Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010 présentée pour M. Abdelnonnem A, ..., par Me Gradel, avocat ; M. A demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003896 en date du 18 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 juin 2010, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de cette reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ou, à défaut, en application de l'article L. 911-2 du même code, de procéder à un examen de sa situation et de lui délivrer, en attendant, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Vu la décision du président de la Cour administrative d'appel en date du 1er septembre 2010 portant désignation de Mme Lefebvre-Soppelsa pour l'exercice des compétences prévues par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir, en séance publique le 31 mars 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la reconduite à la frontière :
Considérant, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, notamment le fait que M. A, interpellé en situation irrégulière le 13 juin 2010, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, muni du visa normalement requis conformément à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté mentionne, en outre, que l'intéressé ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre à la régularisation de sa situation administrative et n'entre dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles L. 313-11 du même code et aux articles 7ter et 10 de l'accord franco-tunisien ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux satisfait aux exigences des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, ne justifie ni de la date, ni de la régularité de sa dernière entrée sur le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans la situation où, en application du 1° du II de l'article L. 511-1 précité, le préfet pouvait décider qu'il sera reconduit à la frontière ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi, ou une convention internationale, prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, né le 10 juin 1973, est célibataire et sans enfant et ne produit pas de justificatifs probants de la présence habituelle en France depuis janvier 1999 dont il allègue ; que si le requérant fait valoir qu'il vit avec un compagnon, il ne produit toutefois qu'un document peu probant, rédigé par celui-ci, établi le 16 juin 2010, aux termes duquel il héberge le requérant et vit en couple avec lui, sans aucune précision sur la durée de cette vie commune ; qu'en ce qui concerne son insertion professionnelle et sociale, si M. A produit notamment des promesses d'embauche, un acte de cession, en date du 1er février 2008, de parts sociales d'une S.A.R.L ayant pour objet la réparation et l'entretien de véhicules automobiles et un certificat de travail dans une entreprise du bâtiment, du 5 novembre 2000 au 20 avril 2001, il ne peut être regardé comme établissant ainsi son insertion de manière durable dans la société française ; qu'il ne démontre pas par ailleurs ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine ou qu'il y soit isolé ; que dès lors, le requérant ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ; que le requérant n'invoque pas de motifs exceptionnels ou humanitaires de nature à le faire bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité dont il se prévaut ;
Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ci-dessus rappelées, notamment à la durée et aux conditions de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets de la reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 14 juin 2010 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a par suite pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que de même le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant ;
En ce qui concerne le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que M. A fait état de risques qu'il encourrait en cas de retour en Tunisie en raison de son homosexualité ; que toutefois, le requérant expose des considérations d'ordre général et n'étaye pas précisément ce moyen relatif aux risques personnels de peines ou de traitements inhumains et dégradants qui seraient consécutifs à la mesure d'éloignement contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 14 juin 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de cette reconduite ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant que le présent arrêt, de rejet, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. A, au demeurant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelnonnem A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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N° 10MA02690