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31/01/2011 | FRANCE | N°08MA00549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2011, 08MA00549


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 février 2008, sous le n° 08MA00549, présentée pour la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL (ABEC), dont le siège est rue Sainte-Pélagie à Sainte-Cécile les Vignes (84290), représenté par son gérant en exercice, par la SELARL Juris Publica, avocat ;

La SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL (ABEC) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603876 en date du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d

u maire de Lapalud (Vaucluse) en date du 3 avril 2006 rejetant son offre pour l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 février 2008, sous le n° 08MA00549, présentée pour la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL (ABEC), dont le siège est rue Sainte-Pélagie à Sainte-Cécile les Vignes (84290), représenté par son gérant en exercice, par la SELARL Juris Publica, avocat ;

La SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL (ABEC) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603876 en date du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Lapalud (Vaucluse) en date du 3 avril 2006 rejetant son offre pour l'attribution du service public de l'assainissement collectif de la commune ;

2°) de condamner la commune de Lapalud à lui verser la somme de 122 594,04 euros en réparation de son préjudice ainsi que les intérêts moratoires à compter du jour de sa demande indemnitaire le 8 juin 2006 et leur capitalisation à compter du 9 juin 2007 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lapalud une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, notamment son article 38 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Prouvez représentant la commune de Lapalud ;

Considérant qu'à la date limite de réception des candidatures mentionnée dans l'avis d'appel public à candidatures lancé par la commune de Lapalud pour l'attribution de la délégation du service public de l'assainissement collectif, la commission constituée en application de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales a retenu quatre sociétés pour présenter une offre ; que seules la société de distribution d'eaux intercommunales (SDEI) société précédemment délégataire, aux droits de laquelle vient dans la présente instance la société Lyonnaise des Eaux, et la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL ont déposé une offre ; qu'au terme de la négociation menée par le maire de Lapalud, la délégation du service public de l'assainissement collectif a été attribuée à la société de distributions d'eau intercommunales (SDEI) ; que la société AB ENVIRONNEMENT CONSEIL, concurrent évincé, a sollicité du Tribunal administratif de Nîmes qu'il annule la décision du 3 avril 2006 par laquelle la commune de Lapalud a rejeté son offre et a sollicité la condamnation de la commune de Lapalud à l'indemniser de la perte de son manque à gagner et des frais engagés pour la présentation de l'offre ; que par jugement en date du 8 novembre 2007, dont la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL relève appel, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que l'article R. 811-7 du code de justice administrative dispose : Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la Cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. ; qu'aux termes de l'article R. 431-2 dudit code : Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé (...). / La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui. ; qu'en l'espèce, l'exemplaire original de la requête de la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL a été signé par Me Bourgeois, avocat inscrit au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Nîmes, qui a ainsi qualité pour représenter la requérante et signer en son nom la requête et d'autres mémoires, sans avoir à justifier ni du mandat par lequel ses clients l'ont saisi ni de la régularité de son inscription au tableau susmentionné ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de signature de la requête opposé par la société de distribution d'eaux intercommunales (SDEI) ne peut qu'être écartée ;

Sur la procédure de passation de la délégation de service public :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : (...) Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. Les garanties professionnelles sont appréciées notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes. La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue à l'article L. 323-1 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. ; que selon l'article L. 1411-5 du même code : Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité et à un recueil d'offres dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1411-1. Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission (...). Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat. ;

Considérant que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ; que, pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres ; que la circonstance que les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques prévoient seulement que, après avoir dressé la liste des candidats admis à présenter une offre, la collectivité publique adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager , est sans incidence sur l'obligation d'informer également ces candidats des critères de sélection de leurs offres ; que, toutefois, les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 prévoyant que la personne publique négocie librement les offres avant de choisir, au terme de cette négociation, le délégataire, elle n'est pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre de ces critères ; qu'elle choisit le délégataire, après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en oeuvre préalablement déterminées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Lapalud a adressé aux quatre sociétés candidates retenues pour présenter une offre un dossier de consultation relatif aux modalités de présentation des offres définissant les caractéristiques de la délégation envisagée ; que ce document ne comportait pas toutefois d'indication sur les critères de sélection des offres ; que l'absence d'information des candidats sur ces critères de sélection constitue un manquement aux règles de publicité et de concurrence ; que la procédure de passation conduite par la commune de Lapalud l'a été par suite dans des conditions irrégulières ; que, dès lors, la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres du 3 avril 2006 ;

Sur les conclusions indemnitaires de la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public ou a une délégation de service public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le contrat ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant que la consultation concernait l'exploitation par affermage du service de l'assainissement collectif de la commune de Lapalud et portait sur le fonctionnement et l'entretien des installations d'épuration, la participation aux essais préalables à la réception définitive de la nouvelle station, prévus pour 2007, la surveillance des rejets de la station d'épuration et des déversoirs d'orage, l'entretien du réseau d'assainissement, l'entretien et la police des branchements, le renouvellement des équipements électromécaniques et des accessoires hydrauliques, la gestion des abonnés du service de l'assainissement collectif ; que les sociétés admises à présenter une offre devaient, conformément au dossier de consultation, produire notamment un mémoire technique présentant l'organisation ainsi que les moyens matériels et humains mis en oeuvre pour assurer la gestion du service ainsi qu'un compte prévisionnel d'exploitation permettant d'établir la tarification relative à la période de fonctionnement de la station actuelle, et celle appliquée à partir de la mise en service de la future station ; que si la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL soutient que son offre était deux fois moins élevée que celle de la SDEI, il résulte de l'instruction que la requérante ne se réfère qu'aux seuls montants des charges hors taxes relatives à la future station d'épuration, alors d'une part que la station en service lors de la consultation devait le rester durant les deux premières années du contrat, que ces montants hors taxes sont d'autre part ceux repris au tableau récapitulatif des offres établi par la commission d'ouverture des plis le 5 janvier 2006, avant donc toute négociation, et enfin sans faire référence à la tarification proposée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, qu'au terme de la négociation, l'offre de la société requérante ait été plus intéressante compte tenu des négociations intervenues sur la tarification, la SDEI offrant, au demeurant, de meilleures conditions de renouvellement des équipements et surtout les moyens techniques et humains nécessaires et indispensables à la gestion du service de l'assainissement collectif, la société requérante ne disposant quant à elle pour tout personnel, outre son gérant et un responsable technique, que d'une secrétaire et d'un agent technique à mi-temps selon la commune de Lapalud, qui n'est pas contredite ; que la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL n'est pas, par suite, fondée à soutenir qu'elle disposait d'une chance sérieuse de se voir confier la gestion du service public de l'assainissement collectif de la commune de Lapalud et ne peut ainsi prétendre à l'indemnisation du manque à gagner qu'elle prétend avoir subi ; qu'en revanche, dès lors qu'elle disposait de sérieuses références en matière d'affermage de services de l'assainissement et des compétences techniques confirmées par les contrats qu'elle assurait, la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL n'était pas dépourvue de toute chance de se voir attribuer la gestion de ce service public ; qu'elle a droit, par suite, à une indemnité correspondant aux frais qu'elle a inutilement engagés pour participer à cette consultation ; que la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL réclame à ce titre une somme totale de 4 966,70 euros correspondant aux frais d'étude pour l'élaboration de l'offre, de déplacement et de reprographie, somme non contestée par la commune de Lapalud, et qui peut être mise à la charge de cette dernière ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lapalud et la société de distribution d'eaux intercommunales (SDEI), aux droits de laquelle vient la société Lyonnaise des Eaux, demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Lapalud une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 8 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : La décision du maire de la commune de Lapalud en date du 3 avril 2006 est annulée.

Article 3 : La commune de Lapalud versera à la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL une indemnité d'un montant de 4 966,70 euros.

Article 4 : La commune de Lapalud versera à la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Lapalud et de la société de distribution d'eaux intercommunales (SDEI) présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AB ENVIRONNEMENT CONSEIL, à la commune de Lapalud, à la société Lyonnaise des Eaux et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 08MA00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00549
Date de la décision : 31/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SELARL JURIS PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-31;08ma00549 ?
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