Vu, I, sous le n° 08MA03027, la requête enregistrée le 24 juin 2008, présentée pour Mme Gabrielle A, demeurant au ..., M. Eric A, demeurant au ..., Mme Isabelle A, demeurant ..., M. Dimitri A, demeurant à ..., Mlle Eva A, demeurant à ..., M. Dominique A, demeurant au ..., Mlle Cynthia A, demeurant au ..., Mme Sabine C, demeurant au ..., M. Vincent C, demeurant au ..., M. Florian C, demeurant au ..., Mlle Charlène C, demeurant au ..., par Me Alardet, avocat ;
Mme A et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502773 du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que l'établissement français du sang (E.F.S.), à titre principal, soit déclaré responsable de la contamination de M. Marcel D par le virus de l'hépatite C, à la suite de transfusions de produits sanguins subies le 14 juin 1986 et provenant du centre régional de transfusion sanguine de Montpellier, à ce que le centre hospitalier universitaire de Montpellier, à titre subsidiaire, soit déclaré responsable de la contamination de M. Marcel D, et à ce que l'établissement français du sang (E.F.S.) soit condamné à leur verser la somme de 270 000 euros en réparation du préjudice subi par M. Marcel D et la somme de 441 667,12 euros en réparation des préjudices subis par les ayants-droit ;
2°) de déclarer responsable des préjudices subis du fait la contamination de M. Marcel D par le virus de l'hépatite C l'établissement français du sang (E.F.S.), à titre principal, et le centre hospitalier universitaire de Montpellier, à titre subsidiaire ;
3°) en tout état de cause, de condamner le succombant à indemniser la famille A de la façon suivante : la réparation de l'ITT et de l'ITP de feu M. D tel qu'exposé dans le mémoire d'appel ; la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de feu M. D à hauteur de 370 000 euros ; la réparation des préjudices personnels aux ayants-droit à hauteur de 476 667,12 euros ;
4°) de mettre à la charge du (ou des) succombant(s) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance ;
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Vu, II, sous le n° 08MA03119, la requête enregistrée le 24 juin 2008, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) représenté par son directeur d'établissement régional, venant aux droits et obligations du CRTS de Montpellier, par la SCP d'avocats Champetier de Ribes-Spitzer ;
L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502773 du 10 avril 2008 en ce que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 219,59 euros ;
2°) de dire et juger que cette somme devra rester à la charge de la partie perdante et de confirmer l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montpellier en date du 11 février 2005 ayant mis à la charge des consorts D les frais et honoraires d'expertise ;
3°) de condamner les consorts D à lui verser la somme de 3 500 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 52-854 du 21 janvier 1952 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
Vu les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2011 :
- le rapport de M. Fédou, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Collet de la Selarl Plantavin et Reina, pour le centre hospitalier universitaire de Montpellier ;
Considérant que les requêtes n° 08MA03027 présentée par les consorts A et n° 08MA03119 présentée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la mise en cause de l'ONIAM :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1221-14 ajouté au code de la santé publique par l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxièmes et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. ; qu'aux termes du IV de l'article 67 de ladite loi : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions
ci-après ;
Considérant que les dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 et leurs décrets d'application du 11 mars 2010 confient, à compter du 1er juin 2010, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au lieu et place de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (EFS), l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'ONIAM est dès lors substitué à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG concernant les demandes de Mme A et autres initialement dirigées à l'encontre de ce dernier établissement public ;
Considérant à l'inverse que les recours subrogatoires des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés par l'articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne peuvent être exercés à l'encontre de l'ONIAM lorsque celui-ci a pris en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ; qu'il y a lieu en conséquence de maintenir en cause d'appel l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG pour statuer ce que de droit sur le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron ;
Sur les conclusions présentées à titre principal par Mme A et autres :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction, que le doute profite au demandeur ; que la présomption légale instituée par cette disposition s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée, mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de son hospitalisation au centre hospitalier de Millau le 14 juin 1986, M. D a reçu 40 ml de complexe prothrombinique (PPSB) et six concentrés globulaires, alors que la matérialité de la réception d'un septième concentré, portant le n° 56939, n'a pas été établie ; que l'enquête post-transfusionnelle a permis de conclure à la séronégativité des six donneurs des concentrés globulaires et, eu égard à la méthode de chauffage des produits, au faible risque contaminant du complexe prothrombinique ; que le rapport d'expertise fait état de ce que le risque de contamination par voie transfusionnelle, eu égard à l'existence d'autres facteurs de risques substantiels, est hautement improbable ; qu'en outre, il n'est pas contesté que M. D, qui était traité depuis l'âge de 18 ans pour une néphrose lipoïdique, diagnostiquée lors d'une hospitalisation au centre régional de Montpellier en 1968, a subi sept interventions entre 1982 et juin 1986, ainsi que le rappelle le jugement attaqué ; qu'eu égard à ces différents séjours hospitaliers, interventions ou soins invasifs subis par M. D, les requérants n'apportent pas suffisamment d'éléments permettant de présumer l'imputabilité de la contamination de M. D par le virus de l'hépatite C aux transfusions qu'il a reçues ;
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par les requérants à l'encontre du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu d'écarter le moyen invoqué par les requérants, tiré d'une contamination par voie nosocomiale en 1982 lors d'une fibroscopie gastrique ou à l'occasion d'autres actes médicaux et chirurgicaux subis par M. D lors de ses hospitalisations, par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Considérant d'autre part que si, à la date de l'hospitalisation de M. D en 1986 au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, aucun test de dépistage ne permettait de déceler le virus de l'hépatite C, les consorts A, qui se fondent sur le rapport d'expertise, soutiennent qu'en s'abstenant de prescrire un test de dépistage de l'hépatite C en mars 1990, date à laquelle ledit test était disponible, le centre hospitalier régional précité a commis une faute dans la mesure où les résultats de cet examen auraient permis de déceler le virus de l'hépatite C dont M. D était porteur et de proposer un traitement adapté ; que, dans le dernier état du rapport, l'expert a toutefois relevé que si l'hépatite C aurait pu être diagnostiquée dès 1992, M. D n'aurait pu bénéficier d'un traitement par bithérapie dès lors que la cirrhose non décompensée était, à cette date, considérée comme une contre-indication audit traitement ; que, dans ces conditions, l'absence de dépistage à cette date, n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ; qu'en outre, M. D ne présentait alors aucun signe clinique pouvant évoquer une suspicion d'hépatite C, laquelle ne s'est traduite par une ascite qu'en 1997 ; qu'ainsi, Mme A et autres ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier serait engagée sur le terrain de la faute pour diagnostic tardif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de remboursement des débours exposés au profit de M. D par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron ne peuvent également qu'être rejetées ;
Sur l'appel de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) concernant les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ;
Considérant qu'il est constant que Mme A et autres ont été partie perdante dans le cadre du litige porté devant le tribunal administratif de Montpellier ; qu'aucune circonstance particulière de l'affaire ne justifie que les frais d'expertise aient été mis à la charge d'une autre partie ; qu'il en résulte que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a mis à sa charge les frais d'expertise ;
Considérant que les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 1 219,52 euros TTC, doivent être mis à la charge de Mme A et autres ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant d'une part qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par Mme A et autres doivent être rejetées ;
Considérant d'autre part que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A et autres les sommes demandées par le centre hospitalier universitaire de Montpellier et par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 08MA03027 de Mme A et autres et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 10 avril 2008 est réformé en tant que, par son article 3, il a mis les frais d'expertise à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.).
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 219,52 euros (mille deux cent dix-neuf euros et cinquante-deux centimes), sont mis à la charge des consorts A.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Montpellier et de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (E.F.S.) tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Gabrielle A, à M. Eric A, à Mme Isabelle A, à M. Dimitri A, à Mlle Eva A, à M. Dominique A, à Mlle Cynthia A, à Mme Sabine C, à M. Vincent C, à M. Florian C, à Mlle Charlène C, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (l'E.F.S.), à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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N° 08MA03027-08MA031192