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13/12/2010 | FRANCE | N°08MA04408

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2010, 08MA04408


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 octobre 2008, sous le n° 08MA04408, présentée pour la SOCIETE FLEXELEC, représentée par ses représentants légaux en exercice et dont le siège est 10 rue des Frères Lumière - ZA du Bois Rond à Saint-Bonnet de Mure (69720) par la SELARL Flécheux et associés, avocat ;

La SOCIETE FLEXELEC demande à la Cour :

- d'annuler l'ordonnance en date du 25 septembre 2008 par laquelle le juge des Référés du Tribunal administratif de Marseille, statuant sur la demande de la commune de Mér

euil, l'a condamnée conjointement et solidairement à verser à ladite commune la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 octobre 2008, sous le n° 08MA04408, présentée pour la SOCIETE FLEXELEC, représentée par ses représentants légaux en exercice et dont le siège est 10 rue des Frères Lumière - ZA du Bois Rond à Saint-Bonnet de Mure (69720) par la SELARL Flécheux et associés, avocat ;

La SOCIETE FLEXELEC demande à la Cour :

- d'annuler l'ordonnance en date du 25 septembre 2008 par laquelle le juge des Référés du Tribunal administratif de Marseille, statuant sur la demande de la commune de Méreuil, l'a condamnée conjointement et solidairement à verser à ladite commune la somme de 30 000 euros à titre de provision ;

- à titre principal, de rejeter la requête de la commune de Méreuil comme portée, en ce qui concerne la société requérante, devant un ordre juridictionnel incompétent ;

- à titre subsidiaire, de rejeter la demande de provision présentée devant le juge des Référés de premier ressort ;

- de mettre à la charge de la commune de Méreuil la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que de condamner ladite commune aux dépens ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2010,

- le rapport de M. Renouf, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Découx-Larondie pour la SOCIETE FLEXELEC et de Me Pellegrin pour la commune de Méreuil ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande de fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable " ;

Considérant que la commune de Méreuil a fait réaliser, sous la maîtrise d'oeuvre de Mme , un bâtiment à un seul niveau à usage de salle polyvalente dont le système de chauffage, constitué notamment de neuf trames chauffantes noyées dans la dalle en béton du plancher et conçues pour accumuler l'énergie thermique pendant les heures creuses du tarif EDF, a été installé par la société Reynouard Disdier ; que celle-ci s'est approvisionnée en trames chauffantes auprès de la société Samse, grossiste distributeur, qui avait elle-même acheté les trames chauffantes en cause à la société Frico ; que la société Frico utilisait pour la fabrication desdites trames chauffantes des câbles qui lui étaient fournis par la SOCIETE FLEXELEC ; qu'après la réception des travaux, intervenue le 25 juillet 2000, des désordres ont affecté à de nombreuses reprises le système de chauffage, entraînant l'obligation de casser le carrelage et la dalle en béton pour accéder aux trames chauffantes et procéder aux réparations ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 28 février 2007 par M. , que les désordres trouvent leur origine dans l'utilisation de câbles chauffants dont la fiche technique mentionnait une puissance linéique de 25 watts/mètre pour fabriquer des trames chauffantes ayant une puissance linéique de 33 watts/mètre et sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que la commune de Méreuil a demandé la condamnation de Mme et de la société Reynouard Disdier, qui ont participé à l'acte de construire, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ainsi que, sur le fondement des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du même code, de la société Frico et de la SOCIETE FLEXELEC, à lui verser une provision de 60 000 euros ; que le juge des référés a, par l'ordonnance attaquée, condamné solidairement Mme , la société Reynouard Disdier, la société Frico et la SOCIETE FLEXELEC à verser à la commune requérante une provision de 30 000 euros ; que la SOCIETE FLEXELEC fait régulièrement appel de cette ordonnance ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 1792 du code civil : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages...qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination... " ; qu'aux termes de l'article 1792.1 dudit code : " Est réputé constructeur de l'ouvrage :I° tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage... " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1792.4 de ce même code : "Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré " ;

Considérant que, lorsque la responsabilité décennale du fabricant peut être, en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 précité, engagée solidairement avec celle du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement produit par le fabricant, il appartient au juge administratif, compétent pour statuer sur la responsabilité de ce locateur d'ouvrage solidairement avec l'ensemble des autres constructeurs de l'ouvrage public, de statuer, en l'absence de contrat de droit privé liant le fabricant au requérant, sur les conclusions dirigées contre ce fabricant ; qu'il en résulte que le Tribunal administratif de Marseille était compétent pour statuer sur les conclusions présentées par la commune de Méreuil contre la SOCIETE FLEXELEC et la société Frico, avec lesquelles elle n'était liée par aucun contrat, sur les fondements des principes dont s'inspire l'article 1792-4 précité ;

Sur la demande de provision :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les câbles fabriqués par la SOCIETE FLEXELEC n'ont pas été spécifiquement conçus et produits par cette société pour la construction en cause ; qu'ainsi, ils ne constituent pas un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, au sens des dispositions susrappelées de l'article 1792-4 du code civil ; qu'en conséquence, la SOCIETE FLEXELEC ne peut être déclarée en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 précité solidairement responsable des obligations mises à la charge des locateurs d'ouvrage par les articles 1792 et suivants du même code ; qu'ainsi, l'obligation dont se prévaut la commune à son encontre est sérieusement contestable ; que la SOCIETE FLEXELEC est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille l'a, par l'ordonnance attaquée, solidairement condamnée à verser la provision demandée ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de Mme :

Considérant, en premier lieu, que Mme , qui a été, ainsi qu'il a été dit, condamnée solidairement avec la société Reynouard Disdier, la société Frico et la SOCIETE FLEXELEC à verser une provision de 30 000 euros à la commune de Méreuil, demande à la Cour de la mettre hors de cause ; qu'il résulte cependant des conclusions du rapport d'expertise en date du 28 février 2007, que les désordres au titre desquels la commune précitée a demandé la provision en litige sont caractérisés par la mise hors service du système électrique par accumulation destinée à assurer le chauffage de base du bâtiment ; qu'il s'ensuit que lesdits désordres ont eu pour effet de rendre l'immeuble impropre à sa destination et qu'ils sont de nature à engager, de plein droit, la responsabilité solidaire avec les autres constructeurs de Mme en sa qualité de maître d'oeuvre ; qu'ainsi, l'obligation dont se prévaut la commune à son encontre n'étant pas sérieusement contestable, Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille l'a solidairement condamnée à verser la provision litigieuse ;

Considérant, en second lieu, que Mme demande à être garantie par les sociétés Reynouard Disdier, Frico, et Flexelec des condamnations prononcées à son encontre ; que Mme n'établit l'existence d'aucune faute à son endroit de la part des sociétés qu'elle met en cause ; qu'ainsi, en l'état de l'instruction, l'obligation dont elle se prévaut à l'encontre de ces sociétés est sérieusement contestable ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant, enfin, qu'il n'appartient pas au juge des référés de fixer la charge des dépens ; que les conclusions présentées à cette fin ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1 : L'ordonnance en date du 25 septembre 2008 du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, rendue dans l'instance n° 0803902, est annulée en tant qu'elle a condamné la SOCIETE FLEXELEC à verser une provision de 30 000 euros à la commune de Méreuil.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Méreuil et par Mme contre la SOCIETE FLEXELEC sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme contre la société Reynouard Disdier et la société Frico sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FLEXELEC, à la commune de Méreuil, à la société Frico, à la société Reynouard Disdier, à Mme et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 08MA04408

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA04408
Date de la décision : 13/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITÉ - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF - RESPONSABILITÉ DÉCENNALE DU FABRICANT.

17-03-02-05 lorsque la responsabilité décennale du fabricant peut être, en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 code civil, engagée solidairement avec celle du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement produit par le fabricant, il appartient au juge administratif, compétent pour statuer sur la responsabilité de ce locateur d'ouvrage solidairement avec l'ensemble des autres constructeurs de l'ouvrage public, de statuer, en l'absence de contrat de droit privé liant le fabricant au requérant, sur les conclusions dirigées contre ce fabricant.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DÉCENNALE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF - RESPONSABILITÉ DÉCENNALE DU FABRICANT.

39-06-01-04 Lorsque la responsabilité décennale du fabricant peut être, en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 code civil, engagée solidairement avec celle du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement produit par le fabricant, il appartient au juge administratif, compétent pour statuer sur la responsabilité de ce locateur d'ouvrage solidairement avec l'ensemble des autres constructeurs de l'ouvrage public, de statuer, en l'absence de contrat de droit privé liant le fabricant au requérant, sur les conclusions dirigées contre ce fabricant.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RÉPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF - RESPONSABILITÉ DÉCENNALE DU FABRICANT.

39-06-01-07-01 Lorsque la responsabilité décennale du fabricant peut être, en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 code civil, engagée solidairement avec celle du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement produit par le fabricant, il appartient au juge administratif, compétent pour statuer sur la responsabilité de ce locateur d'ouvrage solidairement avec l'ensemble des autres constructeurs de l'ouvrage public, de statuer, en l'absence de contrat de droit privé liant le fabricant au requérant, sur les conclusions dirigées contre ce fabricant.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SELARL FLECHEUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-12-13;08ma04408 ?
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