Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 juillet 2010 et régularisée le 19 juillet 2010, présentée pour Mme Chantal A, demeurant ..., par Me Bonnet, avocat : Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 25 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 25 031,05 euros, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de ses fonctions d'agent d'entretien de la commune de Salses le Château ;
2°) de lui allouer une indemnité provisionnelle de 25 031,05 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2010 ;
3°) de condamner la commune de Salses le Château à lui payer la somme de 1 794 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) d'autoriser son conseil, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à recouvrer à son profit la somme allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par celui-ci à la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle ;
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Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code de la fonction publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2011 :
- le rapport de M. Gonzales, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonnet pour Mme A ;
Considérant que Mme A interjette appel de l'ordonnance du 25 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 25 031,05 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de ses fonctions d'agent d'entretien de la commune de Salses le Château ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Sur les conditions d'engagement de Mme A et de cessation de ses fonctions :
Considérant que Mme A a été engagée verbalement par la commune de Salses le Château en 1998 pour effectuer des remplacements en qualité d'agent d'entretien ; qu'elle a ensuite bénéficié, à compter du 15 juin 1999 jusqu'au 14 juin 2004 de contrats emploi-solidarité et de contrats emploi-consolidé ; que son engagement doit être regardé comme s'étant poursuivi sur la base de contrats signés par elle-même et par le maire, jusqu'au 31 décembre 2008 ; que, pour la période postérieure, son maintien en fonction ne peut être regardé comme reposant sur l'existence de simples projets de contrats figurant au dossier, revêtus de la seule signature du maire, mais doit être regardé comme procédant des renouvellements successifs du dernier contrat signé le 29 mai 2008 par les deux parties et expirant le 31 décembre 2008, chaque renouvellement devant être réputé porter sur une période de sept mois, identique à la durée fixée par ce contrat ; qu'il en résulte que le dernier contrat de l'intéressée devait normalement expirer le 1er octobre 2010 ; qu'ainsi, dans la mesure où aucune pièce du dossier ne permet de justifier la réalité du motif de la décision du 31 mars 2010 par laquelle le maire a mis fin aux fonctions de Mme A, tiré du fait que l'intéressée aurait elle-même manifesté la volonté de mettre un terme à leur collaboration au 31 mars 2010, date prétendue de l'échéance de ce contrat, et où cette décision ne peut par ailleurs être regardée comme un refus de renouvellement de ce contrat, ladite décision présente nécessairement le caractère d'un licenciement ;
Sur la responsabilité de la commune :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune pièce du dossier ne permet de corroborer les motifs disciplinaires qui ont inspiré la décision du maire et qui sont sérieusement contestés par Mme A ; que cette décision est par ailleurs intervenue brutalement, en violation des droits de la défense de l'intéressée à qui son dossier n'a notamment pas été communiqué, et qui n'a pas été mise à même de s'expliquer devant son employeur ; que cette décision est donc entachée d'illégalité fautive, dans des conditions justifiant que la commune soit condamnée à réparer l'intégralité des préjudices subis de ce fait par Mme A ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 15 de la loi susvisée du 26 juillet 2005, applicable aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : Lorsqu'à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut à son terme être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée ;
Considérant que cette disposition ne pose aucune condition relative à la nature ou à la légalité du contrat, ainsi qu'à la nature des fonctions exercées par l'agent concerné ; qu'il est constant qu'à la date de publication de ladite loi, et contrairement à ce que soutient la commune, Mme A était employée par celle-ci depuis plus de six ans, de manière continue, pour exercer les mêmes fonctions d'agent d'entretien, satisfaisant ainsi à un besoin permanent de cette collectivité ; que, dans ces conditions, le maire de la commune a commis une faute dès le premier renouvellement de cet engagement opéré par contrat signé le 3 octobre 2005, en établissant ce contrat pour une durée déterminée, du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2005, au lieu de le faire pour une durée indéterminée ; que cette autorité peut d'ailleurs se voir reprocher la même faute pour chaque renouvellement successif de l'engagement de l'intéressée jusqu'au 31 mars 2010, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, contrairement encore à ce que soutient la commune, que Mme A a continué à exercer, sous des appellations diverses, les mêmes fonctions d'agent d'entretien jusqu'à cette date ; que la responsabilité de la commune envers cette dernière est également engagée à ce titre ;
Sur la réparation des préjudices subis :
Considérant que si Mme A ne fournit pas de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'apprécier la réalité du préjudice lié au blocage de sa carrière et à la perte de primes liées à l'exercice de ses fonctions, sa créance sur la commune est en revanche incontestable en tant qu'elle est relative à la réparation des effets de la privation du bénéfice d'un préavis de licenciement de deux mois, prévu par les articles 39 et 40 du décret susvisé du 15 février 1998, ainsi que d'une indemnité de licenciement prévue par les articles 45 et 46 de ce même décret, et en tant qu'elle porte sur le préjudice moral que l'intéressée a subi du fait de son maintien pendant plusieurs années dans une situation précaire et du brusque congédiement dont elle a fait l'objet ; qu'il sera fait une juste appréciation de la provision qui lui est due à ce titre en fixant son montant à 7 000 euros, tous intérêts confondus à la date du présent arrêt ;
Considérant par ailleurs, que Mme A allègue, sans être sérieusement démentie par la commune, qu'elle n'a été informée que le matin du 1er avril 2010 de la cessation de ses fonctions, alors qu'elle avait commencé à travailler entre 7h et 10 h 30 du matin ; qu'il y a lieu de réparer le préjudice correspondant à la perte de rémunération qu'elle a subie au titre de cette période de travail, par l'allocation d'une provision de 25 euros, tous intérêts confondus à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'obligation non sérieusement contestable de la commune envers Mme A s'élève à 7 025 euros ; que cette dernière est donc fondée à soutenir que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa requête ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, cette ordonnance doit être annulée ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la commune de Salses le Château, qui succombe dans la présente instance, ne peut prétendre au remboursement de ses frais de procédure ;
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que cet avocat, Me Bonnet, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Salses le Château, le versement à ce dernier de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier en date du 25 juin 2010 est annulée.
Article 2 : La commune de Salses le Château est condamnée à verser la somme de 7 025 euros (sept mille vingt-cinq euros) à Mme A à titre de provision.
Article 3 : La commune de Salses le Château versera à Me Bonnet, avocat de Mme A, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Salses le Château présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Chantal A, à la commune de
Salses le Château et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 10MA026862