Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008, présentée pour la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN, dont le siège est Domaine de Saint Quentin, à Oppedette (04110), représentée par son gérant en exercice, par Me Biros ; la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405549 du 3 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, et des majorations y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................................................................................
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Menasseyre, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public.
Considérant que la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN, qui exploite le domaine agricole de Saint Quentin et a opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée a fait l'objet, en 2000, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, à l'issue de laquelle l'administration a partiellement remis en cause, selon la procédure contradictoire, un crédit de taxe que la société avait fait figurer sur les déclarations qu'elle avait souscrites, au motif que la taxe déduite par la société avait grevé les éléments du prix d'opérations qui n'étaient pas imposables ; que l'administration, qui avait procédé au remboursement partiel de ce crédit, a mis en recouvrement les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la différence entre le montant des crédits de taxe déclarés par la société en 1997 et 1998, et le montant des seuls crédits auxquels elle estimait que la société pouvait prétendre au terme de chacune de ces périodes ; que la société demande à la Cour d'annuler le jugement du 3 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, et des majorations y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de la motivation de la notification de redressement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une notification est suffisamment motivée lorsqu'elle indique l'impôt concerné, l'année d'imposition, les bases et les motifs du redressement ; que la régularité d'une notification de redressement au regard des exigences de motivation découlant de ces dispositions s'apprécie chef de redressement par chef de redressement ;
Considérant qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement adressée le 17 mai 2000 à la société requérante que le vérificateur y a indiqué d'une part que la taxe qui avait grevé les travaux de transformation d'un hangar agricole en salle de gymnastique ne pouvait donner lieu à aucune déduction, dès lors que ces locaux, utilisés comme salle de sport n'avaient pas été utilisés à une activité agricole, et avaient été mis à disposition à titre gratuit, et, d'autre part, qu'aucune déduction de taxe sur la valeur ajoutée relative aux travaux de rénovation et d'aménagement d'une maison utilisée en chambre d'hôte ne pouvait être admise, cette activité n'étant pas exercée dans des conditions proches de l'hôtellerie ; qu'il a par ailleurs partiellement remis en cause les déductions de taxe sur la valeur ajoutée sur frais généraux opérées par la société dans la mesure qu'il a estimée correspondre à ces activités n'ouvrant pas droit à déduction ; qu'il a indiqué que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort au titre de ces travaux, et contribuant au crédit de taxe déclaré par la société au 31 décembre 1996 pour un montant de 849 873 francs et reportable sur 1997 s'élevait à la somme de 762 982 francs, et que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur frais généraux déduite à tort s'élevait à la somme de 13 270 francs au titre de l'année 1997, et de 18 085 francs au titre de l'année 1998 ; que si cette notification a ainsi clairement indiqué la nature et les motifs des rappels en cause, et si elle en indiquait le montant global, elle ne permettait pas de connaître le montant exact du chef de redressement correspondant à la remise en cause de la taxe déduite au titre d'opérations liées à la mise à disposition d'un hangar rénové, pas plus que celui du chef de redressement correspondant au refus d'admettre la déductibilité de la taxe relative à la location de gîtes ; que cette carence ne permettait pas à la société vérifiée de mesurer la portée d'une éventuelle acceptation de l'un ou l'autre de ces chefs de redressements ; que la notification du 17 mai 2000 ne répondait, par suite, pas aux exigences des dispositions susmentionnées ; que la circonstance que la société a contesté les rappels en cause n'a pas eu pour effet de couvrir cette irrégularité ; qu'est, de même, sans influence sur le caractère suffisant de cette motivation le fait que chacun des redressements repose sur un fondement identique, tiré de l'impossibilité de déduire la taxe qui a grevé les éléments du prix d'une opération qui n'est pas taxable ; qu'est encore sans influence la circonstance que la société n'avait pas suivi, alors même qu'elle y était tenue, les opérations de manière distincte en comptabilité ; qu'enfin, à supposer même que l'exploitation des nombreuses factures dont la production par la société n'est pas contestée, n'ait pas permis d'établir de manière aisée une répartition des dépenses correspondant à chacune des activités concernées, il appartenait au vérificateur de proposer, à l'issue des opérations de contrôle et du débat oral et contradictoire qui les caractérise, une telle répartition en indiquant dans la notification de redressement les éléments lui paraissant devoir présider à la répartition retenue, et qui auraient pu être discutés dans le cadre de la procédure contradictoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration a insuffisamment motivé les redressements notifiés pour un montant global de 762 982 francs, correspondant à la remise en cause partielle du crédit de taxe sur la valeur ajoutée reportable déclaré par la société au 31 décembre 1996, alors qu'ils correspondaient à deux chefs de chef de redressement bien distincts ;
S'agissant de l'intervention de l'interlocuteur départemental :
Considérant que la société soutient qu'elle a été irrégulièrement privée de la garantie représentée par la possibilité de soumettre à l'appréciation de l'interlocuteur départemental les désaccords persistant entre l'administration et le contribuable ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que par courrier en date du 25 septembre 2000 adressé après qu'elle eut reçu la réponse à ses observations du contribuable, elle a demandé que soient mises en oeuvre toutes les procédures administratives et/ou hiérarchiques de toute nature susceptibles d'être offertes aux contribuables faisant l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'à la suite de cette demande, la contestation de la société a été soumise à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'eu égard à la rédaction ambiguë de ce courrier d'une part quant à la garantie dont la société entendait faire usage, et d'autre part, quant au caractère alternatif ou cumulatif des garanties invoquées, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été irrégulièrement privée de l'intervention de l'interlocuteur départemental ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, qu'aux termes du B de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent (...) b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception : 1. Des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou des secteurs ayant une fonction similaire (...). Les Etats membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que ne peuvent faire l'objet d'une exonération, dans la législation des Etats membres, les locations de logements meublés qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières ; que les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 18 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : a. aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classes (...) b. aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni lorsque l'exploitant offre, en plus de l'hébergement, le petit-déjeuner, le nettoyage quotidien des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle et qu'il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés au titre de cette activité ; que si ces dispositions sont incompatibles avec les objectifs de l'article 13 précité de la sixième directive en tant qu'elles subordonnent l'exonération des prestations de mise à disposition d'un local meublé aux conditions cumulatives énumérées au b, en revanche, elles demeurent compatibles avec les objectifs de l'article 13 en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ;
Considérant que la simple circonstance que la société requérante soit en mesure de produire neuf attestations émanant de personnes ayant séjourné dans la chambre d'hôtes qu'elle exploite, et faisant état de ce que ces personnes se sont vu servir un petit déjeuner, et, parfois, un ou plusieurs repas, n'est pas de nature à permettre de tenir pour établi, en l'absence de toute autre circonstance concernant notamment la fourniture du linge de maison et la façon dont étaient assurés le service de réception ou les prestations de nettoyage, que les prestations délivrées par la société l'étaient dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle ; que dès lors son activité, faute de pouvoir être assimilée à celle d'une entreprise hôtelière, ne concurrençait pas, même potentiellement, celle des hôtels environnants ; qu'ainsi cette activité doit être regardée comme entrant dans les prévisions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts en tant qu'elles demeurent compatibles avec les objectifs de l'article 13 précité de la sixième directive ; que, par suite, l'administration était fondée à remettre en cause l'assujettissement des recettes tirées de cette activité à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN est, seulement dans la mesure résultant des motifs susexposés, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, et à demander, dans cette mesure, la décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN, et les majorations y afférentes seront calculés en réintégrant dans le montant du crédit de taxe reportable disponible au 31 décembre 1996 la somme de 762 982 francs.
Article 2 : Il est accordé à la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN décharge de la différence entre le montant des droits primitivement assignés et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 décembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA DOMAINE DE SAINT QUENTIN et au ministre de budget, des comptes publics, et de la réforme de l'Etat.
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N° 08MA00460