Vu l'arrêt n° 07MA00002 en date du 26 mars 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a :
1°) annulé le jugement n° 0300825 en date du 10 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mlle C A tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les divers préjudices liés aux troubles neurologiques dont elle est atteinte ;
2°) déclaré l'Etat responsable des préjudices subis par Mlle A à la suite de la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue ;
3°) condamné l'Etat à verser une provision de 50 000 euros à Mlle A ;
4°) ordonné une expertise aux fins notamment de déterminer les divers préjudices de Mlle A ;
Vu le rapport d'expertise et son complément déposés le 30 septembre 2009 et le 15 février 2010 ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2010, présenté par le ministre de la santé et des sports ;
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Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2011 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- et les observations de Me Tsangari, pour Mlle A ;
Considérant que, saisi par Mlle A d'un appel tendant à l'annulation du jugement en date du 10 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices liés aux troubles neurologiques dont elle est atteinte à la suite de la vaccination contre l'hépatite B qui lui a été administré, la Cour de céans a, par un arrêt en date du 26 mars 2009, en premier lieu, admis la recevabilité de la requête de Mlle A, en deuxième lieu, annulé le jugement en retenant que la responsabilité de l'Etat était engagée sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique en raison des conséquences dommageables des injections vaccinales contre l'hépatite B reçues par l'intéressée dans le cadre de son activité d'étudiante en médecine soumise à une obligation de vaccination, en troisième lieu, accordé une provision de 50 000 euros à Mlle A et, en quatrième lieu, ordonné une expertise aux fins d'évaluer les différents préjudices subis par l'intéressée ; que le rapport d'expertise et un complément à celui-ci ont été déposés le 30 septembre 2009 et le 15 février 2010 ; que l'affaire est à présent en état d'être jugée ;
Sur les préjudices subis par Mlle A :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses de santé :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var a indiqué à la Cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans le litige opposant Mlle A à l'Etat et n'a pas exposé de dépenses de santé ; que le centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, employeur de Mlle A, et la mutuelle des internes et des anciens internes des hôpitaux de Marseille, mis en cause, n'ont pas davantage fait état de débours ; que Mlle A ne fait pas non plus état de dépenses de santé qui seraient restées à sa charge ;
S'agissant des pertes de revenus actuelles :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise ainsi que des attestations délivrées par le directeur du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer et du praticien chef du service où Mlle A est employée dans cet établissement, que l'aptitude physique de celle-ci, qui exerce à présent la profession de médecin psychiatre, à assurer des gardes médicales a été diminuée du fait de la pathologie dont elle souffre ; que l'intéressée se trouve dans l'obligation de limiter à deux gardes par mois au lieu de trois ou quatre en moyenne ce type d'activité, ce qui se trouve pour elle à l'origine d'un préjudice qu'elle chiffre, sans ce que cette évaluation soit sérieusement contestée, à 500 euros par mois en moyenne sur une période allant du 1er janvier 1999 à la date de lecture du présent arrêt soit pendant 12 années et trois mois soit 147 mois ; qu'il y a lieu toutefois de tenir compte des périodes de congés annuels et de ramener à 135 mois la durée d'indemnisation ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation de ce chef de préjudice en accordant à Mlle A la somme de 67 500 euros ;
S'agissant des pertes de revenus futures :
Considérant que Mlle A est âgée de trente-neuf ans à la date du présent arrêt ; qu'elle indique qu'elle ne pourra faire valoir ses droits à la retraite avant l'âge minimum de 60 ans ; que, comme il vient d'être dit, l'intéressée se trouve dans l'obligation de limiter à deux gardes par mois au lieu de trois ou quatre en moyenne les gardes médicales qui lui assurent un complément de revenu ; que cette situation se trouve pour elle à l'origine d'un préjudice qu'elle chiffre, sans ce que cette évaluation soit sérieusement contestée, à 500 euros par mois en moyenne ; que la période d'indemnisation à retenir va d'avril 2011 à juillet 2031, mois au cours duquel Mlle A atteindra sa soixantième année, soit 243 mois ; qu'il y a lieu toutefois de tenir compte de vingt mois de congés annuels et de ramener à 223 mois la durée d'indemnisation ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation de ce chef de préjudice en accordant à Mlle A la somme de 111 500 euros ;
S'agissant de l'incidence professionnelle du dommage corporel :
Considérant que Mlle A soutient que les incidences négatives de la pathologie dont elle est victime sur son activité professionnelle justifient une indemnisation complémentaire de 30 000 euros ; qu'elle indique qu'elle peut se trouver dévalorisée sur le marché du travail ou même être obligée d'abandonner sa profession ; que, toutefois, les circonstances dont elle fait état présentent un caractère purement éventuel et ne se trouvent, à la date de la présente décision, à l'origine d'aucun préjudice indemnisable ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise et des autres informations d'ordre médical versées au dossier que le taux d'invalidité de Mlle A ne saurait être inférieur à 20 % ; qu'en l'absence de consolidation de son état de santé du fait du caractère évolutif de la pathologie dont elle est victime, il n'y a pas lieu de distinguer les préjudices liés au déficit fonctionnel temporaire et ceux liés au déficit fonctionnel permanent ; que la réparation de ce chef de préjudice, relatif à l'invalidité, sera fixée, compte tenu de l'âge de la patiente à la somme de 30 000 euros ; que Mlle A a également subi des souffrances physiques et morales, occasionnées s'agissant de ces dernières par les inquiétudes que lui inspire son état de santé et un préjudice d'agrément important chez une patiente qui pratiquait des activités sportives, lesquels justifient une indemnisation complémentaire de 20 000 euros au titre des troubles divers dans les conditions d'existence ; que la somme de 50 000 euros répare les conséquences de la pathologie dont elle a fait état jusqu'à la date de la présente décision ; qu'il appartient à la requérante, dont l'état est évolutif, de demander le cas échéant la prise en charge des conséquences qui résulteraient dans le futur de l'aggravation de la pathologie dont elle est atteinte ;
S'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement :
Considérant que, si l'état de santé de la requérante ne lui interdit pas d'avoir des enfants, il résulte de l'instruction et notamment des constatations du rapport d'expertise et des autres éléments d'ordre médical versés au dossier que Mlle A a subi en 2008 une interruption thérapeutique de grossesse, présentant un lien avec sa maladie ; qu'une réparation de 5 000 euros pourra lui être accordée à ce titre ; qu'en revanche, l'existence d'un préjudice sexuel n'est pas établie ;
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux évolutifs :
Considérant que si la sclérose en plaques dont Mlle A est victime peut être à l'origine de préjudices qualifiés de préjudices extrapatrimoniaux évolutifs au sens du référentiel indicatif d'indemnisation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, c'est-à-dire, de préjudices résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique) qui comporte le risque d'apparition, à plus ou moins brève échéance, d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital , il résulte de l'instruction et notamment des constatations du rapport d'expertise que Mlle A n'a pas présenté de poussée clinique de sa maladie depuis décembre 2006 ; qu'en outre, les souffrances morales occasionnées par les inquiétudes que son état de santé est susceptible d'inspirer à la requérante ont été indemnisées, comme il a été dit, au titre des troubles divers dans les conditions d'existence ; que, quant à ce chef de préjudice également, il appartiendra à la requérante de demander le cas échéant la prise en charge des conséquences qui résulteraient dans le futur de l'aggravation de la pathologie dont elle est atteinte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 234 000 euros ;
Sur les préjudices de M. B :
Considérant que Mlle A a vécu en union libre avec M. B depuis le mois d'août 2002 ; que la requérante et M. B ont conclu le 9 juillet 2008 un pacte civil de solidarité ; que si Mlle A demande l'indemnisation des préjudices professionnels et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. B du fait de la pathologie dont elle est victime, de telles conclusions, qui ne tendant pas à l'indemnisation d'un préjudice dont la requérante ou son partenaire n'auraient pu faire état devant les premiers juges, sont, comme le souligne le défendeur, nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 800 euros, à la charge définitive de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'Etat versera à Mlle A la somme de 234 000 euros sous déduction de la provision d'un montant de 50 000 euros déjà accordée.
Article 2 : L'Etat versera à Mlle A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 800 euros, sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la demande de Mlle A présentée devant le Tribunal administratif de Nice et des conclusions de sa requête d'appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, à la caisse chirurgicale et médicale de l'Oise, à la mutuelle des internes et des anciens internes des hôpitaux de Marseille et à la Caisse des dépôts et consignations.
Copie en sera adressée à Me Tsangari.
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N° 07MA00002