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14/06/2011 | FRANCE | N°08MA00567

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 14 juin 2011, 08MA00567


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 7 février 2008, régularisée le 8 février 2008, présentée pour la SARL BONNE SOURCE COIFFURE, dont le siège social est Centre commercial Carrefour, avenue de la Mer à Narbonne (11100), par Me Frenkel ;

La SARL BONNE SOURCE COIFFURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501160 0501195 en date du 15 novembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décem

bre 2002 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles el...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 7 février 2008, régularisée le 8 février 2008, présentée pour la SARL BONNE SOURCE COIFFURE, dont le siège social est Centre commercial Carrefour, avenue de la Mer à Narbonne (11100), par Me Frenkel ;

La SARL BONNE SOURCE COIFFURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501160 0501195 en date du 15 novembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000 et 2001 ;

2°) de la décharger, d'une part, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000 et 2001 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2011,

- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne l'omission à examiner un moyen :

Considérant que devant les premiers juges, la SARL BONNE SOURCE COIFFURE soutenait que la remise en cause de l'exonération de TVA sur les pourboires méconnaît, sous l'angle du droit communautaire, le principe de neutralité fiscale de cette taxe ; que, toutefois, il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 29 mars 2001, Affaire 404/99 Commission / France que la tolérance administrative invoquée est contraire aux articles 2 et 11 de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, le moyen tiré de ladite tolérance administrative ne pouvait utilement être invoqué par la SARL BONNE SOURCE COIFFURE ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement en omettant d'examiner ce moyen inopérant ;

En ce qui concerne l'omission à statuer sur des conclusions :

Considérant qu'il résulte du jugement attaqué, que si les premiers juges ont statué sur les majorations de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, ils ont omis de statuer sur les conclusions de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE tendant à la décharge des majorations de 40 % pour mauvaise foi dont ont été assorties les impositions supplémentaires qui lui ont été assignées ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour d'annuler, sur ce point, ledit jugement, pour irrégularité et de statuer immédiatement sur la demande de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE présentées par la SARL BONNE SOURCE COIFFURE devant le Tribunal administratif de Montpellier tendant à la décharge de ces pénalités pour mauvaise foi ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise répondant à des normes fixées par arrêté. (...) Les copies des documents transmis à l'administration ne doivent pas être reproduites par cette dernière et doivent être restituées au contribuable avant la mise en recouvrement. ;

Considérant que le vérificateur a adressé à la SARL BONNE SOURCE COIFFURE une demande de traitement informatique sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que cette dernière lui a répondu qu'elle optait pour la mise à la disposition de l'administration d'une copie des documents, données et traitements soumis à contrôle ; que si la SARL BONNE SOURCE COIFFURE soutient que les copies des fichiers informatiques qu'elle a remises aux agents de l'administration fiscale ne lui ont pas été restituées, le moyen manque en fait dès lors qu'il résulte de l'instruction que les fichiers gravés par la SARL BONNE SOURCE COIFFURE sur CD Rom lui ont été restitués par courrier du 24 novembre 2003 dont elle a accusé réception le 28 novembre 2003, antérieurement aux mises en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont s'agit, le 27 juillet 2004, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont s'agit, le 31 août 2004 ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ayant été mis en recouvrement conformément à l'avis émis le 29 avril 2004 par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, la SARL BONNE SOURCE COIFFURE supporte, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge d'établir l'exagération des impositions qu'elle conteste respectivement au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 et des exercices clos en 2000 et 2001 ;

S'agissant de la TVA sur les pourboires :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ... ; qu'aux termes de l'article 267 du même code : -I. Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même ; (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les majorations de prix réclamées à la clientèle au titre du service , dits pourboires obligatoires, notamment dans les salons de coiffure, constituent un élément du prix imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, d'autre part, que l'administration a admis, jusqu'au 1er octobre 2001, dans diverses interprétations de la loi fiscale qui lui étaient opposables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que les pourboires ne soient pas retenus dans la base imposable à la TVA sous réserve que le client ait été préalablement informé de l'existence d'un prélèvement présentant le caractère d'un pourboire et de son pourcentage par rapport au prix service non compris , que les pourboires aient été intégralement répartis entre les membres du personnel en contact direct avec la clientèle, que la déclaration annuelle des salaires déposée par l'employeur fasse apparaître le montant de la rémunération effectivement perçue par le personnel rémunéré au pourboire et que le versement des pourboires au personnel ait été justifié par la tenue d'un registre spécial émargé par chacun des bénéficiaires ou, tout au moins, par un représentant du personnel ; que pour refuser l'application de cette tolérance, l'administration a opposé notamment que, compte tenu des omissions de recettes constatées concernant les prestations payées en espèces, la SARL BONNE SOURCE COIFFURE ne justifie pas de la répartition intégrale des pourboires entre les membres du personnel en contact direct avec la clientèle et que, s'agissant du registre spécial, outre qu'il ne pouvait pas comprendre dans les entrées et les sorties inscrites, le service sur les omissions de recettes, celui-ci est tenu par la SARL BONNE SOURCE COIFFURE sur des feuilles volantes, comporte l'indication d'un montant mensuel à répartir, ne donnant pas au personnel la possibilité de suivre au jour le jour le montant du service lui revenant ; que la SARL BONNE SOURCE COIFFURE soutient qu'en vertu des stipulations de la convention collective applicable à son personnel, la rémunération des salariés doit être réputée comprendre obligatoirement le service de 15 % perçu par l'employeur auprès des clients et que, par suite, il y a eu nécessairement reversement intégral par l'employeur des pourboires aux salariés ; que, toutefois, ce reversement ne saurait être regardé comme établi, en tout état de cause, pour les recettes omises en comptabilité ; que la SARL BONNE SOURCE COIFFURE soutient également que dès lors que le service de 15 % est, en application de la convention collective, nécessairement intégré en totalité à la rémunération du salarié, tout contrôle sur ce montant s'avère superflu et, par suite, la tenue d'un registre spécial n'est d'aucune utilité et qu'en tout état de cause, chaque salarié peut contrôler chaque jour les éléments y afférents, sur l'application caisse issu du progiciel media Coif installé sur l'ordinateur du salon ; que, toutefois, ces circonstances ne sauraient remplacer la tenue régulière d'un registre spécial qui doit être émargé par chacun des bénéficiaires ou, à tout le moins, par un représentant du personnel ; que les stipulations de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant la non discrimination dans l'application des droits protégés par cette convention et les stipulations des protocoles additionnels à celle-ci, notamment de l'article 1er du premier protocole, ne peuvent être utilement invoquées pour contester les éventuelles discriminations résultant d'une interprétation de la loi fiscale ; qu'ainsi qu'il a été vu précédemment, la tolérance administrative invoquée en l'espèce, est contraire aux articles 2 et 11 de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires en vertu de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 29 mars 2001 Affaire 404/99 Commission / France et, par suite, la remise en cause de l'exonération de TVA sur les pourboires ne saurait méconnaître, sous l'angle du droit communautaire, le principe de neutralité fiscale de la TVA ;

Considérant que l'administration fiscale a pu, à bon droit, tant sur le fondement de la loi interne que de celui de la doctrine et du droit européen, estimer que les pourboires en cause devaient être compris dans les recettes de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE soumises à la TVA au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL BONNE SOURCE COIFFURE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires contestés et des pénalités y afférentes, hors celles infligées à titre de majorations de mauvaise foi ;

Sur les conclusions à fin de décharge des majorations de mauvaise foi :

Considérant que, pour justifier les majorations de 40 % pour mauvaise foi, prises sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, devenues des majorations pour manquement délibéré, l'administration soutient que la vérification de comptabilité a permis de démontrer que la SARL BONNE SOURCE COIFFURE, par l'utilisation du progiciel media Coi, a sciemment minoré le montant des recettes relatives aux prestations payées en espèces et ce, pour des montants significatifs, 62 631 euros en 2000 et 53 019 euros en 2001, qu'en omettant de déclarer les recettes de ces prestations payées en espèces, la SARL BONNE SOURCE COIFFURE ne pouvait ignorer que la part des services reversés qui y serait attachée, ne serait, en conséquence, pas imposable et qu'en éludant une partie de son chiffre d'affaires imposable, la société requérante ne pouvait pas ignorer qu'elle lésait de fait, financièrement, le Trésor ainsi d'ailleurs que les membres de son personnel à défaut de reversement à ces derniers des pourboires ; qu'en se bornant à invoquer des jugements du Tribunal administratif de Versailles, en date du 18 mai 2006 et du 4 décembre 2007, relatifs à un autre salon du groupe Saint Karl, le salon Villabe Coiffures et selon lesquels la circonstance que la société en cause ne pouvait pas bénéficier de la tolérance administrative, ne saurait à elle seule justifier l'existence d'un comportement de mauvaise foi relativement aux pourboires, la SARL BONNE SOURCE COIFFURE n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 15 novembre 2007 est annulé en tant qu'il porte sur les conclusions de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE tendant à la décharge des majorations de mauvaise foi dont ont été assorties les impositions supplémentaires assignées à celle-ci.

Article 2 : Les conclusions de la SARL BONNE SOURCE COIFFURE présentées devant le Tribunal administratif de Montpellier tendant à la décharge des majorations de mauvaise foi dont ont été assorties les impositions supplémentaires assignées à la SARL BONNE SOURCE COIFFURE ainsi que le surplus de la requête de celle-ci sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BONNE SOURCE COIFFURE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 08MA0567 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00567
Date de la décision : 14/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Procédure.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Elydia FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : FRENKEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-14;08ma00567 ?
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