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07/03/2011 | FRANCE | N°08MA01183

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 07 mars 2011, 08MA01183


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA01183, présentée pour la SOCIETE SAUR, dont le siège est au 1 avenue E. Freyssinet à Guyancourt (78280), par la SCP Deprez Dian Guignot ;

la SOCIETE SAUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405145 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Lattes soit condamnée à lui payer la somme de 130 828,09 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande

préalable en application du contrat d'affermage du service public d'assainisse...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA01183, présentée pour la SOCIETE SAUR, dont le siège est au 1 avenue E. Freyssinet à Guyancourt (78280), par la SCP Deprez Dian Guignot ;

la SOCIETE SAUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405145 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Lattes soit condamnée à lui payer la somme de 130 828,09 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable en application du contrat d'affermage du service public d'assainissement conclu entre la société CISE, devenue la SOCIETE SAUR, et la commune de Lattes, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération de Montpellier ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération de Montpellier venant aux droits de la commune de Lattes à lui payer la somme de 130 828,09 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Montpellier la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des communes ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2011 :

- le rapport de Mme E. Felmy,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Datavera, avocat, représentant la communauté d'agglomération de Montpellier et la commune de Lattes ;

Considérant que par contrat approuvé par le préfet de l'Hérault le 7 décembre 1972, la commune de Lattes a confié à la société SOCEA l'affermage de son service public d'assainissement ; que par un avenant n° 4 du 12 avril 1990, la commune de Lattes a confié ce même service à la société CISE pour une durée de 10 ans, afin de remplacer le contrat approuvé le 7 décembre 1972 et ses trois avenants successifs et de fixer de nouvelles modalités de prise en charge par le fermier de nouveaux postes de relèvement ; qu'un avenant n° 5 conclu le 5 novembre 1992 entre cette dernière et la commune de Lattes a notamment prévu que la société contractante s'engageait à réaliser un investissement de 1 100 000 F HT pour étendre le réseau d'assainissement sur le quartier de Maurin ; qu'en application de l'article 4 de l'avenant n° 5, il était convenu que la durée de l'engagement financier du fermier était de 17 ans et que si au terme de la période contractuelle, fixée au plus tard au 31 juin 2000, la collectivité publique décidait de ne pas poursuivre le contrat d'affermage, elle verserait au fermier, dans les six mois qui suivent la résiliation , la somme de 858 176 francs au titre des charges d'investissement non amorties ; qu'à la date de son échéance fixée au 31 décembre 1999, la commune de Lattes a décidé de ne pas poursuivre ce contrat ; que la société requérante a alors demandé le versement de la somme de 130 828,09 euros à la commune en application de l'article 4 précité ; qu'elle interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Lattes soit condamnée à lui payer la somme de 130 828,09 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable ;

Sur l'application du contrat, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour rejeter la demande de paiement de la somme précitée de la SOCIETE SAUR, les premiers juges ont estimé que, dès lors que les personnes de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, il appartient au juge du contrat de contrôler s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre l'indemnité fixée en cas de résiliation ou de non renouvellement d'un contrat et l'indemnisation du préjudice résultant pour le cocontractant des dépenses qu'il a réalisées, et qu'en l'espèce l'indemnité ainsi déterminée, qui avait pour objet de compenser les dépenses non amorties à l'échéance du terme fixé par l'avenant n° 5, apparaissait comme manifestement disproportionnée, celle-ci représentant près de 80 % de l'investissement à réaliser et le terme considéré se situant à plus de la moitié de la période de possible reconduction dudit avenant ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'interdit à l'administration de conclure un contrat comportant des stipulations prévoyant, à l'échéance de ce contrat, le versement au cocontractant d'une indemnité pouvant excéder le montant du préjudice résultant pour le cocontractant des dépenses qu'il a réalisées et qui ne sont pas encore amorties ; qu'en présence de telles stipulations contractuelles, il appartient au juge du contrat, dès lors que les personnes de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, de contrôler s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et l'indemnisation du préjudice résultant pour le cocontractant des dépenses qu'il a réalisées ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'indemnité ainsi déterminée, bien qu'elle représente près de 80 % de l'investissement à réaliser à l'échéance du terme fixé par l'avenant n° 5, et qui a pour objet de compenser les dépenses non amorties, serait manifestement disproportionnée par rapport au préjudice subi ; que, dès lors, la SOCIETE SAUR est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a, pour ce motif, rejeté sa demande ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif ;

Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dont les dispositions sont désormais codifiées au deuxième alinéa de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : (...) Les délégations de service public des personnes morales de droit public (...) sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat ; qu'à supposer, comme le soutient la communauté d'agglomération de Montpellier, que les avenants n°4 et 5, conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions, aient présenté le caractère de nouveaux contrats conclus entre la société requérante et la commune de Lattes dont la passation aurait selon elle dû être précédée d'une procédure de publicité et de mise en concurrence conformément aux règles de la commande publique, ce seul vice ne saurait être regardé, en tout état de cause, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel, alors d'ailleurs que la commune de Lattes ne s'est jamais opposée à l'exécution de ce contrat pendant dix ans ; que, d'autre part, aux termes du I de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dont les dispositions ont été rendues applicables aux établissements publics communaux et intercommunaux par les dispositions de l'article 16 de la même loi et sont désormais codifiées à l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales : Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès lors qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ; que la transmission simultanée à la préfecture des avenants n°4 et n°5 et des délibérations ayant autorisé leur signature constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que, toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles rappelée précédemment, ce seul vice ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel ; que, dès lors, la communauté d'agglomération ne peut soutenir que les contrats conclus devraient être déclarés nuls pour le seul motif précité ni que l'avenant n°5 serait également entaché de nullité en l'absence de signature par le maire de Lattes ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ; que l'Etat ne peut, sans méconnaître ces stipulations, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant, au cours d'un procès, des mesures législatives à portée rétroactive qui ont pour effet de faire obstacle à ce que la décision faisant l'objet de ce procès puisse être utilement contestée, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général ;

Considérant que le présent litige est relatif à une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens des stipulations précitées ;

Considérant qu'aux termes du VII de l'article 101 de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats conclus par les communes ou leurs groupements avant le 10 juin 1996 pour la gestion de leurs services publics locaux d'eau et d'assainissement, dans la mesure où ils seraient contestés pour un motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de leur signature, de la délibération autorisant cette signature, et sous réserve de la transmission effective de ladite délibération au représentant de l'Etat dans le département au titre de l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales ; que ces dispositions, intervenues au cours de l'instance introduite devant le tribunal administratif et ayant une portée rétroactive qui s'oppose à ce que la légalité du contrat d'affermage du service public d'assainissement conclu entre la société CISE aux droits de laquelle vient la SOCIETE SAUR, et la commune de Lattes, soit contestée par la communauté d'agglomération venant aux droits de cette dernière au motif de l'absence de caractère exécutoire, à la date de sa signature, de la délibération autorisant cette signature, portent au droit de la communauté d'agglomération à un procès équitable une atteinte qui ne pourrait être justifiée que par d'impérieux motifs d'intérêt général ; que le motif d'intérêt général invoqué en l'espèce, et tenant à la nécessité, en supprimant le vice d'incompétence affectant les contrats couverts par la validation, d'assurer la continuité du service public, ne peut être retenu, dès lors qu'à la date à laquelle est intervenue la loi, la collectivité publique avait fait usage de la possibilité que lui reconnaissait le contrat de dénoncer celui-ci au 31 décembre 1999 ; qu'ainsi, l'intervention des dispositions de validation n'est pas justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions précitées de cette loi ;

Considérant, en troisième lieu, que l'avenant n°4 au contrat de délégation du service public d'assainissement précité fixe sa durée à dix années courant à compter du 1er janvier 1990, et permet une tacite reconduction de deux périodes de cinq années sauf dénonciation par la collectivité au moins six mois avant l'expiration de la période contractuelle ; qu'il ressort de l'article 4 de l'avenant n°5 que les engagements financiers qu'il définit sont pris en charge par le délégataire pour une durée de 17 ans, sur la base de laquelle est établie l'équation financière du contrat ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que dans le cas où la collectivité ferait usage de la faculté qui lui est contractuellement reconnue de mettre un terme à l'exécution de ce contrat à l'issue de la première période contractuelle de dix ans fixée au plus tard au 31 juin 2000, cette dernière s'engageait à verser au fermier, dans les six mois qui suivent la résiliation , la somme de 858 176 francs, soit 130 828,09 euros, au titre des charges d'investissement non amorties ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SAUR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ce jugement doit donc être annulé ; que la communauté d'Agglomération de Montpellier venant aux droits de la commune de Lattes, cette première étant seule mise en cause dans la présente instance, doit être condamnée à verser à la SOCIETE SAUR la somme de 130 828,09 euros en application de ces stipulations ; que si la SOCIETE SAUR demande que cette somme soit augmentée d'intérêts à compter de la réception de sa demande préalable en paiement du 19 janvier 2000, il résulte des stipulations du contrat que ces intérêts doivent être appliqués, au taux légal, à compter du premier jour du sixième mois qui suit la résiliation, intervenue le 31 décembre 1999, soit à compter du 1er juin 2000 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE SAUR qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de Montpellier ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Montpellier, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la SOCIETE SAUR de la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 27 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : La Communauté d'agglomération de Montpellier versera à la SOCIETE SAUR la somme de 130 828,09 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2000.

Article 3 : La Communauté d'agglomération de Montpellier versera à la SOCIETE SAUR la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la Communauté d'agglomération de Montpellier tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE SAUR devant le Tribunal administratif de Montpellier est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SAUR, à la Communauté d'agglomération de Montpellier, à la commune de Lattes et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 08MA01183

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01183
Date de la décision : 07/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP DEPREZ DIAN GUIGNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-03-07;08ma01183 ?
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