusions dirigées contre la société AXA France IARD :
Considérant qu'en l'absence de toute activité de service public exercé par l'une d'elles, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les litiges opposant deux personnes privées ; que, dès lors, les conclusions présentées par les consorts A tendant à ce que la Cour de céans condamne la société AXA France IARD à les indemniser de la totalité de leurs préjudices doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme Francine A a été hospitalisée en octobre 1974 à la clinique Beauregard pour l'accouchement de son troisième enfant ; que l'intéressée, après un malaise survenu à la suite de l'accouchement, a été opérée sous anesthésie générale et allègue avoir subi une transfusion de deux poches de sang avant sa sortie du service ; que Mme A, dont la sérologie hépatique C a été découverte le 10 août 1991, soutient que son préjudice découle de la transfusion réalisée en octobre 1974 et en demande la réparation intégrale sur le fondement de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une injection de médicaments dérivés du sang, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par les parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'à l'appui de leur requête d'appel, les consorts A soutiennent que, contrairement à ce qui a été indiqué par les premiers juges, la transfusion sanguine pratiquée lors de l'accouchement du 11 octobre 1974 est acquise et largement démontrée par les conclusions de l'expert ; que, dès lors qu'un produit sanguin labile est clairement déterminé, il n'appartient qu'à l'Etablissement français du sang d'en démontrer l'innocuité ; qu'en outre, l'expert a relevé que Mme A ne présentait aucun antécédent médical majeur avant 1974 et qu'il a relevé que le diagnostic de l'hépatite C post transfusionnelle, s'il n'est ni prouvé ni matériellement établi, n'est pas totalement exclu ; qu'enfin, ils font valoir que le doute doit bénéficier au demandeur ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 16 juin 2005 versé par les requérants au dossier, qu'aucune preuve objective de transfusion effective réalisée en octobre 1974 sur la personne de Mme A n'a pu être apportée ; qu'au surplus, l'expert désigné par le juge judiciaire a relevé que d'autres épisodes médicaux et chirurgicaux pouvaient avoir permis l'exposition de la patiente au virus de l'hépatite C et qu'ainsi, même s'il ne pouvait être totalement exclu, le diagnostic d'hépatite C post transfusionnel n'était ni prouvé ni matériellement établi ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé, dans ces conditions, que la demande des consorts A ne pouvait qu'être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;
Sur la déclaration de jugement commun :
Considérant que la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Bouches-du-Rhône, qui s'est vu régulièrement communiquer la procédure, n'a pas produit d'observations dans cette instance ; qu'il y a dès lors lieu de lui déclarer commun le présent arrêt ;
Sur les conclusions des consorts A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les défendeurs d'appel, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, soient condamnés à payer aux consorts A la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Francine A, à M. Gérard A, à M. Franck A, à M. Jean-Luc A, à Mlle Sandrine A, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à l'Etablissement français du sang (E.F.S.), à la société AXA France IARD, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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N° 09MA018692