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10/11/2010 | FRANCE | N°09MA03894

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 novembre 2010, 09MA03894


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er novembre 2009 sous le n°09MA03894, présentée pour M. Azratkhan A, élisant domicile chez son avocat, Me Belaiche ; M. Azratkhan A demande au président de la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 0902618 du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le pré

fet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et, d'autre part, à...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er novembre 2009 sous le n°09MA03894, présentée pour M. Azratkhan A, élisant domicile chez son avocat, Me Belaiche ; M. Azratkhan A demande au président de la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 0902618 du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

4°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L.911-1 et suivants du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

.................................

Vu la décision, en date du 18 juin 2010, par laquelle le Bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A ;

Vu le mémoire enregistré le 7 octobre 2010 présenté par M. A qui demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la caducité de sa demande d'aide juridictionnelle ayant été constatée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 11 octobre 2010, présenté son rapport et entendu:

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public,

- les observations de Me Belaiche pour M. A ;

Considérant que M. Azratkhan A, de nationalité afghane, relève appel du jugement du 25 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière, ensemble la décision distincte fixant le pays de destination et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R.776-11 du code de justice administrative : Dans le cas ou l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance ;

Considérant que M. A a sollicité, dans sa requête introductive d'instance, l'assistance d'un interprète pour l'audience à venir devant le juge de la reconduite ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que lors de cette audience, M. A a été entendu avec l'assistance de M. B, se présentant comme interprète ; que cependant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B ait au préalable prêté serment ou qu'il ait été inscrit sur une liste d'interprètes ; que, dès lors, M. A, dont il est constant qu'il avait besoin d'un interprète et qu'il en avait formulé la demande, et alors même qu'il a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à demander en conséquence son annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière querellé : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Azratkhan A ne peut justifier d'une entrée régulière sur le sol français ; qu'il est constant qu'il ne disposait pas, à la date de l'arrêté de reconduite querellé, d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 1° du II de l'article L.511-1 du code précité ;

Considérant, qu'aux termes de l'article R.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 12 mars 2009 portant expérimentation de la régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans la région Nord - Pas-de-Calais : Lorsqu'un étranger se trouvant à l'intérieur du territoire de l'un des départements de la région Nord-Pas-de-Calais (Nord et Pas-de-Calais) demande à bénéficier de l'asile, l'autorité administrative compétente pour l'examen de sa demande d'admission au séjour est le préfet du Nord. Le préfet du Nord reçoit de l'étranger sollicitant l'asile les pièces produites à l'appui de sa demande en application de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il lui délivre l'autorisation provisoire de séjour prévue au premier alinéa de l'article R. 742-1 du même code et lui refuse l'admission au séjour dans les cas prévus à l'article L. 741-4 du même code ;

Considérant que, dans les motifs de l'arrêté de reconduite à la frontière, le préfet du Pas-de-Calais refuse l'admission au séjour de M. A en qualité de demandeur d'asile, au motif qu'elle serait dilatoire au sens des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte toutefois clairement des dispositions précitées de l'arrêté ministériel du 12 mars 2009, pris conformément à l'article R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il donne compétence au seul préfet du Nord pour, d'une part, instruire une demande de séjour d'un demandeur d'asile se trouvant sur le territoire de l'ensemble des départements de la région Nord-Pas-de-Calais et, d'autre part, y statuer notamment, comme en l'espèce, en application de l'article L.741-4 de ce même code ; que cette disposition qui détermine une règle de compétence territoriale des préfets a un caractère réglementaire ; qu'il s'ensuit, en l'état de l'instruction, que le préfet du Pas-de-Calais n'était pas compétent pour refuser d'admettre M. A au séjour en qualité de demandeur d'asile, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande, que l'arrêté du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné la reconduite à la frontière de M. A doit être annulé ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que, par le présent arrêt, la cour prononce l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a ordonné la reconduite à la frontière de M. A ; que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination de cette reconduite doit être annulée ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (...) ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;

Considérant qu'en exécution du présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais ordonnant la reconduit à la frontière de M. A, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au préfet territorialement compétent, outre de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, de se prononcer sur sa situation dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ; que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant au bénéfice de ces dispositions et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0902618 en date du 25 septembre 2009 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé la reconduite à la frontière de M. A, ensemble la décision distincte du même jour fixant l'Afghanistan comme pays de destination de la reconduite sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord Pas-de-Calais de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. Azratkhan A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Azratkhan A, au préfet du Pas-de-Calais, au préfet du Nord Pas-de-Calais et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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07MA00322

PP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 09MA03894
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-10;09ma03894 ?
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