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10/11/2010 | FRANCE | N°09MA03833

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 novembre 2010, 09MA03833


Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 27 octobre 2009 sous le n° 09MA03833, présentée pour M. Taher A, élisant domicile chez son avocat, Me Vincensini ; M. Taher A demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906102 du 26 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et

la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de sa re...

Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 27 octobre 2009 sous le n° 09MA03833, présentée pour M. Taher A, élisant domicile chez son avocat, Me Vincensini ; M. Taher A demande au président de la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906102 du 26 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de l'admettre provisoirement au séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, d'une part, de l'admettre provisoirement au séjour et, d'autre part, de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en application des dispositions des articles L.911-1 et suivants du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

...............................

Vu, II, la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 2009 sous le n° 09MA03834, présentée pour M. Taher A, qui demande au président de la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 0906102 du 26 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite et, d'autre part, à ce que soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de l'admettre provisoirement au séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, d'une part, de l'admettre provisoirement au séjour et, d'autre part, de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en application des dispositions des articles L.911-1 et suivants du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

...............................

Vu la décision, en date du 9 novembre 2009, par laquelle le Bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, par laquelle le président de la cour a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 11 octobre 2010, présenté son rapport et entendu:

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- les observations de Me Vincensini pour M. A ;

Sur la jonction des requêtes :

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n°09MA03833 :

Considérant que M. Taher A, de nationalité afghane, relève appel du jugement du 26 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé sa reconduite à la frontière et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de l'admettre provisoirement au séjour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière querellé : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (.....) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ;

Considérant que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui sur le fondement des dispositions des 2° à 4° de l'article L.741-4 du même code que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider la reconduite à la frontière de l'étranger ;

Considérant que, pour ordonner la reconduite à la frontière de M. A, le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé sur la circonstance, notamment, que l'intéressé a déclaré, lors de son interpellation, ne pas avoir ni vouloir déposer une demande d'asile en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du procès verbal de son audition par les services de police, que M. A a explicitement affirmé, dès lors qu'il lui était refusé de le laisser partir en Grande-Bretagne, vouloir déposer une demande d'asile ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère abusif ou non d'une telle demande au sens de l'article L.741-4 précité, le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait ordonner la reconduite à la frontière de M. A sans avoir préalablement statué sur sa demande d'asile ; que, dès lors, l'arrêté du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné la reconduite à la frontière de M. A est entaché d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a ordonné sa reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que, par le présent arrêt, la cour prononce l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a ordonné la reconduite à la frontière de M. A ; que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination de M. A doit être annulée ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;

Considérant qu'en exécution du présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au préfet territorialement compétent, outre de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, de se prononcer sur sa situation dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) ; que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions précitées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vincensini, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à Me Vincensini ;

Sur la requête n°09MA03834 :

Considérant que le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement contesté, il n'y a plus lieu pour la cour de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution dudit jugement ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n°09MA03834 présentée par M. A.

Article 2 : Le jugement n° 0906102 en date du 26 septembre 2009 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 3 : L'arrêté en date du 22 septembre 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé la reconduite à la frontière de M. A, ensemble la décision distincte du même jour fixant l'Afghanistan comme pays de destination de la reconduite, sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Nord Pas-de-Calais de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Vincensini une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Vincensini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Taher A, au préfet du Pas-de-Calais, au préfet de région Nord Pas-de-Calais et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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07MA00322

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 09MA03833
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-10;09ma03833 ?
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