Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 mai 2008, présentée pour M. Ahmed A, demeurant ..., par Me Ferraiuolo, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800784 du 22 avril 2008 par lequel Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 9 janvier 2008, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de un mois sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 janvier 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;
M. A relève appel du jugement en date du 22 avril 2008 par lequel Tribunal Administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2008 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Marseille a omis de statuer sur le moyen invoqué par M. A et tiré de la violation de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce moyen n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif ;
Sur la légalité de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 9 janvier 2008 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (.) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent ... ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11º de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé.... L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. ; qu'aux termes de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : Article 1er. - L'étranger qui a déposé une demande ... est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier. Article 3. - Au vu du dossier médical qui lui est communiqué par l'intéressé lui-même ou, à la demande de celui-ci, les médecins traitants, et de tout examen complémentaire qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé. Article 4. - Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant :- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;- si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;- et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales... ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour présentée par un étranger qui se prévaut de son état de santé en fournissant des éléments d'information suffisants, est tenu, sous peine d'irrégularité de la procédure, de recueillir préalablement à sa décision l'avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ; qu'il ne peut se dispenser de cette formalité que dans l'hypothèse où le médecin inspecteur de santé publique se serait trouvé dans l'impossibilité de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute pour ce dernier d'avoir fourni un rapport médical et les éléments d'information suffisants ; qu'il lui appartient, en cas de contestation sur ce point, de justifier de cette impossibilité devant le juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant que dans le cadre de l'instruction de la demande d'admission au séjour présentée, le 28 juillet 2007, par M. A sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône a saisi, le 19 octobre suivant, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales tout en l'informant de la future convocation de l'intéressé chez un médecin agrée afin d'établir un rapport médical ; qu'en l'absence de réception de dossier médical, le médecin inspecteur a, le 20 novembre 2007, classé sans suite le dossier ; que, pour rejeter la demande d'admission au séjour, le préfet, au vu du classement précité, a notamment décidé que l'intéressé ne pouvait se prévaloir de son état de santé pour justifier son maintien sur le sol français en l'absence de transmission par celui-ci ou par son médecin des informations médicales nécessaires à la délivrance de l'avis du médecin inspecteur de santé publique ; que le préfet ne pouvait cependant se dispenser de l'avis du médecin inspecteur de santé publique sans avoir au préalable invité l'intéressé ou son médecin à communiquer à l'administration les informations médicales indiquées par les textes précités ; que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui ne justifie pas avoir sollicité ces informations, n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'instruire la demande du requérant ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ; que, par suite, en refusant, pour ce motif, d'admettre M. A au séjour, le préfet a entaché d'illégalité l'arrêté contesté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'un personne morale de droit public... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt accueille les conclusions présentées à fin d'annulation présentées par M. A et implique, par suite, une mesure d'exécution ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce, sans qu'il y ait lieu de prononcer l'astreinte demandée par le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er: Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 22 avril 2008 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 9 janvier 2008 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. A et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1.500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed A, au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur, d'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
''
''
''
''
N° 08MA02312 2
hw