Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2008, présentée pour M. Jean-Claude A élisant domicile ..., par Me Lasalarie, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504008 en date du 5 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille refusant implicitement l'indemnisation de préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une infection nosocomiale contractée dans les services de l'hôpital de la Conception ;
2°) d'annuler ladite décision et de condamner l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille à réparer l'intégralité de son préjudice en lui allouant la somme de 28 625 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, outre les dépens, la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968,
Vu le code de la santé publique et de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Massé-Degois, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Lasalarie pour M. A et de Me Demailly, substituant Me Le Prado, pour l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille ;
Considérant que M. A, à la suite d'une chute, a subi le 7 décembre 1986, sous anesthésie générale, une ostéosynthèse de la malléole gauche à l'hôpital de la Conception à Marseille ; que le 15 décembre suivant, il a quitté l'établissement hospitalier ; qu'en raison de douleurs ressenties à la cheville dans le mois qui a suivi sa sortie, M. A a été à nouveau hospitalisé le 25 février 1987 dans le même établissement où un prélèvement bactériologique a révélé la présence d'un staphylocoque doré méthycillino-sensible traité par antibiothérapie ; qu'après avoir regagné son domicile le 5 mars 1987, il a subi le 17 mars suivant une ablation du matériel d'ostéosynthèse et un nouveau prélèvement bactériologique a confirmé la présence du staphylocoque méthycillino-sensible ; qu'à la suite de complications persistantes, il a subi plusieurs interventions et, lors de celle réalisée en décembre 1989, le staphylocoque doré a été retrouvé ; que M. A a saisi au cours de l'année 2004 le juge des référés du tribunal administratif en vue de la désignation d'un expert ; que l'homme de l'art a déposé son rapport le 22 août 2004 dans lequel il indique que l'intervention du 7 décembre 1986 a été compliquée d'un sepsis à staphylocoque doré méthycillino-sensible dont le patient n'était pas porteur avant l'intervention ; que M. A relève appel du jugement du 5 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande du 11 avril 2005 tendant à l'annulation de la décision de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille refusant implicitement l'indemnisation des préjudices qu'il impute à l'infection nosocomiale contractée dans les services de l'hôpital de la Conception ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l' administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ..../ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption... ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ; qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 101 de la même loi, ces dispositions sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique et du deuxième alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que le législateur a entendu porter à dix ans la prescription des créances en matière de responsabilité médicale qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances sur les collectivités publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le point de départ du délai de la prescription est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'existence, l'étendue et l'origine du dommage dont elle demande réparation ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ;
Considérant que M. A a adressé le 11 avril 2005 à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille une demande préalable en vue d'obtenir la réparation des préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale par staphylocoque doré méthycillino-sensible qu'il impute à son hospitalisation du 7 décembre 1986 à l'hôpital de la Conception en se fondant sur les conclusions expertales du rapport déposé le 22 août 2004 ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le germe infectieux contracté par M. A, en l'occurrence un staphylocoque doré méthycillino-sensible, a été mis en évidence au niveau de la cicatrice opératoire, par plusieurs prélèvements bactériologiques auxquels l'intéressé s'est soumis en février 1987, en mars 1987 puis en décembre 1989 et que différentes antibiothérapies ont été, en conséquence, mises en oeuvre et se sont poursuivies à son domicile ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport critique rédigé le 5 février 2005 par le médecin conseil de M. A, en réponse au rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Marseille, que la date de consolidation de l'ostéite, c'est à dire de l'infection de l'os, présentée par l'intéressé peut être fixée à la date du 18 mai 1990 eu égard à la durée de la période d'incapacité temporaire totale de deux mois et de la période d'incapacité temporaire partielle de trois mois qui ont suivi la dernière intervention chirurgicale qu'il a subie le 18 décembre 1989 ; que cette date n'est pas contestée par l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille ; que M. A n'allègue pas avoir suivi de traitement antibiotique depuis celui administré pour une période d'un mois lors de sa dernière hospitalisation du 18 au 23 décembre 1989 ou avoir fait l'objet de soins anti-infectieux à compter de cette dernière date ; qu'aucun élément médical du dossier ne permet d'établir qu'un tel traitement lui a été prescrit ou que de tels soins lui ont été dispensés afin d'éviter une aggravation de son état ; que la circonstance que l'intéressé bénéficie de médications notamment anti-inflammatoires et antalgiques depuis 2002 n'est pas susceptible de remettre en cause la date de consolidation de son infection dans la mesure où il résulte des éléments médicaux du dossier que ces médications sont liées à la pathologie initiale de M. A ; que, dès lors, la date de consolidation de l'infection présentée par M. A peut être, dans les circonstances de l'espèce, fixée au mois de mai 1990 ainsi que le faisait valoir le conseil médical du requérant dans son rapport critique du 5 février 2005 ;
Considérant que M. A soutient avoir eu connaissance en août 2004 du caractère nosocomial de l'infection contractée lors de son hospitalisation en décembre 1986 à l'occasion du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée à sa demande par le président du tribunal administratif de Marseille ; que, toutefois, la connaissance qu'il avait des faits ci-dessus rappelés, et notamment des prélèvements bactériologiques auxquels il s'est soumis à plusieurs reprises et dont il lui était loisible de se procurer les résultats ainsi que des traitements antibiotiques qui lui ont été administrés, le mettait à même, d'envisager et de faire apprécier en temps utile par un expert, l'existence et l'origine de son dommage dès la fin de l'année 1989 ; qu'en outre, M. A ne soutient pas que l'établissement de soins lui aurait donné des informations inexactes qui auraient eu pour effet de lui dissimuler les causes réelles du dommage dont il demande réparation ; qu'il suit de là, que M. A, qui disposait d'éléments suffisants, doit être regardé comme ayant connu au plus tard, le 18 mai 1990, la nature, l'origine et l'étendue de son préjudice ; que, par conséquent, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 1er janvier 1991 et, en application de la loi du 31 décembre 1968, ce délai était en tout état de cause expiré lorsque M. A a saisi le tribunal administratif de Marseille en 2004 en vue d'obtenir la désignation d'un expert ; que, par ailleurs, si l'article précité L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 a institué une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968, il est constant que la créance de M. A sur l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille était prescrite dès avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, qui n'a pas eu pour effet de relever de la prescription ladite créance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à réparer les conséquences dommageables de l'infection contractée à la suite de l'intervention pratiquée le 7 décembre 1986 ; que les conclusions incidentes de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que les conclusions présentées tant par M. A que par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A et par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des
Bouches-du-Rhône sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A, à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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N° 08MA019552