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28/06/2011 | FRANCE | N°08MA01822

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 28 juin 2011, 08MA01822


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 avril 2008 et régularisée par courrier le 8 avril 2008, présentée pour la SARL ESTALBAN, dont le siège social est 8 Place Arago à Estagel (66310), par Me Fournie ;

La SARL ESTALBAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500293 0500294 en date du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a ét

é assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 et, d'autre part, des rap...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 avril 2008 et régularisée par courrier le 8 avril 2008, présentée pour la SARL ESTALBAN, dont le siège social est 8 Place Arago à Estagel (66310), par Me Fournie ;

La SARL ESTALBAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500293 0500294 en date du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à lui rembourser les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en appel ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Considérant que la société à responsabilité limitée SARL ESTALBAN, qui exploite à Estagel (66310), un bar-restaurant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 1999 et 2000, et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2000, à l'issue de laquelle divers redressements lui ont été notifiés ; qu'elle conteste le jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des compléments d'imposition auxquels elle a été assujettie ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, l'administration remet au contribuable la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions lui sont opposables ; que la SARL ESTALBAN soutient que la Charte ne lui a pas été effectivement remise et que l'administration ne peut être réputée avoir apporté la preuve de sa remise, comme il lui incombe en tant qu'auteur des actes de procédure, en se bornant à affirmer en avoir joint un exemplaire dans le pli contenant l'avis de vérification, ce qui repose sur le contribuable le soin d'effectuer les diligences nécessaires pour en obtenir communication ; qu'une telle pratique, qui relève de la preuve impossible à rapporter sur la personne sur laquelle elle pèse, serait contraire au principe d'effectivité des droits de la défense consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que l'avis de vérification en date du 5 novembre 2001 adressé à la SARL ESTALBAN, reçu le 7 novembre, comportait la mention selon laquelle était joint un exemplaire de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (millésime mai 2001) ; qu'il incombait dès lors au contribuable d'en réclamer communication au cas où le pli n'aurait pas contenu ladite Charte ; que la société requérante reconnaît ne pas avoir effectué les diligences nécessaires pour la réclamer, et ne peut invoquer sa méconnaissance des procédures dès lors que l'avis de vérification signalait la faculté de se faire assister d'un conseil ; qu'une telle dialectique de la preuve n'entrave nullement les droits de la défense et ne méconnaît pas ainsi leur effectivité ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à soutenir que le vérificateur se serait refusé à entendre l'objectivité des critiques émises et à faire évoluer le débat engagé, et aurait, ainsi, méconnu les droits de la défense, la SARL n'établit pas l'irrégularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en troisième lieu, que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, la SARL ESTALBAN ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'avis émis par la commission comporterait des erreurs et des contradictions et n'analyserait pas de façon approfondie les arguments présentés au cours de la séance ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour rejeter la comptabilité de la SARL ESTALBAN, le vérificateur a, notamment, pris en compte la reconnaissance par M. Bruno Morato, gérant de la société, d'une minoration des recettes d'environ 5 % dans un procès-verbal d'audition établi au mois d'avril 2001 dans le cadre d'une information judiciaire ouverte à l'encontre de l'un des fournisseurs de l'établissement exploité à Estagel, transmis par le Parquet de Perpignan et communiqué au contribuable le 23 juillet 2002 ; que si la société requérante soutient que les aveux de son gérant ont été obtenus sous la pression des enquêteurs après des heures de garde à vue, et sous la menace d'un emprisonnement immédiat, elle n'apporte aucun élément probant ou indice établissant les contraintes qu'aurait subi M. Bruno Morato et qui priveraient de toute véracité les déclarations de l'intéressé ; qu'au demeurant, la rétractation du gérant ne constitue nullement la preuve de l'absence de minorations des recettes dès lors que de telles minorations ont été constatées dans l'entreprise et ont été confirmées par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, l'administration était en droit d'exploiter les informations contenues dans ledit procès-verbal pour considérer que la comptabilité n'avait pas un caractère probant ;

Considérant, par ailleurs, que pour rejeter la comptabilité litigieuse, le vérificateur a relevé une globalisation des recettes en fin de journée non justifiée, ni par un brouillard de caisse, ni par les bandes de caisse enregistreuse à compter du mois d'octobre 1999, des anomalies relatives aux stocks, l'absence de production d'une bande de caisse pour la période du 5 au 16 septembre 1999, une marge bénéficiaire faible au titre des deux exercices, et le défaut d'inscription sur le livre de caisse des recettes des journées des 9 et 10 janvier 1999 ; que si la SARL ESTALBAN conteste ces dernières constatations qu'elle qualifie de lacunes mineures , la circonstance qu'à partir du 5 octobre 1999, aucune indication sur la qualité des produits vendus ne figurait sur les bandes de caisse rendant impossible tout rapprochement entre les ventes, les achats et les stocks pour une partie de l'année 1999 et pour l'année 2000, suffit à ce que la comptabilité puisse, pour ce seul motif, être regardée comme non probante sur l'ensemble de la période vérifiée ;

Considérant, enfin, que la SARL ESTALBAN ne saurait, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir des réponses ministérielles faites les 21 septembre 1957 et 22 janvier 1972 aux questions écrites de MM. Chamant et Berger, députés, ainsi que de la documentation administrative de base 4 G-3334, dès lors que la doctrine administrative ainsi invoquée subordonne la comptabilisation globale des recettes quotidiennes à la condition que les commerçants puissent en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement remplie et que cette condition fait défaut en l'espèce ; que, dès lors, l'administration a pu valablement rejeter la comptabilité de la SARL ESTALBAN et procéder à la reconstitution de ses recettes ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

Considérant que les impositions litigieuses ayant été mises en recouvrement conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, réunie le 11 décembre 2003, et la comptabilité de la SARL ESTALBAN ayant été, comme il a été dit ci-dessus, à bon droit écartée par le service, il revient à la société requérante, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir le caractère excessif des impositions mises à sa charge ;

Considérant que, pour reconstituer les recettes restaurant de la SARL ESTALBAN, le vérificateur a retenu quarante-cinq plats sur les quarante-huit servis dans l'établissement ; que la méthode appliquée se fonde sur un échantillonnage de journées réparti sur différentes périodes de l'année, englobant, en particulier, les mois de juillet et août alors que l'entreprise enregistre au cours des mois de juin à septembre 43,46 % de son chiffre d'affaires ; que, pour chaque catégorie de plats, la comparaison du coût de revient et du prix de vente a permis de déterminer un coefficient de marge ; que, sur les vingt-sept journées retenues, le rapport entre le nombre de plats servis pour chaque catégorie et le nombre total de plats dépouillés a permis de déterminer un pourcentage de service ; que les recettes restaurant ont été déterminées à partir des achats de solides comptabilisés, corrigés des variations de stocks, auxquels ont été appliqués, pour chaque catégorie de plats, le pourcentage de service, puis le coefficient de marge ainsi calculés ; qu'il a été tenu compte des pertes et offerts déterminés de manière contradictoire avec le gérant ; que, le vérificateur a reconstitué les recettes bar et glaces à partir des achats revendus, retenus après variation des stocks, auxquels ont été appliqués les tarifs pratiqués dans l'établissement déterminés à partir d'un relevé de prix effectué lors de la première visite sur place ; que les doses servies, les pourcentages de pertes et d'offerts ainsi que la consommation du personnel ont été arrêtés contradictoirement avec le gérant de la société ;

Considérant en premier lieu, que si la SARL ESTALBAN critique la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires en ce que, selon elle, le vérificateur l'aurait fondée sur un échantillonnage trop sommaire, il résulte de l'instruction que l'étude effectuée par le vérificateur pour établir le coefficient de marge et le pourcentage de service a concerné un échantillon suffisamment représentatif de l'activité de l'entreprise ; que les affirmations de la société requérante selon lesquelles la période estivale occuperait une place prépondérante dans la reconstitution alors que la clientèle de passage consommerait des produits dont le prix unitaire et la marge seraient plus importants ne sont pas étayées d'éléments probants ; que, dans ces conditions, les moyens tirés du caractère sommaire de la méthode de reconstitution retenue doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL ESTALBAN reproche au vérificateur d'avoir omis un nombre important de quantités ou de denrées entrant dans la composition des plats et menus, d'avoir commis des erreurs dans le prix des denrées et produits et de ne pas avoir retenu les prix du fournisseur Shopi ; qu'il résulte, cependant, de l'instruction que la reconstitution a été effectuée à partir des données tirées de l'entreprise et des renseignements obtenus auprès du gérant lors des opérations de contrôle ; que les factures Shopi ont été écartées pour les achats de viande dès lors que les tickets de caisse présentés ne permettaient pas l'identification des produits vendus ; qu'en outre, le service a appliqué le coefficient de marge déterminé par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour tenir compte des arguments de la société ; que la SARL ESTALBAN, qui ne produit aucun élément nouveau de nature à infirmer les constatations du service et ne présente aucune autre méthode de reconstitution mais se borne à proposer, sans les justifier, des corrections à la méthode suivie par le service, n'est donc pas fondée à critiquer la reconstitution de ses recettes restaurant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne les recettes bar et glaces , il résulte de l'instruction, et notamment, de la notification de redressement du 20 juin 2002, que, lors de la première intervention sur place, il a été procédé à un relevé de prix ainsi qu'à la détermination des doses servies dans chaque catégorie de boissons ; que, lors des entretiens des 27 novembre 2001 et 23 janvier 2002, les doses, pertes et offerts ont été arrêtés avec le gérant ; que la reconstitution des recettes a été effectuée sur la base des tarifs au comptoir et non en terrasse ; que si la SARL ESTALBAN conteste le montant des achats, les dosages, les pertes et offerts et les prix retenus en soutenant que ses propres pointages effectués sur les factures des fournisseurs Aymerich et Métro feraient état d'un montant d'achats inférieur à celui retenu par le vérificateur, qu'elle aurait dû bénéficier des dosages plus avantageux retenus par l'administration dans le cadre du contrôle de la SARL Carmoral, autre établissement géré par M. Morato, que les pertes et offerts n'auraient pas été appliqués à l'ensemble des produits, que les prix retenus ne correspondraient pas aux prix pratiqués et, enfin, qu'une perte de 15 % accordée aux glaces en bac aurait dû être appliquée aux glaces vendues au détail dès lors qu'elles feraient l'objet, en fin de saison, de vente promotionnelle et de dons, elle ne l'établit pas en se bornant à proposer ses propres corrections, en l'absence de toute remise en cause de la méthode du vérificateur, sans les accompagner de justificatifs propres à l'entreprise et en produisant, pour la première fois devant les premiers juges, une carte non datée dont les prix mentionnés sont supérieurs à ceux retenus par le service ; que, par suite, la SARL ESTALBAN n'est pas fondée à remettre en cause la reconstitution des recettes bar et glaces effectuée par le vérificateur ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aucune disposition légale, ni aucun principe n'impose à l'administration de reconstituer le bénéfice imposable d'un contribuable dépourvu de comptabilité probante à l'aide de plusieurs méthodes ; que la documentation administrative de base 4 G-3343, précisant que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes, ne comporte, sur ce point, aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ESTALBAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL ESTALBAN la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ESTALBAN est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ESTALBAN et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 08MA01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01822
Date de la décision : 28/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : FOURNIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-28;08ma01822 ?
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