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05/04/2011 | FRANCE | N°09MA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 avril 2011, 09MA02949


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 3 août 2009 sous le n° 09MA02949, présentée par Me Bineteau, de la Selarl Horus avocats, pour M. Jean-Marc A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0601336 du 4 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de France Telecom à lui verser une indemnité de 80 000 euros, ensemble la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 3 août 2009 sous le n° 09MA02949, présentée par Me Bineteau, de la Selarl Horus avocats, pour M. Jean-Marc A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0601336 du 4 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de France Telecom à lui verser une indemnité de 80 000 euros, ensemble la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer ledit jugement attaqué en tant qu'il a retenu la responsabilité de l'Etat et de France Telecom et de le réformer en tant qu'il ne reconnaît pas son préjudice ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et France Telecom à lui verser une indemnité de 80 000 euros augmentée des intérêts au taux légal ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de France Telecom la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, notamment son article 6.1 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 72-420 du 24 mai 1972 portant statut du corps des techniciens des installations des télécommunications ;

Vu le décret n° 79-75 du 11 janvier 1979 modifiant les articles 4 et 8 du décret susvisé n° 72-420 (accès à ce grade pour les aides techniciens) ;

Vu le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier du corps des techniciens des installations de La Poste et du corps des techniciens des installations de France Télécom ;

Vu le décret n° 92-932 du 7 septembre 1992 relatif au statut particulier des corps des techniciens des installations de La Poste et de France Télécom ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2011 :

- le rapport de M. Fédou, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Me Menceur, de la Selarl Horus avocats, pour M. A ;

Considérant que M. A, fonctionnaire des postes et télécommunications depuis janvier 1981 comme ouvrier d'Etat 2ème catégorie (OET2), a été promu ouvrier d'Etat 4ème catégorie (OET4) le 5 mars 1983 et a, à ce titre, exercé comme chef d'équipe, ayant dix agents sous sa direction ; qu'il a été affecté à l'agence commerciale d'Avignon le 1er janvier 1991 et a été promu contremaître le 1er juillet 1992 ; qu'il a exercé les fonctions de technicien des installations (TINT) depuis juillet 1997, sans avoir été promu à ce grade ; qu'il a démissionné et est placé en préretraite dans le cadre du plan amiante depuis le

7 septembre 2005 ; qu'il recherche la condamnation solidaire de son employeur France Telecom et de l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière en l'absence, à compter de 1993, de toute possibilité de promotion le concernant du fait de son choix de rester dans un corps dit de reclassement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a retenu la faute simple de France Telecom pour n'avoir pas mis en place des procédures de promotion interne applicable aux agents reclassés et la faute lourde de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle ; que le tribunal a toutefois écarté les préjudices invoqués par l'appelant comme non établis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif de Marseille, après avoir énoncé que le requérant ne saurait cependant être indemnisé qu'à raison de préjudices dont il établit le caractère personnel, réel et certain, a écarté les conclusions indemnitaires présentées devant lui par M. A en relevant que les préjudices qu'il invoquait ne présentaient pas un tel caractère ; qu'en particulier, et en motivant sa réponse par des faits précis relatifs à la carrière de l'intéressé, le tribunal a rejeté le préjudice de carrière comme non certain, le préjudice professionnel comme non établi, les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral comme ne présentant pas un caractère réel ; qu'en jugeant qu'il appartenait au requérant d'établir le caractère personnel, réel et certain des préjudices allégués, le tribunal n'a pas renversé la charge de la preuve ni méconnu les stipulations de l'article 6 - 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au procès équitable ; que par suite, les premiers juges n'ont entaché leur jugement ni d'insuffisance de motivation, ni d'omission de statuer, ni même au demeurant d'une contradiction de motifs, laquelle est alléguée au titre de la régularité externe du jugement attaqué alors qu'elle constitue un moyen relatif à son bien-fondé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi./ L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;

Considérant qu'en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après :/ 1° Examen professionnel ;/ 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de France Telecom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification, ne dispensait pas le président de France Telecom, avant le

1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Telecom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Telecom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de France Telecom a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Telecom, que par l'effet du décret du 24 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Telecom ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président de France Telecom, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés, a commis une illégalité engageant la responsabilité de sa société et que l'appelant est par suite fondé à soutenir que les premiers juges ont pu, à bon droit, retenir ladite responsabilité de l'employeur pour faute simple ; que l'Etat a, de même, commis une faute simple, distincte de la faute imputable à France Telecom, en attendant le 26 novembre 2004 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de cette société ; qu'il s'ensuit que le ministre intimé n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral :

Considérant que l'appelant est fondé à soutenir qu'il a droit à une indemnité au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, même dans le cas particulier où l'intéressé n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en lui allouant la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, tous intérêts confondus ;

S'agissant du préjudice financier :

Considérant que l'appelant, contremaître, soutient qu'il aurait pu être promu, dans le corps des techniciens des installations, au grade de technicien (TINT) ;

Considérant que contrairement à ce soutient l'appelant, la charge de prouver le caractère réel, direct et certain de son préjudice de carrière lui incombe ; que s'il allègue qu'il n'est pas en mesure de produire les preuves nécessaires à établir ledit préjudice compte tenu du refus de son employeur de lui communiquer des éléments relatifs à la qualité de son travail à compter de 1993, notamment feuilles de notation ou fiches d'évaluation ou compte-rendu d'entretien, il lui appartient, dans cette dialectique de la charge de la preuve, de démontrer la réalité du refus opposé ou des difficultés auxquelles il s'est heurté lors de la demande de communication de tels documents administratifs ;

Considérant d'une part, qu'il résulte des dispositions des décrets statutaires susvisés relatifs au corps des techniciens des installations que, pour accéder au grade de technicien par promotion interne, un contremaître peut, soit passer un concours interne à la condition d'être âgé de plus de 40 ans, de justifier de 4 années de travail dans le service public et de bénéficier d'une note chiffrée n'entraînant pas de retard dans l'avancement, soit passer un examen professionnel à la condition d'être âgé de plus de 40 ans, de justifier de 10 ans de services effectifs et de bénéficier d'une note chiffrée n'entraînant pas de retard dans l'avancement, soit être inscrit sur liste d'aptitude par avancement au choix, à la condition d'être alors âgé de plus de 50 ans ;

Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé, contremaître de grade OET4 (niveau I), exerçait en fait des fonctions de technicien (niveau II), ainsi qu'indiqué notamment sur un titre d'habilitation daté de 2004, et ce nonobstant la circonstance que la seule mention de OET4 soit inscrite sur ses fiches de paie ; qu'il remplissait à compter de 1998 les conditions pour être promu au grade de technicien ; que de surcroît ses notations, effectuées au regard de ses fonctions de technicien et non au regard du grade officiellement détenu, sont jugées satisfaisantes à ce poste ; que toutefois il convient d'évaluer le préjudice du requérant en tenant compte du fait que l'administration n'est responsable que d'une perte de chance d'avancement au corps hiérarchiquement supérieur cité par l'intéressé ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 13 000 euros, tous intérêts confondus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la réparation de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral ainsi qu'à la réparation de son préjudice financier ; qu'il y a lieu pour la Cour de réformer le jugement attaqué en tant qu'il rejette ces conclusions indemnitaires et, par l'effet dévolutif de l'appel, de condamner solidairement France Telecom et l'Etat à lui verser une indemnité totale de 15 000 euros, tous intérêts confondus ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de France Telecom et de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. A ;

D E C I D E :

Article 1er : France Telecom et l'Etat (ministère de l'économie, des finances et de l'industrie) sont condamnés solidairement à verser à M. A la somme de 15 000 euros

(quinze mille euros), tous intérêts confondus, en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral.

Article 2 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. A est rejeté.

Article 3 : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : France Telecom et l'Etat (ministère de l'économie, des finances et de l'industrie) verseront solidairement à M. A la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marc A, à France Telecom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 09MA029492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02949
Date de la décision : 05/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Guy FEDOU
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-04-05;09ma02949 ?
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