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04/07/2011 | FRANCE | N°09MA00088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2011, 09MA00088


Vu le recours, enregistré le 12 janvier 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00088, présentés par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602405, 0602807,0602811 du 21 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du ministre de l'i

ntérieur et de l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie,...

Vu le recours, enregistré le 12 janvier 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00088, présentés par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602405, 0602807,0602811 du 21 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 20 décembre 2005 en tant que cet arrêté a écarté les communes de Perpignan et de Cabestany de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, a enjoint à ces autorités de statuer à nouveau sur les demandes desdites communes dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a condamné l'Etat à verser à chacune d'entre elles la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les communes de Perpignan et de Cabestany devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Il soutient que l'annulation est intervenue au seul motif d'une incohérence que le Tribunal a cru pouvoir relever dans l'étude de Météo-France sur la durée de retour des moyennes de réserves en eau du troisième trimestre 2003 entre, d'une part, le nombre d'années de mesures disponibles pour calculer cette durée de retour, fixé à quarante-neuf, pour la station de référence de Perpignan et, d'autre part, le début, en 1950, des mesures effectuées dans cette même station ; qu'outre que cet argument n'a jamais été soulevé par la commune de Perpignan et n'aurait donc jamais dû entraîner l'annulation de l'arrêté litigieux en ce qui concerne cette commune, la différence relevée portant sur trois années de mesures s'explique par le caractère incomplet, et donc inexploitable, des données disponibles pour les années en question, ainsi que Météo-France l'explique ; qu'ainsi, aucune erreur n'a été commise dans l'application aux communes concernées du critère du bilan hydrique permettant de caractériser l'intensité anormale de l'agent naturel au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances ; qu'il résulte du rapport établi par Météo-France en vue du réexamen des demandes des communes concernées qu'à la suite de problèmes techniques se traduisant par des absences d'observations pendant plusieurs jours consécutifs, les mesures qui permettent le calcul du bilan hydrique et, par conséquent, la détermination de la durée de retour des conditions climatiques qui ont eu lieu lors de l'été 2003, ne sont pas disponibles pour certaines années civiles ; que cela explique que la série climatologique de bilan hydrique à la station de Perpignan, bien que remontant à 1950, ne disposait que de quarante-neuf années jusqu'en 2003 ; qu'au regard de cette précision, qui vient confirmer les conclusions de l'étude de Météo-France sur la durée de retour des moyennes de réserves en eau du troisième trimestre 2003, la Commission interministérielle n'a pu, lors de sa séance du 19 février 2009, qu'émettre un nouvel avis défavorable sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse géotechnique de l'été 2003 présentées par les communes de Perpignan et de Cabestany, dès lors qu'aucun des critères du réservoir hydrique et de la durée de retour permettant de caractériser l'intensité anormale de l'agent naturel n'était avéré pour la station de Perpignan, à laquelle se trouvent rattachées lesdites communes ; que, par arrêté du 13 mars 2009, les demandes en causes ont été à nouveau rejetées ; que l'erreur commise par le Tribunal dans son appréciation est certaine et doit conduire à l'annulation du jugement attaqué ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2010 au greffe de la Cour, présenté pour la commune de Cabestany par la société civile professionnelle (SCP) d'avocats CGCB et associés ; la commune de Cabestany demande à la Cour de rejeter le recours, de confirmer le jugement attaqué et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, à titre liminaire, que la procédure actuelle de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle souffre de nombreuses aberrations qui conduisent au rejet inéquitable et injustifié de nombreuses demandes de reconnaissance formulées par des communes sinistrées ; que le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation doit être écarté ; qu'en effet, le Tribunal a simplement pris acte des contradictions manifestes qui ressortaient des pièces du dossier ; qu'en écartant trois années de données disponibles, le calcul et le résultat ont manifestement été faussés ; que la note produite est anonyme, confuse, postérieure à l'arrêté litigieux et imprécise ; qu'en effet, ni l'Etat ni Météo-France ne précisent quelles années sont inexploitables ;

que l'indisponibilité de certaines années de résultats n'est pas démontrée ; que lorsque des données se révèlent particulièrement inexploitables, il y a lieu, afin de ne pas pénaliser les collectivités sollicitant le classement, de considérer l'année en cause comme représentant une année moyenne à prendre en compte dans le calcul du rapport de la période de retour ; à titre subsidiaire, que d'autres moyens fondent une annulation de l'arrêté du 20 décembre 2005 ; qu'en effet, l'Etat a fait preuve d'incompétence négative pour examiner la question de son classement éventuel ; qu'en effet, les autorités en cause se sont bornées à suivre l'avis émis par la Commission interministérielle, laquelle suit elle-même l'avis de Météo-France ; que l'arrêté litigieux est entaché de plusieurs erreurs manifestes d'appréciation qui ont été reconnues et censurées par le juge administratif et sont relatives au résultat de 0 % concernant le réservoir hydrique et à l'absence de prise en compte de la nature de son sol, alors qu'elle se situe au dessus d'un immense cône alluvial, les alluvions de la Têt, constitués d'argiles très dures et parfois concrétionnées ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Montpellier en ce qui concerne le nouvel arrêté du 13 mars 2009 rejetant sa demande, l'administration doit être regardée comme s'étant estimée liée par l'analyse faite par MétéoFrance du critère de l'occurrence statistique, alors qu'elle aurait dû tenir compte des circonstances particulières tenant à sa situation ; que l'Etat a ainsi commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit ; que dans l'hypothèse d'une censure du jugement, elle ne renonce à aucun des moyens soulevés en première instance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2010 au greffe de la Cour, présenté pour la commune de Perpignan par la SCP d'avocats CGCB et associés ; la commune de Perpignan demande à la Cour de rejeter le recours, de confirmer le jugement attaqué et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation doit être écarté ; qu'en effet, le Tribunal a simplement pris acte des contradictions manifestes qui ressortaient des pièces du dossier ; qu'en écartant trois années de données disponibles, le calcul et le résultat ont manifestement été faussés ; que la note produite est anonyme, confuse, postérieure à l'arrêté litigieux et imprécise ; qu'en effet, ni l'Etat ni Météo-France ne précisent quelles années sont inexploitables ; que l'indisponibilité de certaines années de résultats n'est pas démontrée ; que lorsque des données se révèlent particulièrement inexploitables, il y a lieu, afin de ne pas pénaliser les collectivités sollicitant le classement, de considérer l'année en cause comme représentant une année moyenne à prendre en compte dans le calcul du rapport de la période de retour ; à titre subsidiaire, que d'autres moyens fondent une annulation de l'arrêté du 20 décembre 2005 ; qu'en effet, l'Etat a fait preuve d'incompétence négative pour examiner la question de son classement éventuel ; qu'en effet, les autorités en cause se sont bornées à suivre l'avis émis par la Commission interministérielle, laquelle suit elle-même l'avis de Météo-France ; que l'arrêté litigieux est entaché de plusieurs erreurs manifestes d'appréciation qui ont été reconnues et censurées par le juge administratif et sont relatives au résultat de 0 % concernant le réservoir hydrique et à l'absence de prise en compte de la nature de son sol anormalement constitué en très grande majorité de smectites ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Montpellier en ce qui concerne le nouvel arrêté du 13 mars 2009 rejetant sa demande, l'administration doit être regardée comme s'étant estimée liée par l'analyse faite par Météo-France du critère de l'occurrence statistique, alors qu'elle aurait dû tenir compte des circonstances particulières tenant à sa situation ; que l'Etat a ainsi commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit ; que dans l'hypothèse d'une censure du jugement, elle ne renonce à aucun des moyens soulevés en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2011 au greffe de la Cour, présenté pour les communes de Cabestany et de Perpignan ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 juin 2011 au greffe de la Cour, présentée pour les communes de Cabestany et de Perpignan ;

Vu le code des assurances, et notamment son article L. 125-1 ;

Vu loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ;

Vu le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu la circulaire ministérielle n° 84-90 du 27 mars 1984 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2011 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonnet de la SCP d'avocats CGCB et associés, pour les communes de Perpignan et de Cabestany ;

Considérant qu'à la suite de la sécheresse ayant caractérisé la période estivale de l'année 2003, les communes de Perpignan et de Cabestany (département des Pyrénées-Orientales), s'estimant en état de catastrophe naturelle, ont présenté au préfet des Pyrénées-Orientales une demande de reconnaissance de cet état ; que ces demandes ont été rejetées par un arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat en date du 20 décembre 2005 ;

que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION relève appel du jugement du 21 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté en date du 20 décembre 2005 en tant qu'il a écarté les communes de Perpignan et de Cabestany de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, a enjoint à ces autorités de statuer à nouveau sur les demandes desdites communes dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a condamné l'Etat à verser à chacune d'entre elles la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, applicable au litige : (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises (...) L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ; que la Commission interministérielle, pour évaluer l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des mouvements de terrains différentiels, a déterminé des critères dits du réservoir hydrique et de l'occurrence statistique, pour tenir compte des particularités présentées par la sécheresse intervenue au cours de l'été 2003 par rapport aux années précédentes, ainsi que des précipitations et des phénomènes d'évaporation et d'évapotranspiration, et a défini des seuils de sécheresse, en deçà desquels une commune ne peut être regardée comme ayant connu une sécheresse d'une intensité anormale ; que c'est ainsi que l'administration a considéré que l'intensité anormale du phénomène n'était avérée que lorsque la moyenne de la réserve hydrique du troisième trimestre de l'année 2003 était inférieure à 21 % de la réserve hydrique normale et que le nombre de décades au cours desquelles le réservoir hydrique était vide avait été l'un des trois plus élevés de la période 1989-2003 ou lorsque l'occurrence statistique du phénomène était égale ou supérieure à vingt-cinq ans ;

qu'en ce qui concerne ce dernier critère, pour caractériser, du point de vue météorologique, l'aspect exceptionnel de la sécheresse de l'été 2003, la durée de retour de la moyenne de la réserve en eau du troisième trimestre de l'année 2003 est estimée, pour chaque station météorologique de rattachement, par le calcul de la fréquence de conditions égales ou encore plus déficitaires que celles de l'été 2003, sur une période, d'une durée variable, en fonction du nombre d'années d'étude exploitables disponibles, selon la station météorologique en cause, mais au moins égale à vingt-cinq ans ; que le résultat est obtenu par la division du nombre total d'années étudiées comportant des données exploitables par le nombre de valeurs inférieures ou égales à la moyenne du troisième trimestre de l'année 2003 au cours de ces mêmes années ;

Considérant que pour annuler partiellement l'arrêté litigieux, les premiers juges ont relevé que l'administration s'était fondée sur la circonstance que la moyenne de la réserve hydrique du troisième trimestre de l'année 2003, pour les communes de Perpignan et de Cabestany, était de 0 % et que l'année 2003 était classée comme la huitième année la plus sèche sur les quinze dernières années ; que ces deux constatations ne sont pas contestées ; que les premiers juges ont également retenu que la durée de retour du phénomène était, pour les communes en cause, de vingt-quatre ans et demi, tout en précisant que pour aboutir, s'agissant de ce dernier critère, à ce résultat, l'administration avait divisé le nombre d'années de mesures effectuées dans la station météorologique de référence de Perpignan par le nombre de valeurs inférieures ou égales à la moyenne des réserves en eau du troisième trimestre 2003, soit, dans le cas d'espèce, un rapport de quarante-neuf années sur deux, alors qu'il ressortait de l'étude établie par Météo-France sur la durée de retour des moyennes de réserves en eau du troisième trimestre 2003 que les mesures permettant d'estimer les réserves en eau du sol dans la station de référence de Perpignan ont débuté en 1950, et qu'il n'était ni établi ni même allégué, pour justifier l'exclusion de trois années de mesures, que certaines des données correspondant aux cinquante-deux années étudiées avant l'année 2003 étaient absentes ou inexploitables ;

Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la note complémentaire sur la sécheresse géotechnique 2003 concernant la station de référence de Perpignan, établie par Météo-France le 23 janvier 2009, et produite pour la première fois en appel, que, si ladite station dispose, dans la base climatologique de Météo-France, de mesures météorologiques pour le calcul du bilan hydrique depuis 1950, des problèmes techniques survenus antérieurement à l'année 1970 ont entraîné l'absence de données décadaires pour trois années civiles, rendant inexploitables les données disponibles pour ces années ; qu'en conséquence, le calcul de la durée de retour a été effectué sur la base d'une série climatologique de bilan hydrique disposant de quarante-neuf années ; qu'une telle période, supérieure à vingt-cinq années, est suffisante ; que l'absence de prise en compte de trois années supplémentaires ne peut être considérée comme étant, par elle-même, de nature à fausser le calcul et le résultat ainsi obtenu, dès lors que les communes de Perpignan et de Cabestany n'établissement aucunement qu'aucune autre année, sur la période totale de cinquante-deux ans, aurait présenté une valeur inférieure ou égale à la moyenne des réserves en eau du troisième trimestre 2003 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué est erroné ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les communes de Perpignan et de Cabestany devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 août 2004 :

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances font obligation aux ministres, non seulement de déterminer les périodes d'une catastrophe naturelle et les zones qu'elle a affectées, mais également de préciser, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, leur décision, qui est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département en étant assortie d'une motivation ; qu'ainsi, ni l'expiration des délais impartis aux ministres pour se prononcer sur la demande d'une commune à fin de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire, ni le défaut de mention de cette commune par un arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle dans d'autres communes, ne peuvent être regardés comme portant rejet de la demande de cette commune ou portant dessaisissement de l'autorité compétente, qui reste tenue de statuer explicitement sur toute demande de classement en état de catastrophe naturelle dont elle a été saisie ; qu'il en résulte que l'édiction de l'arrêté interministériel du 25 août 2004 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle pour différentes communes, au nombre desquelles ne figure pas la commune de Perpignan, ne vaut pas décision implicite de rejet de sa demande ; que, dès lors, la commune de Perpignan ne présente pas un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation partielle de l'arrêté interministériel du 25 août 2004 ; que, par suite, sa demande en ce sens est irrecevable ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2005 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005, publié le 28 juillet 2005 au Journal officiel de la République française : A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les hauts fonctionnaires de défense (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : Le présent décret entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit sa publication. Les agents mentionnés à l'article 1er qui sont alors en fonction disposent à compter de cette date de la délégation prévue au même article. ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que M. Christian Galliard de Lavernée, M. Hervé de Villeroché et Mme Christine Buhl, signataires de l'arrêté attaqué, qui exerçaient les fonctions respectives de directeur de la défense et de la sécurité civile, de sous-directeur à la direction du Trésor et de sous-directrice à la direction du budget, nommés par décret du 19 décembre 2002 et arrêtés des 27 mai 2005 et 13 janvier 2004, étaient compétents pour signer l'arrêté attaqué relatif à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, acte dont l'édiction est au nombre des attributions relevant de leurs directions respectives ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté du 20 décembre 2005 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances, la décision des ministres, assortie de sa motivation, est notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département ; que le préfet des Pyrénées-Orientales, à l'occasion de la notification à la commune de Perpignan, le 10 janvier 2006, de la décision des ministres la concernant, lui a fait connaître les raisons pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle n'a pas été constaté dans cette commune au cours de l'été 2003 ; qu'il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes du courrier de notification du 10 janvier 2006 que celui-ci indiquait avec suffisamment de précision les éléments de droit et de fait qui fondent la décision ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux au regard des exigences de l'article L. 125-1 du code des assurances doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la commission interministérielle relative aux dégâts non assurables causés par les catastrophes naturelles a été mise en place par la circulaire ministérielle n° 84-90 du 27 mars 1984 afin d'éclairer les ministres sur l'application de la législation relative aux catastrophes naturelles et que les avis qu'elle émet ne lient pas les autorités compétentes ; que, si la commune de Cabestany soutient qu'il n'est pas démontré que, lors de la séance du 17 novembre 2005, au cours de laquelle sa demande a été examinée par ladite Commission, cette dernière était régulièrement composée, elle n'établit pas que l'irrégularité ainsi alléguée aurait exercé, en fait, une influence sur les décisions attaquées ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, l'expiration des délais impartis par les dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances aux ministres pour se prononcer sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne dessaisit pas l'autorité compétente ; que la circonstance que la décision en date du 20 décembre 2005 concernant la commune de Perpignan et sa notification, le 10 janvier 2006, sont intervenues après l'expiration desdits délais est sans influence sur la légalité de l'arrêté interministériel contesté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ; qu'il ressort de l'étude météorologique établie par Météo-France que la délimitation des zones Aurore a été faite pour caractériser une homogénéité météorologique sur un territoire et a été affinée par une expérience de terrain des climatologues des centres départementaux de la météorologie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le zonage Aurore serait manifestement erroné ; que, si les ministres ont initialement retenu des critères typiques, dits de bilan hydrique et de réserves hydriques , d'une sécheresse, ces critères n'ont, après une analyse plus approfondie, pas paru adaptés à la situation, la sécheresse de l'été 2003 n'ayant pas pris la forme traditionnelle d'un phénomène typiquement lent ; qu'ainsi, la circonstance que les ministres aient, en cours d'instruction, adjoint, à titre alternatif, le critère du réservoir hydrique du troisième trimestre de l'année 2003, à celui des réserves hydriques , afin de tenir compte du caractère anormalement rapide et concentré de la sécheresse 2003, n'est pas de nature à entacher d'illégalité, notamment au regard du principe de sécurité juridique, les arrêtés litigieux ; qu'en se fondant sur les critères indicatifs ci-dessus rappelés, dits du réservoir hydrique et de l'occurrence statistique, par lesquels elle guide l'examen des demandes dont elle est saisie pour constater ou non le caractère anormal de l'intensité du phénomène, critères qui ne présentent pas un caractère réglementaire, et qui ont été établis en tenant compte des particularités présentées par la sécheresse intervenue au cours de l'été 2003 par rapport aux années précédentes, ainsi que des précipitations et des phénomènes d'évaporation et d'évapotranspiration, et en définissant des seuils de sécheresse, en deçà desquels une commune ne peut être regardée comme ayant connu une sécheresse d'une intensité anormale, tout en tenant compte de la nature argileuse des sols, l'administration n'a pas retenu des critères inappropriés ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation relative aux critères utilisés doivent être écartés ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre du 5 janvier 2006 par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a notifié à la commune de Cabestany l'arrêté interministériel du 20 décembre 2005 que, contrairement à ce que soutient celle-ci, les ministres n'ont pas ignoré la nature argileuse de ses sols ;

Considérant, en septième lieu, que les communes de Perpignan et de Cabestany soutiennent que l'arrêté interministériel litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation de l'intensité du phénomène subi ; que, toutefois, d'une part, les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances ne subordonnent pas le bénéfice de la garantie qu'elles prévoient à la démonstration de la survenance ou de la persistance des dommages imputables à la sécheresse, mais à la constatation de l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine de ces dommages ; que la commune de Perpignan n'établit pas que les désordres constatés sur son territoire auraient pour origine, nonobstant leur importance, l'intensité anormale du phénomène climatique constitué par la sécheresse de l'été 2003 et non une inadaptation des normes de construction des bâtiments à la nature argileuse de leur terrain d'assiette ; que, d'autre part, le critère des précipitations, et des températures dont les communes concernées se prévalent, et qui concerne en outre seulement une courte période, est à lui seul insuffisant pour apprécier le caractère anormal de l'intensité du phénomène en cause ; que l'est également le seul fait, non corroboré par la satisfaction à l'un des sous-critères du critère de l'occurrence statistique, que les communes en cause ont disposé d'un réservoir hydrique de 0 % au cours du troisième trimestre de l'année 2003 ; qu'ainsi les communes de Perpignan et de Cabestany n'établissent pas que l'arrêté litigieux du 20 décembre 2005 serait entaché d'une erreur d'appréciation ;

Considérant, enfin, que, si la commune de Cabestany, rattachée, ainsi que cela a été dit précédemment, à la station météorologique de Perpignan, soutient avoir fait l'objet d'une rupture d'égalité dans le traitement de son dossier, elle ne le démontre pas en se bornant à faire état de la prise en compte de périodes d'une durée variable selon les stations météorologiques de rattachement pour le calcul de la durée de retour et de l'absence de prise en compte, ci-dessus explicitée, dans son cas, de trois années de données inexploitables ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 20 décembre 2005 en tant que cet arrêté a écarté les communes de Perpignan et de Cabestany de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse de l'année 2003 et à demander l'annulation dudit jugement ainsi que le rejet des demandes présentées par les intéressées devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent les communes de Perpignan et de Cabestany au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par les communes de Perpignan et de Cabestany devant le Tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des communes de Perpignan et de Cabestany tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, à la commune de Perpignan et à la commune de Cabestany.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2011, où siégeaient :

- M. Moussaron, président de chambre,

- Mlle Josset, premier conseiller,

- Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2011.

Le rapporteur,

K. JORDA-LECROQLe président,

R. MOUSSARONLe greffier,

M. PHOUMMAVONGSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 09MA00088 2

acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00088
Date de la décision : 04/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

12-03 Assurance et prévoyance. Contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-04;09ma00088 ?
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