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07/03/2011 | FRANCE | N°08MA00677

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 07 mars 2011, 08MA00677


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA00677, présentée pour la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, dont le siège est situé ZI de Bonnecombe BP 527 à Mazamet (81206), représentée par son directeur général en exercice, par la SCP Coste - Berger - Pons - Daudé ;

La SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301412 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée solidairement, avec la SARL Rosique, à

verser à la région Languedoc-Roussillon les sommes de 656 697 euros TTC et de 4...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA00677, présentée pour la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, dont le siège est situé ZI de Bonnecombe BP 527 à Mazamet (81206), représentée par son directeur général en exercice, par la SCP Coste - Berger - Pons - Daudé ;

La SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301412 du 27 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée solidairement, avec la SARL Rosique, à verser à la région Languedoc-Roussillon les sommes de 656 697 euros TTC et de 4 880,98 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007 et a condamné la SARL Rosique à la garantir à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner conjointement et solidairement la SARL Rosique, M. François A, M. Olivier B et la société OTH Méditerranée à la garantir intégralement de toute condamnation éventuelle ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, avocat, représentant la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES et de Me Datavera, avocat, représentant la région Languedoc-Roussillon ;

Considérant que, par convention en date du 16 février 1990, la région Languedoc-Roussillon a délégué à la société d'économie mixte Cofinindev la maîtrise d'ouvrage concernant l'opération de construction de deux bâtiments appelés Agropolis International et Agropolis Museum situés à Montpellier ; que par un marché passé le 16 avril 1991, la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire comprenant MM. C et B, architectes, et le bureau d'études OTH ; que pour la première phase de travaux de construction du bâtiment Agropolis Museum , un seul marché de travaux a été passé le 18 novembre 1991 avec les entreprises réunies dans un groupement conjoint ; que le lot charpente couverture a été attribué à la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES qui a pris pour sous-traitant la société Polytec Service pour la pose de la toiture ; que pour la seconde phase de travaux, la société Rosique a été attributaire le 21 novembre 1995 d'un marché portant également sur la charpente couverture ; que les travaux en cause ont été réceptionnés pour les deux phases de l'opération respectivement le 28 décembre 1992 et le 1er août 1996 ; que des désordres tenant à des infiltrations évolutives et récurrentes par la toiture, à des fissurations sur les murs extérieurs et à des entrées d'eau par la porte d'accès principale ont été constatés, notamment lors d'une expertise privée conduite par la compagnie GAN, assureur de la région ; que par une ordonnance en date du 25 octobre 2001, le Tribunal de grande instance de Montpellier a diligenté, à la demande de la région Languedoc-Roussillon, une expertise dont le rapport a été remis le 21 juin 2007 ; que par un mémoire en date du 25 mars 2003, la région Languedoc-Roussillon a saisi le Tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation des divers constructeurs, au titre de la garantie décennale puis sur le fondement de la responsabilité pour faute quasi-délictuelle, à l'indemniser du coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux seuls désordres concernant les infiltrations par la toiture tels que déterminés par l'expertise alors en cours ; que le Tribunal administratif de Montpellier, dans un jugement du 27 décembre 2007, a admis la responsabilité pour faute quasi-délictuelle des constructeurs, a condamné solidairement la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES et la SARL Rosique, à verser à la région Languedoc-Roussillon les sommes de 656 697 euros TTC et de 4 880,98 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007 et a condamné la SARL Rosique à garantir la société appelante à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elle ; que la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant d'une part, que dans son mémoire enregistré le 30 octobre 2007, la région Languedoc-Roussillon a valablement chiffré ses prétentions indemnitaires ; qu'aucun principe général de la procédure administrative n'interdit au juge administratif, du premier ressort ou d'appel, d'accueillir des conclusions en condamnation d'une personne publique qui ne seraient pas chiffrées, dès lors qu'est sollicitée à titre principal de la juridiction saisie une expertise à l'effet de déterminer le préjudice dont la réparation est recherchée par le requérant ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES tirée du chiffrage tardif du préjudice allégué doit être rejetée ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales : Le conseil régional peut déléguer une partie de ses attributions à sa commission permanente, à l'exception de celles relatives au vote du budget, à l'approbation du compte administratif et aux mesures de même nature que celles visées à l'article L.1612-15 [...] , qui sont relatives aux dépenses obligatoires ; qu'aux termes de l'article L. 4231-7 du même code : Le président du conseil régional intente les actions au nom de la région en vertu de la décision du conseil régional et il peut, sur l'avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée contre la région ;

Considérant que dans sa séance du 21 septembre 2004, la commission permanente du conseil régional a autorisé le président à défendre les intérêts de la région Languedoc-Roussillon dans le cadre du contentieux relatif aux désordres entrant dans le champ de l'assurance dommage-ouvrage de la région pour les désordres constatés sur le bâtiment d'Agropolis Museum à Montpellier ; que contrairement à ce que soutient la société appelante, la région Languedoc- Roussillon a produit cette habilitation devant le Tribunal administratif le 25 octobre 2004 ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation régulière du président du conseil régional doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

Considérant que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ; qu'ils peuvent également invoquer, dans les mêmes conditions, des moyens relatifs à leur responsabilité quasi-délictuelle, de sorte qu'un maître d'ouvrage, alors même qu'il pourrait émettre un titre exécutoire, est recevable, après constatation par le juge de la nullité du marché le liant à un concepteur ou un constructeur, à demander, sur ce nouveau fondement, la réparation des préjudices qui ont pu lui être causés dans l'exécution des prestations et travaux concernés et invoquer, à cet effet, les fautes qu'aurait commises ce concepteur ou ce constructeur, en livrant, en dehors de toute obligation contractuelle régulière, un ouvrage non conforme à sa destination pour avoir été construit en méconnaissance des règles de l'art ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges, après avoir constaté la nullité des marchés passés par la région Languedoc-Roussillon avec la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, MM. A et B et la société OTH Méditerranée par la société Cofinindev pour la construction du Musée Agropolis, ont pu, à bon droit, se prononcer sur les conclusions présentées sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle par la région ;

Considérant que la nullité dudit marché ayant été dûment constatée par le Tribunal administratif de Montpellier, la région Languedoc-Roussillon, alors même qu'elle pouvait émettre un titre exécutoire pour le recouvrement de la créance qu'elle prétend avoir sur la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES et sur la SARL Rosique, est recevable à demander au juge la condamnation desdites sociétés à lui payer le montant de cette créance sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

Considérant que la société OTH Méditerranée soutient que la demande présentée par la région Languedoc-Roussillon est prescrite ; qu'en application de l'article 2270-1 du code civil, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les dommages dont il est demandé réparation dans le cadre de la présente instance ont été constatés au cours de l'année 1994 ; que l'action en référé à fin de désignation d'un expert, engagée devant le Tribunal de Grande instance de Montpellier qui a pris une ordonnance de référé le 25 octobre 2001, a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription ; que la demande de la région Languedoc-Roussillon a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif le 25 mars 2003 et le rapport de l'expert a été remis le 21 juin 2007 ; qu'ainsi l'action en responsabilité de la région Languedoc- Roussillon n'est pas prescrite ;

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire, que les infiltrations par la toiture ont essentiellement pour origine une fixation défectueuse des tôles d'acier de la couverture et des caillebotis ; que la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, chargée du lot charpente couverture , a eu notamment pour tâche de réaliser l'ossature métallique de la charpente et la couverture bacs acier lors de la première phase de travaux ; qu'elle a sous-traité la pose des caillebotis et des plaques métalliques à la société Polytec ; que si la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES fait valoir que lors de la seconde phase des travaux, la société Rosique a dû déposer et remettre des plaques et des caillebotis pour réaliser l'isolation thermique du complexe et qu'elle a alerté le maître d'ouvrage délégué à la suite d'une visite du chantier en mars 1996 du remaniement de la toiture supérieure, d'allées et venues d'ouvriers sur ladite toiture et des conséquences hydrauliques de la fermeture des patios non prévue dans leurs calculs de charge, il résulte de l'instruction que les premières infiltrations ont débuté dès 1994 et que la partie inférieure de la toiture sur laquelle la société Rosique n'est pas intervenue présente également des problèmes d'infiltration qui ne peuvent, en tout état de cause, être imputés à cette dernière ; qu'ainsi, la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES engage sa responsabilité quasi-délictuelle du fait des manquements aux règles de l'art commis par sa sous-traitante, la société Polytec Service, dans la fixation des tôles d'acier de la couverture et des caillebotis à l'origine des infiltrations en partie basse du complexe ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise déjà mentionné, que le choix des tôles d'acier de la couverture et des caillebotis pour des motifs d'abord décoratifs ainsi que le mode de fixation ne sont pas à l'origine des désordres constatés ultérieurement ; que notamment, ce mode de fixation était conforme au DTU et n'est pas la cause des désordres constatés ultérieurement ; que l'expert retient un problème d'exécution plutôt que de conception ; qu'ainsi, la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ne saurait être engagée pour manquement aux règles de l'art quant à la conception de l'ouvrage ; que si le rapport d'expertise a retenu une part de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre, il n'indique nullement en quoi celle-ci aurait commis un quelconque manquement aux règles de l'art dans l'exercice de ses missions ; que, par suite, à défaut d'établir précisément en quoi consisteraient les fautes commises par MM. A et B, architectes, et par la société OTH Méditerranée, leur responsabilité quasi-délictuelle ne peut être recherchée ;

Sur les appels en garantie :

Considérant d'une part, comme il a été dit précédemment, que les architectes et la société OTH Méditerranée n'ont pas commis de faute ; que, dès lors, les conclusions d'appel en garantie formées à l'encontre de ces derniers par la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES doivent être rejetées ;

Considérant d'autre part, que la SARL Rosique a commis des fautes dans l'exécution des travaux la concernant lors de la pose de tôles d'acier et de caillebotis et leur refixation ; qu'il résulte de l'instruction que les problèmes d'infiltration sont davantage accentués sur la partie supérieure de la toiture sur laquelle elle est intervenue ; que par suite, le Tribunal a fait une juste appréciation en condamnant la SARL Rosique à garantir la société appelante à hauteur de 60% du montant de la condamnation prononcée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, la région Languedoc-Roussillon, M. François A, M. Olivier B et la société OTH Méditerranée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Languedoc-Roussillon, de M. François A, de M. Olivier B et de la société OTH Méditerranée tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, à la région Languedoc-Roussillon, à M. François A, à M. Olivier B, à la société OTH Méditerranée, à la SARL Rosique et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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N° 08MA00677

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00677
Date de la décision : 07/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP COSTE - BERGER - PONS - DAUDÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-03-07;08ma00677 ?
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