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20/12/2010 | FRANCE | N°07MA05016

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2010, 07MA05016


Vu la requête enregistrée le 28 décembre 2007, présentée pour M. A, demeurant ... et M. B, demeurant à la même adresse, par Me Chatel ;

M. A et M. B demandent à la Cour :

1°) de réformer les articles 1er et 2 du jugement n° 0406537 en date du 23 octobre 2007 par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a déclaré la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société des eaux de Marseille conjointement et solidairement responsables pour moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. A le 4 décembre 2003 et condamné conjointe

ment et solidairement ces deux personnes morales à payer à M. A la somme de 2 500...

Vu la requête enregistrée le 28 décembre 2007, présentée pour M. A, demeurant ... et M. B, demeurant à la même adresse, par Me Chatel ;

M. A et M. B demandent à la Cour :

1°) de réformer les articles 1er et 2 du jugement n° 0406537 en date du 23 octobre 2007 par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a déclaré la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société des eaux de Marseille conjointement et solidairement responsables pour moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. A le 4 décembre 2003 et condamné conjointement et solidairement ces deux personnes morales à payer à M. A la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice consécutif à l'accident dont il a été victime et la somme de 728,08 euros à M. B en réparation de son préjudice matériel ;

2°) de ne retenir aucun partage de responsabilité et de porter à la somme de 9 020 euros la réparation allouée à M. A et à la somme de 1 456,15 euros la réparation allouée à M. B ;

3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me Capelovici, substituant la SCP de Angelis-Semidei-Vuillquez-

Habart Melki-Bardon, pour la société Entreprise Guigues.

Considérant que M. A a été victime le 4 décembre 2003, vers 18 heures 45, alors qu'il circulait avenue Clot-Bey à Marseille d'une chute de scooter ; que M. B, père de la victime, a saisi le 6 septembre 2004 le Tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille à réparer le préjudice subi ; que M. A, devenu majeur, a repris, par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif le 24 mars 2006 l'instance engagée par son père ; que, par les articles 1er et 2 d'un jugement en date du 23 octobre 2007, le Tribunal administratif de Marseille a déclaré la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société des eaux de Marseille conjointement et solidairement responsables pour moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. A et condamné conjointement et solidairement ces deux personnes morales à payer à M. A la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice consécutif à l'accident dont il a été victime et la somme de 728,08 euros à M. B en réparation de son préjudice matériel ; que M. A et M. B demandent à la cour de réformer ces articles du jugement, de ne retenir aucun partage de responsabilité et de porter à la somme de 9 020 euros la réparation allouée à M. A et à la somme de 1 456,15 euros la réparation allouée à M. B ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que, pour retenir l'existence d'une faute de la victime, le tribunal administratif a rappelé qu'il n'était pas contesté que M. A effectuait un stage au sein du magasin à l'enseigne Kulture , situé 105 avenue Clot-Bey, alors que l'accident est survenu au numéro 65 de cette même voie, que la victime avait connaissance des travaux en cause et qu'elle n'avait pas adapté sa conduite à ce danger ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement a suffisamment indiqué les motifs pour lesquels une faute de la victime était retenue ;

Considérant, en second lieu, que l'absence de signalisation et d'éclairage de travaux ne fait pas obstacle à ce que soit retenue une faute de la victime au vu de circonstances particulières telles que la connaissance des lieux par celle-ci ; que le jugement n'est donc pas davantage entaché de contradiction de motifs ;

Sur la responsabilité de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille :

Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

En ce qui concerne le lien de causalité et l'entretien de la voie publique :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations retracées sur le registre de main courante établi par les services de police au sujet de l'accident survenu le 4 décembre 2003 qu'à l'endroit où a chuté M. A, la chaussée avait fait l'objet de travaux effectués par la société Entreprise Guigues pour le compte de la société des eaux de Marseille ayant consisté en l'ouverture d'une tranchée sur cette voie ; qu'il résulte également d'un rapport d'astreinte de la société des eaux de Marseille, établi le jour de l'accident, que, si la tranchée avait été rebouchée, le revêtement final de la chaussée n'avait pas encore été réalisé et qu'une dénivellation, d'une profondeur d'environ 5 centimètres, ne faisait l'objet d'aucune signalisation ; qu'immédiatement après l'accident, les services de police ont d'ailleurs dû faire procéder à un balisage lumineux du chantier ; qu'enfin, par la production de l'attestation d'un témoin qui indique la présence d'une borne de sécurité le jour de l'accident à 21 heures 45, de photographies ne permettant pas à la Cour de savoir à quelle date elles ont été prises, d'un schéma du chantier et d'un arrêté du maire de la ville de Marseille règlementant temporairement la circulation sur la voie publique où a eu lieu l'accident, la société Entreprise Guigues, qui a effectué les travaux pour le compte de la société des eaux de Marseille ne justifie pas que le chantier faisait, à l'heure de l'accident, l'objet d'une signalisation suffisante ; que les premiers juges ont, dans ces conditions, retenu à bon droit qu'une telle défectuosité, non signalée, présentait un danger particulier pour les utilisateurs de deux roues circulant la nuit ; qu'ainsi, M. A rapporte la preuve de l'existence d'un lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint tandis que ni la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ni la société des eaux de Marseille n'établissent l'entretien normal de la chaussée litigieuse ; que leur responsabilité est engagée dans l'accident dont a été victime M. A ;

En ce qui concerne l'existence d'une faute de la victime :

Considérant que, pour reconnaître l'existence d'une faute de la victime, les premiers juges ont retenu que M. A effectuait un stage au sein du magasin à l'enseigne Kulture , situé 105 avenue Clot-Bey, alors que l'accident est survenu au numéro 65 de cette même avenue, qu'il avait connaissance de travaux et qu'il n'avait pas adapté sa conduite à ce danger ;

Considérant toutefois qu'à supposer même que M. A ait pu avoir connaissance de l'existence de travaux à l'occasion des trajets qu'il parcourait pour se rendre sur son lieu de stage, il ne pouvait à la nuit tombée anticiper le danger, non signalé, que présentait la dénivellation affectant la chaussée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait circulé à une vitesse excessive ; que, dans ces conditions, la victime ne peut être regardée comme ayant manqué à l'obligation de prudence à laquelle est tenu tout conducteur d'un véhicule à moteur ; qu'il y a lieu de réformer sur ce point le jugement en tant qu'il a relevé que la faute de la victime justifiait que soit laissée à la charge de celle-ci la moitié des conséquences dommageables de l'accident en cause et de retenir la responsabilité pleine et entière de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens l'article 1er du jugement en date du 23 octobre 2007 du Tribunal administratif de Marseille ;

Sur les droits à réparation de M. B :

Considérant que M. B justifie, par une lettre de son assureur datée du 15 juin 2005 rappelant la référence du sinistre, que la MACIF ne lui a versé aucune indemnité ; qu'en sa qualité de propriétaire du scooter accidenté, M. B a droit au remboursement de la moitié des frais de remise en état de ce véhicule dont le montant est évalué par l'expert à la somme de 1 456,15 euros ; que cette somme portera intérêts à compter du 6 septembre 2004, date d'enregistrement de la requête de M. B au greffe du Tribunal administratif de Marseille ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens l'article 2 du jugement en date du 23 octobre 2007 du même tribunal ;

Sur les droits à réparation de M. A et de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. A :

S'agissant des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie expose des frais pour un montant de 1 033,37 euros ; que ces frais correspondent à des soins rendus nécessaires par la fracture du pied droit dont a été victime M. A lors de son accident ; qu'il y a lieu d'accorder cette somme à l'organisme social en réparation de ses débours avec les intérêts à compter du 17 décembre 2004 ;

S'agissant de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros (...) ; qu'il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie le tiers de la somme de 1 033,37 euros soit 344,45 euros en application de ces dispositions ;

Considérant que, s'agissant des sommes dues par les personnes responsables à la caisse primaire d'assurance maladie, il y a lieu de réformer dans le sens qui précède l'article 5 du jugement en date du 23 octobre 2007 du Tribunal administratif de Marseille ;

S'agissant des pertes de revenus :

Considérant que M. A ne fait pas état de pertes de revenus ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de M. A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise relatives à l'étendue des préjudices subis par la victime, lequel même si la société Entreprise Guigues n'y a pas été associée, constitue une pièce du dossier sur laquelle le juge peut s'appuyer dès lors que les constations de ce rapport ne sont pas, comme en l'espèce, utilement contestées, que M. A a subi une incapacité temporaire totale du 4 décembre 2003 au 15 janvier 2004, qu'il a été hospitalisé une journée le 28 mai 2004, hospitalisation en lien avec son accident qui a été suivie d'une nouvelle période d'incapacité temporaire totale de 8 jours ; que la somme de 500 euros réparera ce chef de préjudice ;

Considérant en outre que l'incapacité permanente partielle de la victime peut être fixée à 2 % ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice pourra être fixée à la somme de 2 200 euros ; que le préjudice esthétique, chiffré à 0,5 sur une échelle de 0 à 7 par l'expert, pourra être réparé à hauteur de 300 euros et les souffrances physiques, chiffrées à 2,5 sur la même échelle, à hauteur de 2 500 euros ; qu'il ya lieu d'allouer à M. A la somme de 5 500 euros au titre de ses préjudices personnels ; que cette somme portera intérêts à compter du 6 septembre 2004, date d'enregistrement de la requête de M. A au greffe du Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que, s'agissant des sommes dues par les personnes responsables à M. A, il y a lieu de réformer dans le sens qui précède l'article 2 du jugement en date du 23 octobre 2007 du Tribunal administratif de Marseille ;

Sur la condamnation de la société Entreprise Guigues à garantir la société des eaux de Marseille :

Considérant que, par l'article 6, non contesté, de son jugement, le tribunal administratif a condamné la société des eaux de Marseille à garantir la communauté urbaine Marseille Provence Métropole des condamnations prononcées à son encontre et résultant des articles 2, 3, 4 et 5 du jugement ; que, par l'article 7 du même jugement, le tribunal a condamné la société Entreprise Guigues à garantir la société des eaux de Marseille des condamnations prononcées à son encontre et résultant des mêmes articles 2, 3, 4 et 5 de son jugement ; que la société Entreprise Guigues conteste la garantie ainsi mise à sa charge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2.4.1 du cahier des charges particulières conclu le 29 décembre 1998 entre la société des eaux de Marseille et la société Entreprise Guigues, l'entreprise est civilement responsable pour tout dommage occasionné à des tiers lors de l'exécution de ses travaux ou suite à ses travaux ; que, comme il a été dit, la société Entreprise Guigues n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les travaux qu'elle a réalisés pour le compte de la société des eaux de Marseille faisaient, à l'heure de l'accident, l'objet d'une signalisation suffisante ; que, dans ces conditions, les premiers juges l'ont à bon droit condamnée à garantir la société des eaux de Marseille des condamnations prononcées à son encontre, y compris en ce qui concerne les frais d'expertise, par les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille, conjointement et solidairement, la somme totale de 1 500 euros au titre des frais engagés par M. A et M. B et non compris dans les dépens ; que, du fait des appels en garantie, la société Entreprise Guigues supportera la charge finale de ce versement ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Les sommes que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société des eaux de Marseille ont été condamnées, conjointement et solidairement à verser à M. A et à M. B sont portées respectivement de 2 500 à 5 500 euros et de 728,08 euros à 1 456,15 euros. Ces sommes porteront intérêts à compter du 6 septembre 2004.

Article 2 : La somme que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la société des eaux de Marseille ont été condamnées, conjointement et solidairement, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône au titre de ses débours est portée de 516,69 euros à 1 033,37 euros avec intérêts à compter du 17 décembre 2004. S'ajoutera à cette somme celle de 344,45 euros en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Les articles 1er, 2 et 5 du jugement du 23 octobre 2007 du Tribunal administratif de Marseille sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La communauté urbaine Marseille Provence Métropole et de la société des eaux de Marseille verseront conjointement et solidairement, la somme totale de 1 500 euros à M. A et M. B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Entreprise Guigues supportera la charge finale de ce versement.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A et de M. B et les conclusions de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, de la société des eaux de Marseille et de la société Entreprise Guigues tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A, à M. B, à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à la société des eaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la société Entreprise Guigues.

Copie en sera adressée à Me Chatel, à Me Depieds, à la SELARL Phelip et associés, à Me Andrac et à la SCP de Angelis-Semidei-Vuillquez-Habart Melki-Bardon.

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N° 07MA05016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA05016
Date de la décision : 20/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : DEPIEDS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-12-20;07ma05016 ?
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