Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 juillet 2008, sous le 08MA03635, présentée pour la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER, dont le siège est Quartier Pontillard à Roquebilliere (06450), par Me Chatenet, avocat ;
La SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504915 du 22 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2005 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a retiré l'autorisation dont elle bénéficiait de disposer de l'énergie de la rivière la Vésubie au lieu-dit le Suquet et lui a ordonné de remettre en état le site ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 juillet 2005 et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2010 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Chatenet, avocat de la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER ;
Considérant que, par un arrêté du 12 janvier 1952, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé la société de liquéfaction de l'air du sud-est à réaliser un barrage sur la rivière la Vésubie, sur les territoires des communes de Lantosque et d'Utelle, dans le but d'utiliser l'énergie électrique et à exploiter l'usine hydroélectrique dite du Suquet pour une durée de 75 ans ; que, par arrêté préfectoral du 21 septembre 1994, ladite autorisation d'exploitation de l'ouvrage a été transférée à la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER ; que, par un arrêté du 13 juillet 2005, le préfet des Alpes-Maritimes a retiré l'autorisation dont bénéficiait la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER et lui a ordonné de remettre en état ledit site ; que la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER fait appel du jugement du 22 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours contre ledit arrêté ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant que, lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés ;
Considérant que, par un arrêté du 23 mars 2005, régulièrement publié au recueil n° 12 des actes administratifs de la préfecture des Alpes-Maritimes du 25 mars 2005, le préfet des Alpes-Maritimes a donné à M. Philippe Piraux, secrétaire général de la préfecture, et en cas d'absence ou d'empêchement de M. Piraux, à M. Christian Abrard, secrétaire général adjoint de la préfecture des Alpes-Maritimes, délégation pour signer tous arrêtés, actes, circulaires et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Alpes-Maritimes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général n'ait pas été absent ou empêché le jour de la signature de l'arrêté litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Christian Abrard n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté du 13 juillet 2005 doit être écarté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 16 octobre 1919 : Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. (...) ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : Sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance (produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation) excède 4500 kilowatts./ Sont placées sous le régime de l'autorisation toutes les autres entreprises. (...) ; qu'aux termes de l'article 16 du même texte : Les autorisations sont accordées par arrêté préfectoral, quel que soit le classement du cours d'eau./ Elles ne doivent pas avoir une durée supérieure à 75 ans. Elles ne font pas obstacle à l'octroi de concessions nouvelles, ni à l'application des articles 4 et 6. A toute époque, elles peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité dans les cas prévus par les lois en vigueur sur le régime des eaux. (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 18 paragraphe 3 de l'arrêté préfectoral susvisé du 12 janvier 1952 : Si l'usine cessait d'être exploitée pendant une durée de cinq ans, l'Administration pourra prononcer la déchéance du permissionnaire et lui imposer le rétablissement à ses frais du libre écoulement du cours d'eau ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du document produit par la société requérante intitulé Relevés de vente d'électricité à l'entreprise EDF , et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'usine hydroélectrique dont il s'agit n'est plus exploitée depuis le mois de juillet 1999 et ne fournit plus d'électricité à EDF depuis cette date ; que la circonstance que ladite cessation d'activité ne résulte pas de la volonté de la société requérante mais du comportement de ses voisins est, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, dès lors, c'est également à bon droit que le tribunal a jugé que, nonobstant les circonstances que la société n'avait pas renoncé à l'autorisation dont elle bénéficiait et qu'elle n'avait commis aucune faute ni aucun manquement à ses obligations, l'autorité préfectorale avait pu, sans entacher l'arrêté litigieux d'erreur de droit, se fonder sur le motif de l'absence d'exploitation de l'usine pendant cinq ans pour faire application des dispositions de l'article précité de l'article 18 paragraphe 3 de l'arrêté préfectoral du 12 janvier 1952 et mettre fin à l'autorisation d'exploiter l'ouvrage dont elle bénéficiait ;
Considérant que la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER fait valoir que la période de cessation d'activité de l'usine résulte de difficultés de voisinage et qu'elle n'a commis aucune faute ni aucun manquement à ses obligations ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'arrêté du 12 janvier 1952 met à la charge du bénéficiaire le curage régulier de la retenue après chaque épisode de crue ; que la circonstance invoquée par la société requérante que le barrage du Suquet n'est pas à l'origine de l'engravement du lit de la rivière et des inondations des zones riveraines n'est pas de nature à établir que lesdits travaux de curage de la retenue après chaque épisode de crue ne soient pas nécessaires à l'amélioration de l'écoulement des crues et à la limitation des risques d'inondation des zones riveraines ; que le préfet des Alpes-Maritimes a déjà suspendu, par un arrêté du 5 août 1997, l'autorisation d'exploitation de l'usine en raison de l'absence de curage de la retenue ; que si les travaux prescrits ont été exécutés par la société requérante à la suite de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 septembre 1998 lequel a rendu possible l'accès au barrage, la Cour de Cassation a annulé ledit arrêt le 13 juin 2001 ; qu'il résulte de l'instruction que la société n'était pas, sauf pendant la période 1998-2001, et n'est d'ailleurs toujours pas en mesure, d'effectuer régulièrement les travaux de curage de la retenue en raison des difficultés d'accès à ses ouvrages et aux litiges d'ordre civil l'opposant aux propriétaires riverains de la rivière la Vésubie ; que, dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en mettant fin à l'autorisation d'exploitation de l'ouvrage dont bénéficiait la SOCIETE SUQUET D'UTELLE MATZNER ; que la société ne se prévaut d'aucun texte qui aurait permis à l'autorité administrative de se borner à suspendre l'autorisation dont elle bénéficiait en vue d'éviter la déchéance de l'autorisation accordée en cas d'inexploitation de l'installation pendant 5 ans ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société SUQUET D'UTELLE MATZNER demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er: La requête de la société SUQUET D'UTELLE MATZNER est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SUQUET D'UTELLE MATZNER et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
''
''
''
''
N° 08MA03635 2
kp