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29/11/2010 | FRANCE | N°08MA02429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2010, 08MA02429


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02429, présentée pour M. Abdelkrim A, demeurant ..., Mme Ghoutia A, demeurant ... en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leurs enfants Latefa, Smain et Mounir, par Me Candon ;

M. Abdelkrim A et Mme Ghoutia A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708121 du 3 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet des Bouches-du-Rhône

rejetant leur demande en réparation du préjudice présentée le 5 octobre 200...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02429, présentée pour M. Abdelkrim A, demeurant ..., Mme Ghoutia A, demeurant ... en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leurs enfants Latefa, Smain et Mounir, par Me Candon ;

M. Abdelkrim A et Mme Ghoutia A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708121 du 3 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant leur demande en réparation du préjudice présentée le 5 octobre 2007, à la condamnation de l'Etat à verser à M. A, la somme de 3 000 euros, à Mme A, celle de 3 000 euros, à Latefa A, celle de 6 750 euros, à Smain A, celle de 6 750 euros et à Mounir A, celle de 1 500 euros en réparation du préjudice moral et matériel subi, outre les intérêts au taux légal depuis l'enregistrement de leur recours, subsidiairement à la date de la réception de leur demande préalable et les intérêts étant eux mêmes capitalisés à cette date et à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 1 196 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'Etat à verser à M. A, la somme de 3 000 euros, à Mme A, celle de 3 000 euros, à Latefa A, celle de 6 750 euros, à Smain A, celle de 6 750 euros et à Mounir A, celle de 1 500 euros en réparation du préjudice moral et matériel subi, outre les intérêts au taux légal depuis l'enregistrement de leur recours, le 18 février 2004, subsidiairement à la date de la réception de leur demande préalable et les intérêts étant eux mêmes capitalisés à cette date ;

3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Candon représentant M. A, Mme A et Mlle A ;

Considérant que M. et Mme A, d'une part et Mlle A, d'autre part relèvent appel du jugement n° 0708121 du 3 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant leur demande présentée le 5 octobre 2007 en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de la décision en date du 23 juillet 2003 portant refus d'admettre le regroupement en faveur de leurs enfants, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

Considérant que, par jugement du 27 décembre 2006 devenu définitif, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 21 juillet 2003 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. A, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 12 août 2003 au motif des erreurs de l'autorité préfectorale dans l'appréciation des ressources et de droit en ne prenant pas en compte le revenus de l'épouse ; que, par décision du 20 décembre 2004, le préfet a accordé le bénéfice du regroupement familial en faveur des enfants Latefa et Smain ; que l'illégalité des refus ainsi opposés constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers M. et Mme A à raison des préjudices certains et directs qu'elle leur a causés ; que, par suite, en estimant qu'aucune faute ne saurait être reconnue à l'encontre de l'administration, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté la demande de M. et Mme A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les demandes indemnitaires de M. et Mme A et de Mlle A ;

Sur le principe de responsabilité :

Considérant que, comme il a été précédemment indiqué, l'illégalité de la décision en date du 21 juillet 2003 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. et Mme A et Mlle A, pour les préjudices certains et directs que cette décision a pu leur causer ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme A :

Considérant que M. et Mme A résidant régulièrement en France, avec leur plus jeune enfant Mounir, ont sollicité le 9 novembre 2002 le bénéfice du regroupement de leurs deux enfants Latefa et Smaïn, nés respectivement en 1986 et 1993, demeurés en Algérie ; qu'à la suite de la décision du 20 décembre 2004, les deux enfants n'ont pu rejoindre leurs parents en France, que le 4 juillet 2005 ;

S'agissant de préjudice matériel allégué :

Considérant que M. et Mme A se prévalent du préjudice matériel qu'a subi leur enfant Smain à raison de la perte de chance de connaître de meilleures conditions matérielles à leur côté en France et de percevoir des prestations familiales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale : Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre (...). ; qu'il résulte des dispositions précitées que le bénéfice du droit aux prestations familiales n'est ouvert qu'aux parents d'enfants ;

Considérant que l'enfant Smain en faveur duquel a été présentée une demande de regroupement familial alors qu'il était encore mineur, ne saurait subir un préjudice à raison de la perte des allocations familiales, dont il n'était pas, en application des dispositions précitées, bénéficiaire ; qu'en outre, la perte de chance alléguée de percevoir l'aide personnalisée au logement et l'allocation de parent de jeune enfant n'est pas en lien direct avec l'illégalité des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône ; qu'enfin, en se bornant à faire état de leur situation de bailleur d'un appartement et de leurs revenus en France, M. et Mme A n'établissent pas que leur enfant aurait vécu dans de meilleures conditions matérielles en France qu'il a connues en Algérie et celles dont il n'est pas apporté aucune précision ; que, par suite, de telles conclusions ne pourront qu'être rejetées ;

S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence allégués :

Considérant que M. et Mme A invoquent le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'ils ont subis, à titre personnel et ceux supportés par leurs enfants Smain et Mounir du fait de la séparation de la famille du 23 juillet 2003, date du refus illégal opposé par le préfet des Bouches du Rhône à la date à laquelle il a été fait droit à la nouvelle demande, soit le 20 décembre 2004, soit pendant une période de quinze mois, après déduction du délai d'instruction de la demande ;

En ce qui concerne le préjudice de M. et Mme A :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice propre à M. et Mme A en condamnant l'Etat à verser aux intéressés, chacun, une indemnité d'un montant de 2 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice de l'enfant Mounir :

Considérant qu'il sera, de même, fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mounir séparé de ses deux frère et soeur demeurés en Algérie, en allouant à M. et Mme A en leur qualité de représentant légal de leur enfant mineur, une indemnité d'un montant de 1 500 euros à laquelle sera condamné l'Etat ;

En ce qui concerne le préjudice de l'enfant Smaïn :

Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'accorder aux requérants en leur qualité de représentant légal de Smaïn, une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence supportés celui-ci, causés par l'illégalité de la décision de refus du bénéfice du regroupement familial ;

Sur les conclusions présentées par Mlle A :

Considérant, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, que Mlle A ne peut utilement soutenir avoir subi un préjudice à raison de la perte des allocations familiales dont elle n'était pas bénéficiaire ; qu'en outre, la perte de chance de percevoir l'aide personnalisée au logement et l'allocation de parent de jeune enfant, alléguée n'est pas en lien direct avec l'illégalité des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de son propre témoignage versé au dossier qu'au cours de la période de référence, elle aurait vécu dans de meilleures conditions matérielles en France que celles vécues en Algérie ;

Considérant, d'autre part, qu'il sera, en revanche, fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués par la requérante du fait de la séparation d'avec ses parents et son jeune frère Mounir, pendant une période de quinze mois, en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 3 000 euros ;

Sur les conclusions aux fins d'intérêts et de capitalisation :

Considérant que, lorsqu'ils ont été demandés et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que M. et Mme A, en leur nom personnel et en leur qualité de représentant légal de Smain et Mounir, d'une part et Mlle A, d'autre part, ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes que l'Etat a été condamné à leur verser à compter du 8 octobre 2007, date de réception par les services préfectoraux de leur demande indemnitaire et non à la date du dépôt de leur demande présentée devant le Tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation du refus d'accorder le regroupement familial ; qu'ils peuvent, en outre, prétendre, dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, à la capitalisation desdits intérêts échus le 8 octobre 2008 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il convient de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de M. et Mme A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 3 mars 2008 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme A la somme de 8 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés au 8 octobre 2008 et à chaque échéance annuelle suivante à compter de cette dernière date.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mlle A la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés au 8 octobre 2008 et à chaque échéance annuelle suivante à compter de cette dernière date.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkrim A, à Mme Ghoutia A, à Mlle Latefa A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

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N° 08MA02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02429
Date de la décision : 29/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RENOUF
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-29;08ma02429 ?
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