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14/03/2011 | FRANCE | N°09MA01768

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 14 mars 2011, 09MA01768


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 20 mai 2009 et 1er juillet 2009 sous le n° 09MA1768, présentés pour la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE, dont le siège est au 143 route des Trois Lucs à Marseille (13012), par Me Carrega ;

La POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705897 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section des Bouches-du-Rhône en date du 13 avril 2

007 autorisant le licenciement de Mme Chantal A, déléguée syndicale ;

2°) ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 20 mai 2009 et 1er juillet 2009 sous le n° 09MA1768, présentés pour la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE, dont le siège est au 143 route des Trois Lucs à Marseille (13012), par Me Carrega ;

La POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705897 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section des Bouches-du-Rhône en date du 13 avril 2007 autorisant le licenciement de Mme Chantal A, déléguée syndicale ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Chantal A devant le Tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de cette décision ;

Elle soutient :

- que la demande de Mme A devant le tribunal administratif était tardive ;

- que le motif économique est réel ; qu'il n'est pas consécutif à des difficultés conjoncturelles mais généré par une réorganisation nécessitée par l'évolution des soins la pathologie des patients concernés et le vieillissement de la population qu'il convenait d'anticiper pour maintenir la compétitivité de la clinique ;

- que la restructuration aux fins de maintenir la rentabilité d'une entreprise est un licenciement pour motif économique ; qu'elle dépend d'un secteur conventionné et doit en respecter les règles pour garantir sa rentabilité, dans le cadre du nouveau schéma régional d'organisation des soins qui prévoyait une réduction importante de la durée moyenne des séjours (SSR) qu'une nouvelle organisation était nécessaire ; que le service de soins de suite et de réadaptation et celui de long séjour ne permettant pas une organisation optimale du service, le nombre de lits étant insuffisant, l'établissement a acquis 14 lits de SSR en décembre 2000 et a déposé des dossiers de transfert des lits de long séjour et d'installation des lits de SSR auprès des autorités de tutelle (agence régionale hospitalière) ;

- que dans l'attente de cette autorisation la direction a tenu informé le comité d'entreprise et le personnel concerné que le transfert des lits de long séjour et la mise en place des lits de SSR allaient entraîner la suppression définitive des postes d'aides soignantes qualifiées de nuit puisque le service de SSR nécessite obligatoirement un personnel infirmier diplômé d'Etat ;

- qu'elle a ainsi respecté ses obligations procédurales tant au titre de l'information préalable du comité d'entreprise dans le cadre de toute modification de l'organisation et de la structure de l'entreprise de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs mais aussi au titre de l'article L. 321-2 du code du travail ;

- que Mme A a refusé le transfert de son contrat de travail sur Nans les Pins puis n'a pas répondu à la proposition de reclassement d'un poste d'aide soignante qualifiée de jour et à temps plein sur le site de LA PHOCEANNE ; qu'ainsi la clinique a proposé la modification du contrat de travail résultant du transfert du poste sur un autre site puis a respecté ses obligations de reclassement en proposant un poste de jour à plein temps sur le même site ;

- que l'inspectrice du travail a motivé sa décision ;

- que Mme A a été destinataire de l'ensemble des documents sur lesquels s'est fondée l'inspectrice du travail ;

- qu'il n'existe aucun lien entre le mandat de délégué du personnel de Mme A et son licenciement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2009, présenté pour Mme Chantal A qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- que sa demande était recevable car la décision attaquée ne mentionnait pas la possibilité d'un recours contentieux ;

- qu'il n'est pas démontré que la procédure des articles R. 436-3 et 4 du code du travail a été respectée ; que rien n'indique que la demande d'autorisation du licenciement ait été accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise ;

- qu'elle n'a jamais été mise à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande afin de respecter le caractère contradictoire de l'enquête ;

- que la décision de l'inspection du travail n'est pas suffisamment motivée car elle n'indique pas la cause du licenciement ; que les motifs de la décision attaquée ne permettent pas de déterminer la cause réelle du licenciement ; que le motif économique n'est pas invoqué ; que l'inspecteur du travail ne s'est donc aucunement fondé sur la réalité du motif économique ;

- que ce licenciement n'est pas prononcé pour faute car n'est pas constitutif d'une faute le refus d'un salarié protégé d'accepter une modification considérée comme substantielle ; qu'en l'espèce il y avait modification géographique du lieu de travail de 45 kilomètres ;

- qu'aucune référence à la situation économique et financière de la clinique n'est faite dans la décision attaquée ;

- qu'il n'est pas démontré que le motif du licenciement soit le même que celui invoqué dans la demande d'autorisation ni que celui invoqué lors de l'entretien préalable ou lors de la consultation du comité d'entreprise ;

- qu'en autorisant le licenciement sans avoir recherché si le motif économique qui le fondait était réel et justifié l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit ; qu'il revient à l'inspecteur du travail de contrôler la réalité du motif économique et de la suppression de poste, les efforts de reclassement de l'employeur et la discrimination éventuelle dont serait victime le salarié protégé ; qu'il est nécessaire d'obtenir de l'employeur des éléments précis sur la situation économique et financière de l'établissement concerné et de l'entreprise afin de pouvoir apprécier la réalité du motif économique ; que si le motif économique peut procéder d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise, l'employeur doit faire clairement état des éléments de nature à justifier des menaces pesant sur la compétitivité à venir de l'entreprise et à fonder la demande d'autorisation ; qu'en l'espèce l'inspecteur du travail ne pouvait retenir que le motif économique était réel en l'absence de tout document ou explications circonstanciées ;

- que la décision est entachée d'erreur d'appréciation car le motif économique n'est pas fondé ;

- que la réorganisation a été décidée librement et la polyclinique ne peut se prévaloir de l'autorisation accordée par l'agence régionale hospitalière pour alléguer qu'elle était contrainte d'opérer ce transfert de lits ; qu'il faut distinguer la nécessité de la compétitivité de l'entreprise qui constitue une cause sérieuse de licenciement économique avec la simple amélioration de la rentabilité de l'entreprise ; qu'il n'est pas démontré que la diminution de la rentabilité du service long séjour plaçait la polyclinique en difficulté financière ou avait pour conséquence une baisse régulière de son chiffre d'affaire ;

- que l'autorisation se fonde sur des faits matériellement inexacts entraînant une erreur manifeste d'appréciation de l'inspecteur du travail ; qu'en effet il est indiqué qu'elle n'a pas souhaité donner suite à la proposition de reclassement sur un poste d'aide soignante de jour, or elle a reçu cette proposition de reclassement et la lettre l'informant de l'engagement de la procédure de licenciement le même jour et l'employeur ne lui a manifestement pas laissé le temps d'accepter ou de refuser la proposition de reclassement ; qu'ainsi c'est à tort que l'inspecteur du travail s'est fondé sur un refus de poste ;

- que dans l'hypothèse d'un licenciement pour motif économique l'employeur a manqué à son obligation de reclassement ;

- qu'en l'espèce le licenciement est fondé sur son appartenance syndicale ; qu'en effet les deux licenciements prononcés au sein de la polyclinique ont été prononcés à l'encontre de deux salariées protégées appartenant à la même organisation syndicale alors même que la direction de l'établissement, a à plusieurs reprises manifesté verbalement sa volonté de supprimer toute représentation de ce syndicat dans ledit établissement ; que le seul constat de l'absence totale de représentation du personnel depuis avril 2007 démontre la réalité de cette discrimination ;

Vu les mémoires, enregistrés les 15 octobre 2009 et 19 février 2010, présentés pour la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre :

- que Mme A a prétendu dans un premier temps que la décision administrative du 13 avril 2007 ne lui aurait pas été notifiée dans les formes légales c'est-à-dire par lettre recommandée avec accusé de réception ; que devant la communication de la copie de l'AR qu'elle a signé elle soutient désormais que ladite décision n'aurait pas fait mention des voies et délais de recours contentieux, or cette mention est faite ; qu'elle a bien reçu communication de la décision en son entier ainsi qu'elle l'a elle-même produite dans le cadre de la procédure prud'homale qu'elle a engagée ; que si elle prétend avoir exercé un recours hiérarchique le 18 mai 2007 qui aurait été envoyé en recommandé avec accusé de réception n'apporte aucune justification de cet envoi ; que sa demande devant le tribunal administratif était donc tardive ;

- que la décision de l'inspection du travail était particulièrement motivée ;

- qu'elle a respecté ses obligations de reclassement ; que Mme A n'ayant pas répondu à la proposition de poste de jour sur le même site, la demande d'autorisation a été présentée à l'inspection du travail ;

- que l'ensemble des éléments fondant décision de l'inspection du travail ont été communiqués à Mme A qui possédait tous les éléments et avait participé aux délibérations du comité d'entreprise ;

- qu'il n'existe aucun lien entre la réorganisation de l'activité de la polyclinique et le mandat syndical de l'intéressée ; que d'ailleurs la décision de restructuration est plus ancienne que ledit mandat ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2010, présenté pour Mme A qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Elle fait en outre valoir :

- qu'elle justifie avoir exercé un recours hiérarchique ;

- que le délai de réflexion pour que le salarié se prononce sur les propositions de reclassement qui lui sont faites dans le cadre d'un licenciement pour motif économique constitue une garantie de fond dont le non respect par l'employeur emporte méconnaissance de son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce il n'y a pas eu de délai de réflexion puisque la proposition de reclassement et la convocation à l'entretien préalable lui ont été notifiées le même jour ;

- que la POLYCLINIQUE n'a en outre pas démontré avoir envisagé tous les postes auxquels Mme A pouvait prétendre et a manifestement manqué à son obligation de reclassement ;

- que tout lien avec le mandat emporte le rejet de la demande d'autorisation de licencier ; qu'en l'espèce l'inspecteur du travail s'est borné à estimer qu'il y avait absence de lien sans le démontrer ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2011 présenté pour la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre :

- que la réorganisation est un motif économique à part entière ;

- qu'en l'espèce la sauvegarde de sa compétitivité était recherchée ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2011 :

- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Carrega, avocat, pour la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE et de Me Desorgues, avocat, pour Mme A ;

Considérant que par décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section des Bouches-du-Rhône en date du 13 avril 2007 la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE a été autorisée à procéder au licenciement de Mme Chantal A, déléguée syndicale ; que la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE interjette appel du jugement du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé cette autorisation ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'accusé de réception produit pour la première fois en appel que la décision administrative du 13 avril 2007 a été notifiée à Mme A par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 avril 2007 ; que cette décision comporte la mention des voies et délais de recours tant administratif que contentieux ; que si Mme A, qui n'établit pas ses allégations selon lesquelles ladite notification aurait été incomplète, produit la copie d'un recours hiérarchique en date du 18 mai 2007, elle n'apporte pas la preuve de l'envoi de ce recours, et ce malgré la mesure d'instruction faite en ce sens par les premiers juges ; que par suite, sa demande enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Marseille le 21 septembre 2007 était tardive ; qu'il résulte de ce qui précède que la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a considéré la demande de Mme A comme recevable et annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section des Bouches-du-Rhône en date du 13 avril 2007 autorisant le licenciement de Mme Chantal A, déléguée syndicale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme A la somme qu'elle demande au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Chantal A devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme Chantal A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la POLYCLINIQUE LA PHOCEANNE, à Mme Chantal A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA01768
Date de la décision : 14/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais - Existence ou absence d'une forclusion.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CARREGA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-03-14;09ma01768 ?
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