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07/06/2011 | FRANCE | N°09MA00583

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 juin 2011, 09MA00583


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009, présentée pour M. Maurice A, et Mme Rose A, demeurant au ..., par la SCP d'avocats Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606007 du 19 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Carcassonne soit condamné à leur verser la somme de 258 400 euros en réparation de divers préjudices qui ont résulté du retard de diagnostic et de l'erreur médicale commise le 5 février 2001 lor

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2°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009, présentée pour M. Maurice A, et Mme Rose A, demeurant au ..., par la SCP d'avocats Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606007 du 19 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Carcassonne soit condamné à leur verser la somme de 258 400 euros en réparation de divers préjudices qui ont résulté du retard de diagnostic et de l'erreur médicale commise le 5 février 2001 lors de l'admission de M. A au service des urgences dudit hôpital ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Carcassonne les sommes de 175 000 euros au titre de l'IPP, de 1 500 euros au titre de l'ITT, de 4 500 euros au titre du pretium doloris, de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique, de 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 6 000 euros au titre du préjudice sexuel pour M. A, de 6 000 euros au titre du préjudice sexuel pour Mme A, de 10 000 euros au titre du préjudice moral pour M. A, de 10 000 euros au titre du préjudice moral pour Mme A, de 10 400 euros par an de rente annuelle pour la nécessité d'une tierce personne y compris les arrérages depuis le 28 avril 2001, les créances des organismes sociaux étant intégrées dans l'assiette des préjudices soumis à recours ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2011 :

- le rapport de M. Fédou, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecard, de la SCP d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, pour M. et Mme A et de Me Letessier, du cabinet d'avocats Boizard, pour le centre hospitalier de Carcassonne ;

Considérant que M. et Mme A interjettent appel du jugement en date du

19 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Carcassonne soit condamné à leur verser la somme totale de 258 400 euros en réparation de divers préjudices qui ont résulté du retard de diagnostic et de l'erreur médicale commise le 5 février 2001 lors de l'admission de M. A au service des urgences dudit hôpital ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que M. et Mme A soutiennent que le jugement attaqué a dénaturé les faits de l'espèce en relevant qu'un examen neurologique avait été pratiqué le 5 février 2001 car, dans l'hypothèse où un tel examen avait été pratiqué, le diagnostic d'accident vasculaire cérébral aurait nécessairement été posé dès le 5 février 2001 et le traitement adéquat aurait été administré ;

Considérant, d'une part, que le rapport d'expertise comporte sur ce point des éléments contradictoires puisqu'il mentionne en page 2 : Il est noté aux urgences : (...) Examen clinique : normal, y compris l'examen neurologique puis en page 7 : (...) le diagnostic d'AVC n'est pas évoqué et de ce fait aucun avis neurologique n'est demandé et en page 8 : Il aurait dû être demandé un avis neurologique ; que, d'autre part et en tout état de cause, le jugement attaqué considère ensuite qu'eu égard aux troubles visuels de M. A, un examen neurologique plus approfondi aurait été nécessaire et aurait vraisemblablement permis de diagnostiquer alors l'accident vasculaire cérébral dont était victime l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait dénaturé les faits, alors qu'il a estimé que les actes effectués au centre hospitalier de Carcassonne le 5 février 2001 avaient été insuffisants et qu'il y avait eu erreur de diagnostic, n'est dès lors pas fondé ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Carcassonne :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 4 octobre 2005 que, lors de l'hospitalisation de M. A le 5 février 2001 au centre hospitalier de Carcassonne, l'absence d'examen neurologique approfondi, alors que l'intéressé présentait des troubles à prédominance digestive mais également des troubles visuels, n'a pas permis de diagnostiquer l'accident vasculaire cérébral dont il était atteint, a entraîné une erreur de diagnostic et un retard dans la prise en charge adaptée de son état de santé, laquelle n'a été effectuée que le 9 février suivant ; que de tels faits sont constitutifs d'une faute médicale qui est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Carcassonne ;

Considérant dès lors que M. A a, de ce fait, perdu une chance d'éviter l'aggravation de l'accident vasculaire cérébral préexistant à son hospitalisation ; que la littérature médicale produite au dossier démontre que la prise en charge rapide des accidents vasculaires cérébraux diminue de façon certaine les séquelles à long terme et permet, d'un point de vue statistique, d'obtenir de meilleures chances de guérison, notamment grâce à un traitement par anticoagulants ou antiagrégants ; que, cependant, le rapport d'expertise juridictionnel comme les rapports d'expertise amiable qui l'ont précédé mentionnent que le bénéfice direct d'un traitement précoce pour le patient, dès le 5 février 2001, est impossible à préciser, et notamment que l'efficacité d'un traitement tendant à diminuer le risque de séquelles d'un accident vasculaire cérébral n'est pas quantifiable de façon individuelle ; qu'il y a lieu en conséquence pour la Cour de solliciter l'avis technique prévu par les dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, confié à un expert en neurologie, afin qu'il indique quel est le pourcentage de chance pour un patient atteint d'un accident vasculaire cérébral d'éviter des séquelles s'il est pris en charge de façon précoce, grâce en particulier à un traitement par anticoagulants ou antiagrégants le jour même de la manifestation des premiers symptômes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué du Tribunal Administratif de Montpellier, de déclarer le centre hospitalier de Carcassonne responsable des dommages subis par M. A à la suite de son hospitalisation du

5 février 2001, de solliciter l'avis technique sus évoqué pour déterminer la perte de chance pour M. A d'éviter les séquelles subies du fait du retard de diagnostic et de prise en charge médicale et de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt ; qu'il y a lieu en outre, M. A et son épouse étant fonctionnaires retraités, de mettre en cause dans l'instance l'Etat (ministre de l'éducation nationale) ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'éducation nationale) est mis en cause dans la présente instance.

Article 3 : Le centre hospitalier de Carcassonne est déclaré responsable des dommages subis par M. A à la suite de son hospitalisation dans cet établissement le 5 février 2001.

Article 4 : L'avis technique décrit dans les motifs du présent arrêt, confié à un expert en neurologie, sera consigné par écrit et transmis à la Cour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, qui le communiquera ensuite aux parties.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maurice A, à Mme Rose A, à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, section de l'Aude, au ministre de l'éducation nationale, au centre hospitalier de Carcassonne et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N° 09MA00583 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00583
Date de la décision : 07/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Guy FEDOU
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-07;09ma00583 ?
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