Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2010, présentée pour la SOCIÉTÉ S.I.S., dont le siège est au 10 rue Dell Pellegrino à Ajaccio (20090), représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Serpentier-Linares;
La SOCIÉTÉ S.I.S. demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900330 du 27 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003 pour un montant de 31 009 euros assorti des intérêts moratoires ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige, assortis des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :
- le rapport de M. Iggert ;
- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIÉTÉ S.I.S. s'est vu restituer les droits de taxe sur les achats de viande qu'elle avait acquittés au titre de la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003 ; qu'après avoir repris la procédure, l'administration a remis en recouvrement l'imposition ; que la SOCIÉTÉ S.I.S. relève appel du jugement du 27 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre des années 2002 à 2003;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts applicables à la période en litige, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures que la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ; que l'article L. 168 du même livre dispose que : Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts. ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'une imposition a été dégrevée à tort ne fait pas obstacle à ce que l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, établisse une nouvelle imposition au titre de la même période, tant que le délai de reprise dont elle dispose n'est pas expiré, soit, en l'espèce, jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ; qu'il appartient seulement à l'administration, dans ce cas, d'informer préalablement le contribuable de la persistance de son intention d'imposer ;
Considérant que la SOCIÉTÉ S.I.S., après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003, en a demandé la restitution par une réclamation du 23 mars 2004 ; que l'administration lui a accordé le dégrèvement des impositions en litige par une décision du 13 septembre 2004 ; qu'elle a adressé à la société le 15 novembre 2004 une lettre l'informant qu'elle envisageait d'annuler ce dégrèvement et que les taxes ne seraient pas remboursées ; que, par courrier du 21 décembre 2004, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification interruptive de prescription, puis, par décision du 8 mars 2005, a confirmé la nouvelle imposition, et enfin, a notifié à SOCIÉTÉ S.I.S., par avis de mise en recouvrement du 17 octobre 2007 cette imposition sur les mêmes bases, soit dans le délai imparti par les dispositions susmentionnées du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ S.I.S., qui ne peut utilement invoquer les règles générales relatives au retrait des actes administratifs individuels créateurs de droits à l'encontre des décisions de dégrèvement précitées, n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait établir à nouveau l'imposition au titre de la même période ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, depuis le 1er janvier 2001, il n'existe aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SOCIÉTÉ S.I.S. ne peut ainsi invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en troisième lieu, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2002 et 2003, le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ S.I.S. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de restitution des droits en litige, assortis des intérêts moratoires ; qu'elle ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ S.I.S. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIÉTÉ S.I.S. et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
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N°10MA02935