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20/01/2011 | FRANCE | N°08MA03385

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 20 janvier 2011, 08MA03385


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°08MA03385, présentée pour COMMUNE D'AGDE, représentée par son maire en exercice, demeurant ès qualité Hôtel de Ville, CS2007 à Agde Cedex (34306), par la société civile professionnelle d'avocats (SCP) Trias Verine Vidal Gardier Lonil Royer ;

La COMMUNE D'AGDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0402989 du 6 mai 2008 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée la commune à verser à M. A une indemnité de 110 000 e

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Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°08MA03385, présentée pour COMMUNE D'AGDE, représentée par son maire en exercice, demeurant ès qualité Hôtel de Ville, CS2007 à Agde Cedex (34306), par la société civile professionnelle d'avocats (SCP) Trias Verine Vidal Gardier Lonil Royer ;

La COMMUNE D'AGDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0402989 du 6 mai 2008 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée la commune à verser à M. A une indemnité de 110 000 euros tous préjudices confondus, assortie des intérêts légaux à compter du 12 mars 2008, à prendre à sa charge les frais d'expertise s'élevant à la somme de 5 825,47 euros et à verser à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de confirmer ce jugement pour le surplus ;

3°) de condamner M. A à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2010 :

- le rapport de M. Salvage, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lucas, avocat de M. René A ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 20 décembre 2010 au greffe de la Cour, présentée par M. René A ;

Considérant que la COMMUNE D'AGDE interjette appel du jugement en date du 6 mai 2008 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée, d'une part, à verser à M. A la somme de 110 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 12 mars 2008, pour l'indemniser des diverses dégradations subies sur le terrain qu'il lui avait loué par un bail du 8 juillet 1997, reconduit jusqu'au 31 mai 2003, et qui a été mis à la disposition des gens du voyage et d'autre part en tant qu'il a également mis à sa charge les frais de l'expertise remise le 15 juillet 2008 en application de l'ordonnance rendue le 6 avril 2006 par le Tribunal administratif de Montpellier, s'élevant à la somme de 5 826,47 euros ; que, par la voie du recours incident, M. A demande la condamnation de la COMMUNE D'AGDE à lui verser les sommes de 70 927 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière du terrain par la commune, de 145 888 euros en réparation de la destruction de l'ensemble des ouvrages présents sur son terrain, et de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral né du refus d'autorisation d'un vide-greniers qui lui a été illégalement opposé, sommes assorties des intérêts légaux à compter du 12 mars 2008 ; que par un mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 29 octobre 2010, M. A demande en outre une indemnité de 80 000 euros en compensation de la perte d'exploitation du vide-greniers pour une période de seize ans ;

Sur la réparation de la destruction des ouvrages :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise demandée par le Tribunal administratif, que les services de la commune ont procédé au nettoyage du terrain de M. A de novembre 2004 à mars 2005 ; que le dit nettoyage est intervenu au terme de l'occupation de ce dernier par des gens du voyage, installés sur ce site à l'initiative de la COMMUNE D'AGDE, aux fins de le remettre en état ; qu'il est constant que l'accueil des gens du voyage constitue une mission de service public, le nettoyage entrepris étant nécessairement inclus dans ladite mission ; que si la commune soutient que cette compétence relève de la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée depuis sa création, cette circonstance est sans influence sur le présent litige, la COMMUNE D'AGDE ayant été, à compter de la signature du bail sus mentionné, voire même avant ce dernier, la seule collectivité initiatrice de l'accueil des gens du voyage sur ce terrain et seule responsable de ce dernier ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que ces travaux ont été réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage ; que ces derniers doivent donc être regardés comme des travaux publics réalisés par la COMMUNE D'AGDE ; que le rapport d'expertise sus mentionné, qui n'est pas utilement contesté par l'appelante, relève que l'incendie ayant détruit le mazet qui se trouvait sur le terrain de M. A est dû à une flammèche ou à une étincelle lié à l'écobuage en cours, organisé par les services de la commune, qui mis le feu aux déchets présents dans cette bâtisse ; que les accès et cheminements internes, les blocs sanitaires, les emplacements de camping, les ouvrages de distribution d'eau et d'électricité et une station de pompage ont de surcroît été rasés par la commune ; que M. A ne saurait être regardé comme ayant commis une quelconque faute exonératoire de la responsabilité de la commune dans les dommages sus mentionnés, dans les conditions où ceux-ci ont été causés ;

Considérant ainsi que, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal, M. A, qui a la qualité de tiers par rapport aux travaux engagés, est fondé à rechercher la responsabilité de la COMMUNE D'AGDE pour les dommages que le terrain dont il est propriétaire a subis ; que l'indemnité fixée par le premier juge, contrairement à ce que soutient l'appelant, n'a pas pour effet de mettre à la charge de la commune une somme disproportionnée eu égard à l'état des biens en cause, le Tribunal ayant d'ailleurs minoré les sommes retenues par l'expert, qui l'avait pourtant déjà appliqué une décote prenant en compte la vétusté ; que la COMMUNE D'AGDE ne contredit pas la somme retenue au titre du préjudice moral ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE D'AGDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a reconnu sa responsabilité sur le fondement des dommages occasionnées par des travaux publics et l'a condamné à verser une somme de 110 000 euros à ce titre, et, par voie de conséquence, a mis à sa charge les frais d'expertise à hauteur de 5 826,47 euros ;

Considérant, en second lieu, que comme il l'a été dit, M. A n'a commis aucune faute de nature à exonérer totalement ou partiellement la responsabilité de la commune ; qu'il revenait à cette dernière, qui a utilisé le terrain de l'intimé pour accueillir des gens du voyage pendant la période couverte par le bail, mais aussi antérieurement et postérieurement à ce dernier, d'assurer son entretien avec toutes ses dépendances ; qu'ainsi, il ne peut être pris en compte pour calculer le montant du préjudice né de la destruction du mazet, des accès et cheminements internes, des blocs sanitaires, des emplacements, des ouvrages de distribution d'eau et d'électricité et de la station de pompage, qu'une retenue pour vétusté n'excédant pas ce qui est habituellement pratiqué ; qu'il y a dès lors lieu de retenir la somme proposée par l'expert dans son rapport du 14 janvier 2008, à savoir, pour ce chef de préjudice, une somme de 83 780 euros TTC, et non de 75 000 euros comme retenu par le Tribunal ; que rien ne justifie non plus la minoration par ce dernier des sommes retenues par l'expert pour ce qui concerne le charruage, la clôture et la suppression du fossé et des enrochements mis en place par la commune et qu'il doit donc être retenu pour ces travaux la somme de 45 687 euros TTC et non de 27 000 euros ; que M. A est ainsi fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, qu'il y lieu de réformer le jugement dans cette mesure ;

Sur la demande de règlement des pertes de revenus :

Considérant que M. A demande la condamnation de la COMMUNE D'AGDE à lui verser la somme de 70 927 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de son terrain par la commune pour la période et pour la partie dudit terrain non couverts par le bail ; que s'il estime que son bien a fait l'objet d'une réquisition, le maire n'a pris aucun arrêté en ce sens ; qu'ainsi le litige, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Montpellier dans son ordonnance du 31 décembre 2004, porte sur les conséquences d'une occupation prétendument irrégulière d'un bien privé, qu'il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de se prononcer sur un tel litige, la juridiction administrative étant incompétente pour en connaître ; que M. A n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que ces conclusions ont été rejetées par le premier juge ;

Sur la demande d'indemnisation de la perte d'exploitation du vide-greniers :

Considérant que par sa décision du 21 octobre 1993, confirmant celle du 10 septembre 1993, le maire d'Agde a refusé l'autorisation sollicitée par M. A d'exploiter un vide-greniers sur son terrain au double motif que ce dernier était situé dans une zone non constructible et exposé à un risque d'inondation en vertu du plan d'occupation des sols et que ce type d'activité était interdit, sur cette zone, par arrêté pris le même jour ; que, toutefois, le dit plan autorise expressément les activités temporaires de type marché pour la période du 1er mai au 31 août ; que la seconde décision précitée du 21 octobre qui institue une interdiction générale et absolue excédant les dispositions du plan d'occupation des sols est donc illégale ; que par voie de conséquence, comme l'a jugé le Tribunal, la décision contestée est dépourvue de base légale et doit être annulée ; que cette illégalité est fautive et de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant, en revanche, que ni en première instance, ni en appel, M. A, qui au demeurant a augmenté fortement ses prétentions devant la Cour, n'établit le montant de la perte de revenus liés à l'activité de vide-greniers en se bornant à se référer à un revenu annuel type qui est dénué de toute valeur probante ; que, de même, s'il se prévaut dans ses conclusions, pour la première fois en appel, d'un préjudice moral, il ne le justifie pas ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces demandes indemnitaires, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. A demande que lui soient accordés les intérêts à compter du 2 avril 2004, date de sa première réclamation préalable ; que toutefois et en tout état de cause, les intérêts n'ont été demandés que dans un mémoire enregistré le 12 mars 2008 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'en l'espèce, M. A a demandé le 12 mars 2008 la capitalisation des intérêts ; qu'il ne saurait être fait droit à cette demande dès lors qu'à cette date, les intérêts n'étaient pas dus au moins pour une année entière ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamné à verser à la COMMUNE D'AGDE quelque somme que ce soit au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE D'AGDE une somme de 2 500 euros à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n°08MA103385 présentée par la COMMUNE D'AGDE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE D'AGDE versera une somme de 129 467 (cent vingt-neuf mille quatre cent soixante-sept) euros assortie des intérêts légaux à compter du 12 mars 2008, à M. A.

Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Agde versera à M. A la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'AGDE et à M. A.

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N° 08MA03385 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03385
Date de la décision : 20/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Frédéric SALVAGE
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : SCP TRIAS - VERINE - VIDAL - GARDIER-LEONIL - ROYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-20;08ma03385 ?
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