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10/11/2010 | FRANCE | N°09MA03896

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 novembre 2010, 09MA03896


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er novembre 2009 sous le n° 09MA03896, présentée pour M. Abdul Chokour A, élisant domicile chez son avocat, Me Belaiche ; M. A demande au président de la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 0902629 du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet d

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er novembre 2009 sous le n° 09MA03896, présentée pour M. Abdul Chokour A, élisant domicile chez son avocat, Me Belaiche ; M. A demande au président de la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 0902629 du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière, ensemble la décision distincte fixant le pays de destination, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

4°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L.911-1 et suivants du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu, enregistré au greffe de la cour le 14 décembre 2009, le mémoire en défense présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ;

................................

Vu, enregistré au greffe de la cour le 17 février 2010, le mémoire en réplique par lequel M. A conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et soutient, en outre, que, dès lors qu'il a déclaré, lors de son interpellation, être personnellement menacé en cas de retour en Afghanistan, il devait être regardé comme formulant une demande d'asile ; que la mesure litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 33-1 de la convention de Genève ; qu'elle méconnaît en outre les dispositions du règlement communautaire CE n°34-2003 du 18 février 2003 ;

Vu la décision, en date du 18 juin 2010, par laquelle le Bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A ;

Vu le mémoire enregistré le 7 octobre 2010 présenté par M. A qui demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la caducité de sa demande d'aide juridictionnelle ayant été constatée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 11 octobre 2010, présenté son rapport et entendu:

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- les observations de Me Belaiche pour M. A ;

Considérant que M. Abdul Chokour A, de nationalité afghane, relève appel du jugement du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière, ensemble la décision distincte fixant le pays de destination et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R.776-11 du code de justice administrative : Dans le cas ou l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance ;

Considérant que M. A a sollicité, dans sa requête introductive d'instance, l'assistance d'un interprète pour l'audience à venir devant le juge de la reconduite ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que lors de cette audience, M. A a été entendu avec l'assistance de M. Bahashti, se présentant comme interprète ; que cependant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. Bahashti ait au préalable prêté serment ou qu'il ait été inscrit sur une liste d'interprètes ; que, dès lors, M. A, dont il est constant qu'il avait besoin d'un interprète et qu'il en avait formulé la demande, et alors même qu'il a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à demander en conséquence son annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière querellé : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A ne peut justifier d'une entrée régulière sur le sol français ; qu'il est constant qu'il ne disposait pas, à la date de l'arrêté de reconduite en litige, d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 1° du II de l'article L.511-1 du code précité ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Verline occupant les fonctions de chef du pôle étranger à la préfecture du Pas de Calais, bénéficiait, par un arrêté préfectoral du 2 février 2009, d'une délégation de signature à l'effet de signer, au nom du préfet, les arrêtés de reconduite à la frontière et les décisions distinctes fixant le pays de destination ; que cette délégation de signature, qui a fait l'objet d'une publication dans le recueil des actes administratifs n°06-2009 de la préfecture, est visée par la mesure litigieuse ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige et la décision distincte fixant le pays de destination ont été prises par une autorité incompétente pour ce faire ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé la reconduite à la frontière de M. A vise les textes dont il est fait application et comporte dans ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivé ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ; que si M. A fait valoir qu'il était mineur à la date de l'arrêté en litige et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'une reconduite à la frontière, il ressort des pièces du dossier qu'il n'apporte au soutien de cette allégation aucun commencement de preuve, ni même l'indication d'une date de naissance précise, alors qu'aux termes du procès verbal d'interpellation en date du 21 septembre 2009, qu'il a signé alors qu'il était assisté d'un interprète, il s'est borné à affirmer être né en 1991 ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soutient que lors de son interpellation, il a formulé le souhait de déposer une demande d'asile et que cette dernière devait faire obstacle à l'édiction de la mesure de reconduite litigieuse jusqu'à ce qu'il y soit statué, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès verbal d'interpellation de M. A que celui-ci n'a nullement présenté une telle demande, arguant ne rien vouloir de la France ; que ce n'est que le 24 septembre 2009 qu'il a sollicité à ce titre son admission au séjour ; que, dès lors, la circonstance qu'il ait déposé une demande d'asile postérieurement à l'arrêté en litige est sans influence sur la légalité de ce dernier ; que par ailleurs, il n'appartenait pas au préfet de regarder M. A comme sollicitant le statut de réfugié dès lors que celui-ci indiquait qu'il fuyait son pays en guerre ;

Considérant en dernier lieu que si M. A fait valoir que seul le préfet de région était compétent pour rejeter sa demande d'admission au séjour en tant que réfugié et qu'en ne statuant pas sur sa demande d'asile, la mesure litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement communautaire CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ces moyens sont en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté de reconduite en litige dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, M. A n'avait pas déposé de demande d'asile à la date de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision en date du 22 septembre 2009 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination de la reconduite a été signée, comme il a été dit ci-dessus, par une autorité compétente, et énonce les circonstances et moyens de fait et de droit qui en sont le fondement ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article 33-1 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ; que si M. A allègue craindre pour sa sécurité et pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, il ne démontre pas, par la seule évocation de la situation générale en Afghanistan, y être personnellement exposé à des risques graves ; qu'ainsi il n'établit pas que la décision fixant le pays de destination de la reconduite méconnaît les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. Abdul Chokour A tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière, ensemble la décision fixant l'Afghanistan comme pays de destination, doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 septembre 2009 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Abdul Chokour A devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Abdul Chokour A, au préfet du Pas-de-Calais et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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07MA00322

PP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 09MA03896
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-10;09ma03896 ?
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