Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02140, le 21 avril 2008, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) BLEU PASSION, représentée par sa gérante en exercice, dont le siège social est sis 28 rue Emile Zola à Carcassonne (11000), la société anonyme (SA) CLIPPER, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis Sainte-Croix à Carcassonne (11000) et la société civile immobilière (SCI) KIWI, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est sis Sainte-Croix à Carcassonne (11000), par Me Margall, avocat ;
La SARL BLEU PASSION, la SA CLIPPER et la SCI KIWI demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503011 du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Agde à verser, d'une part, à la SARL BLEU PASSION la somme de 167 694,02 euros, d'autre part, à la SA CLIPPER la somme de 106 715 euros et, enfin, à la SCI KIWI la somme de 152 449 euros, lesdites sommes devant être assorties des intérêts de droit à compter du 22 octobre 2001, en réparation des préjudices subis par ces sociétés du fait de la destruction, effectuée par ladite commune, de constructions et matériels situés sur la plage d'Agde ;
2°) de condamner la commune d'Agde à verser, d'une part, à la SCI KIWI, une somme de 137 204 euros en réparation du préjudice correspondant à la destruction et la perte de matériels lui appartenant, ainsi qu'une somme de 15 245 euros au titre du préjudice moral, d'autre part, à la SA CLIPPER, une somme de 91 470 euros en réparation du préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 15 245 euros au titre du préjudice moral, et, enfin, à la SARL BLEU PASSION, une somme de 152 449 euros, somme à parfaire au besoin par voie d'expertise, correspondant à la perte de bénéfices depuis le 21 juin 1999, date d'enlèvement ou de la destruction des biens affectés à l'exploitation, ainsi qu'une somme de 15 245 euros au titre du préjudice moral, outre une somme de 1 803,26 euros correspondant aux frais d'expertise acquittés à M. Mailhac, lesdites sommes devant être assorties des intérêts de droit à compter du 22 octobre 2001, date de l'introduction de leur action ;
3°) de condamner la commune d'Agde à leur verser, pour chacune d'entre elles, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles font valoir que la SARL BLEU PASSION a, en vertu d'un sous-traité de concession pour l'exploitation d'un terre-plein portuaire la liant à la SODEAL, édifié une construction à usage de restaurant de plage sur la commune d'Agde ; que l'exploitation du lot de plage s'est poursuivie régulièrement jusqu'à la fin de la saison 1997, date à laquelle la SODEAL a refusé de reconduire la SARL BLEU PASSION en qualité de sous concessionnaire et a sollicité son expulsion du domaine public maritime au motif que les constructions autorisées n'avaient pas été démontées au 30 octobre de l'exercice considéré ; que cette demande a été rejetée par une ordonnance du 4 janvier 1997, confirmée en appel par un arrêt de la Cour de céans du 26 février 1998 ; que, par une délibération du 11 février 1999, le conseil municipal de la commune d'Agde a décidé de proroger pour une année les traités de concession et, par une délibération du 26 avril suivant, a décidé que les sous traités d'exploitation étaient soumis au même régime juridique ; que c'est ainsi, que les 20 et 21 juin 1999, la SARL BLEU PASSION a procédé à l'installation de son local de plage et ses matériels d'exploitation ; qu'à la suite d'un constat d'huissier établi le 20 juin 1999, le maire de la commune, estimant que lesdites constructions avaient été édifiées sans permis de construire et réalisées dans des conditions de nature à présenter un danger pour le public, compte tenu des risques de leur destruction sous l'effet de violentes rafales de vent, a fait procéder, les 22, 23 et 24 juin 1999, à la destruction et à l'enlèvement de tous les matériels en cause ; qu'estimant avoir subi un préjudice, du fait de la destruction et de l'enlèvement de ces matériels, elles ont adressé une demande d'indemnisation à la commune d'Agde, et, en l'absence de réponse de cette collectivité, ont saisi le Tribunal administratif de Montpellier d'un recours indemnitaire, qui a été rejeté par le jugement attaqué ;
Elles soutiennent, en premier lieu, qu'en estimant que les préjudices qu'elles invoquaient n'étaient imputables qu'à leur propre fait, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de fait et d'appréciation ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que les biens leur appartenant ont été enlevés d'autorité par la commune d'Agde sans que cette intervention ne soit autorisée par aucun acte administratif, tel qu'un arrêté municipal, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le maire de cette commune dans un courrier daté du 1er décembre 2000 ; que si, dans ce même courrier, le maire de cette collectivité a justifié son action par la nécessité d'agir d'office dans une situation de danger grave et imminent, compte tenu notamment des rafales de vent violentes, elles ont démontré en première instance que les relevés météorologiques du 21 juin 1999 faisait état de vents raisonnables pour la plage d'Agde ; qu'en se fondant, pour écarter toute responsabilité de la commune, sur le courrier du maire notifié le 5 juillet 1999 à la SARL BLEU PASSION, et en occultant les demandes des deux autres sociétés, lesquelles n'ont pas été avisées de ce que les biens étaient à leur disposition, ainsi qu'en omettant de se prononcer sur le fait que des biens ont été détruits et endommagés et pas seulement confisqués, les premiers juges ont statué infra petita et commis une erreur d'appréciation ;
Elles soutiennent, en deuxième lieu, que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public de la SARL BLEU PASSION pour écarter les demandes indemnitaires des trois sociétés requérantes dès lors que les autorités municipales n'ont pas fondé leur intervention sur un tel motif, laquelle était uniquement justifiée par la protection de la sécurité publique et l'urgence ;
Elles soutiennent, en troisième lieu, que la responsabilité de la commune d'Agde à leur encontre doit être retenue, dès lors que le motif tiré des circonstances météorologiques exceptionnelles ou des nécessités dues à l'urgence n'est pas établi, la station de Météo France de Sète ayant mesuré le 21 juin 1999 une vitesse de vent de 29 à 47 km/h et aucun dommage causé par le vent ce jour-là n'ayant été signalé ; que l'intervention des autorités municipales sans l'intervention préalable d'un acte administratif ou d'une décision de justice les y autorisant porte atteinte à leurs droits fondamentaux tel que le droit de propriété, protégé tant par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1798 que par l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à leur égard ; que la circonstance que les faits litigieux seraient le fait du Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ; qu'à supposer que l'intervention de la commune ait été justifiée par une tempête de vent survenue le 21 juin 1999, l'administration avait l'obligation de mettre en demeure la SARL BLEU PASSION de prendre toute mesure de sécurité appropriée et, en cas de défaillance de celle-ci, de mettre en oeuvre toute mesure adaptée et strictement limitée à ce qui était commandé par l'urgence et les impératifs de sécurité ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qui a été avancé par la commune, ni l'urgence ni les impératifs de sécurité ne justifiaient l'intervention des services municipaux dès lors, d'une part, que les murs ne pouvaient s'écrouler en l'absence de tempête et la présence de grappes de clous n'était due qu'à l'intervention de la commune et, d'autre part, que l'opération de démolition et d'enlèvement des matériels s'est poursuivie pendant une durée de quatre jours ; qu'aucun risque pour la sécurité publique ne pouvait être invoqué concernant la présence de containers remplis de matériels de plages, qui ne présentaient aucun risque de déplacement intempestif et dont l'enlèvement s'est achevé 55 jours après la prétendue tempête de vent ;
Elles soutiennent, en quatrième lieu, à titre subsidiaire, qu'elles entendent invoquer, pour la première fois en appel, ce qu'elles sont recevables à faire, dès lors qu'il s'agit d'un moyen d'ordre public, la responsabilité sans faute de la commune d'Agde à raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ; qu'il appartenait aux premiers juges de soulever d'office ce fondement, ce qui, à défaut, entraîne l'irrégularité de leur jugement ; qu'en effet, il est constant que, seules les sociétés requérantes, dont l'autorisation d'occupation du domaine public n'avait pas été renouvelée pour la saison estivale de 1999 et qui étaient ainsi dans le même situation que les autres sociétés installées sur le domaine public sans autorisation, ont subi la confiscation et la destruction de leurs biens matériels ; qu'ainsi, elles justifient, à ce titre, d'un préjudice anormal et spécial ;
Elles soutiennent, enfin, sur l'étendue de leur préjudice, que la SARL BLEU PASSION disposait, pour l'exercice de son activité, de nombreux matériels qui sont aujourd'hui soit perdus, soit détériorés soit détruits ; que le préjudice subi à ce titre par la SA CLIPPER et la SCI KIWI, propriétaires des biens en cause, est égal à la valeur d'acquisition des matériels, soit la somme de 228 673 euros ; que lesdites société ont également subi un préjudice moral qui doit être évalué à 15 245 euros pour chacune d'entre elles ; que la SARL BLEU PASSION a subi un préjudice d'exploitation, depuis le 21 juin 1999, date d'enlèvement ou de la destruction des matériels affectés à son activité ainsi qu'un préjudice moral devant être évalué à la somme de 15 245 euros, outre une somme de 1 803,26 euros correspondant aux honoraires de l'expert désigné par la juridiction judiciaire ;
Vu l'exemplaire original de la requête susvisée, enregistré le 23 avril 2008 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2009, présenté pour la commune d'Agde, représentée par son maire en exercice, par Me Brunel, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que les sociétés appelantes soient condamnées à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ;
Elle fait valoir, en premier lieu, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé, d'une part, que la SARL BLEU PASSION était à l'origine de son préjudice puisqu'elle avait implicitement refusé de récupérer le matériel installé sur le lot de plage et, d'autre part, que ladite société ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'exploitation dès lors qu'elle ne disposait d'aucune autorisation d'occupation du domaine public ; que si les sociétés requérantes soutiennent que les matériels en cause ont été enlevés alors qu'il n'existait aucune nécessité d'intervenir d'office pour parer à une situation de danger grave et imminent, il résulte du rapport d'intervention des sapeurs pompiers, établi le 21 juin 1999, qu'à la suite de fortes rafales de vent, les panneaux de bois installés par la SARL BLEU PASSION présentaient un danger grave et imminent pour la sécurité publique ; que, si les sociétés requérantes soutiennent également que la SA CLIPPER et la SCI KIWI n'ont pas été avisées de ce que les matériels déposés étaient mis à leur disposition pour une éventuelle récupération, la commune d'Agde ignorait l'existence de ces deux sociétés qui ne sont apparues que quatre ans après les faits, lors de l'expertise diligentée par les juridictions judiciaires et alors que ces sociétés n'existaient pas à la date des faits en litige ;
Elle fait valoir, en deuxième lieu, que la SARL BLEU PASSION, qui n'est pas propriétaire des biens en cause, ne justifie d'aucun intérêt lui conférant qualité pour agir à l'encontre de la commune d'Agde ; que le préjudice allégué résulte de sa propre turpitude ; qu'il en est de même s'agissant de la SA CLIPPER et de la SCI KIWI, qui ne sont pas liées contractuellement à la commune d'Agde, et qui ne peuvent réclamer une indemnité pour le préjudice qu'elles estiment avoir subi qu'à la SARL BLEU PASSION, en vertu des relations contractuelles de droit privé existant entre elles ; que l'action des sociétés requérantes à son égard fondée sur la faute résultant d'une voie de fait est irrecevable dès lors que l'autorité de la chose jugée par le jugement du 15 novembre 2004 du Tribunal de Grande Instance de Béziers, devenu définitif, a écarté l'existence d'une voie de fait ;
Elle fait valoir, en troisième lieu, sur le fond, que les matériels en cause ont été enlevés par les services du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et non par les services municipaux ; qu'en tout état de cause, l'enlèvement de ces matériels était rendu nécessaire par le danger grave et imminent qu'ils présentaient pour la sécurité des usagers de la plage compte tenu des fortes rafales de vent ; que son intervention d'office pour parer à ce danger ne nécessitait ni mise en demeure préalable ni arrêté municipal ; qu'en outre, la construction édifiée par la SARL BLEU PASSION a été effectuée sans aucune autorisation et alors que ladite société ne disposait d'aucun titre pour occuper le domaine public ; qu'ainsi aucune faute ne peut être reprochée à la commune ; que sa responsabilité sans faute ne peut davantage être retenue compte tenu de la situation irrégulière de la SARL BLEU PASSION ; que la SARL BLEU PASSION est seule responsable de la disparition des matériels en litige dès lors qu'elle n'a pas donné suite à la correspondance adressée par les services municipaux l'invitant à les récupérer et alors que les services communaux ont assuré une surveillance de ces matériels ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Brunel pour la commune d'Agde ;
Considérant que la commune d'Agde, qui avait reçu de l'Etat, selon un procès-verbal de mise à disposition du 10 mars 1984, la gestion des ouvrages portuaires du Cap d'Agde, notamment les terre-pleins portuaires, a accordé à la société EFAC, par un sous-traité d'exploitation, prenant effet le 1er janvier 1988 pour une durée de onze ans, l'exploitation du terre-plein portuaire dit de la plage Ouest, portion de la plage naturelle de Richelieu ; que la société EFAC a cédé son fonds de commerce à la SARL BLEU PASSION par un contrat en date du 8 avril 1991, lequel indiquait qu'était cédé le droit pour le temps qui reste à courir à partir de l'entrée en jouissance du contrat de concession n° 8 de la partie de la plage Richelieu intervenu avec la commune d'Agde ; que la Société de Développement Economique d'Agde et de son Littoral (SODEAL), gestionnaire pour le compte de la commune d'Agde, des concessions de plage et des terre-pleins portuaires, a constaté que la SARL BLEU PASSION était venue aux droits de la société EFAC, par un avenant au sous-traité initial en date du 27 juin 1991, lequel indiquait qu'à la fin de chaque saison au 30 octobre au plus tard, le bénéficiaire du sous-traité devait procéder au démontage des installations mises en place en début de saison ; qu'à la fin de l'année 1997, la société SODEAL a refusé de reconduire la SARL BLEU PASSION en qualité de sous-concessionnaire pour l'exploitation de ce lot de plage ; que le 20 juin 1999, la SARL BLEU PASSION a entrepris, sur le lot de plage concerné, la construction d'un chalet à usage de restauration ; que le 21 juin 1999, les services municipaux, alertés par les usagers de la plage des risques présentés par ladite construction, du fait de fortes rafales de vent et après l'intervention des sapeurs pompiers, ont procédé à l'enlèvement de l'ensemble des matériels installés sur ce lot de plage ; que le 14 février 2005, la SARL BLEU PASSION, en sa qualité d'exploitante de la construction en cause, la SA. CLIPPER et la SCI KIWI, propriétaires des biens en cause, ont saisi la commune d'Agde d'une demande aux fins d'indemnisation à raison des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de l'enlèvement ou de la destruction des matériels en litige ; qu'en l'absence de réponse expresse de la commune à ladite demande, lesdites sociétés ont saisi, le 1er juin 2005, le Tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Agde à verser, d'une part, à la SARL BLEU PASSION la somme de 167 694,02 euros, d'autre part, à la SA CLIPPER la somme de 106 715 euros et, enfin, à la SCI KIWI la somme de 152 449 euros, lesdites sommes devant être assorties des intérêts de droit à compter du 22 octobre 2001, en réparation des préjudices ainsi subis ; que la SARL BLEU PASSION, la SA CLIPPER et la SCI KIWI relèvent appel du jugement en date du 22 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la SA CLIPPER et la SCI KIWI, en leur qualité de propriétaires des biens matériels en cause ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait statué infra petita doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort également de l'examen du jugement attaqué, d'une part, que ce dernier mentionne qu'il n'est pas contesté que les matériels en litige étaient dans un état général satisfaisant à la date du 30 juin 1999, date du courrier du secrétaire général de la commune d'Agde invitant la SARL BLEU PASSION à récupérer les matériels ayant été enlevés du lot de plage en question ; qu'ainsi, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que les premiers juges auraient occulté le fait que les biens en litige auraient pu faire l'objet d'une détérioration ou d'une destruction ; que, d'autre part, les premiers juges n'ont pas davantage ignoré le fait que la SA CLIPPER et la SCI KIWI n'avaient pas été destinataires du courrier en cause dès lors que le jugement attaqué mentionne que la SARL BLEU PASSION devait être regardée comme étant le propriétaire apparent des matériels en cause et, en tout état de cause, comme en ayant juridiquement la garde ; que, ce faisant, le tribunal administratif a considéré implicitement mais nécessairement que la correspondance du 30 juin 1999 était opposable aux deux autres sociétés ; qu'il suit de là que les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement pour écarter toute responsabilité de la commune dans la survenance des préjudices, de perte ou de destruction de matériels, allégués par les sociétés CLIPPER et KIWI, propriétaires des biens en litige ;
Considérant, en troisième lieu, que le tribunal administratif en rejetant les conclusions indemnitaires des sociétés requérantes sur le terrain de la responsabilité pour faute, seul fondement invoqué devant lui par lesdites sociétés, a nécessairement jugé que la responsabilité de cette collectivité publique ne pouvait davantage être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisante motivation en ne se prononçant pas explicitement sur l'existence de cette responsabilité ; que le tribunal administratif n'a pas davantage entaché son jugement d'irrégularité en ne soulevant pas d'office un tel fondement d'ordre public dès lors qu'ils l'ont nécessairement écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune d'Agde à la demande de première instance ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
Considérant, en premier lieu, que, pour exclure tout droit à indemnisation du préjudice, invoqué par la SCI KIWI, propriétaire des éléments de construction du restaurant de plage et par la SA CLIPPER, propriétaire des matériels d'exploitation du restaurant, qu'elles avaient loués à la SARL BLEU PASSION, résultant de la perte ou de la destruction de ces matériels, le tribunal administratif a estimé que le lien de causalité direct entre ce préjudice et la faute alléguée de la commune n'était pas établi, dès lors que la perte ou destruction de ces matériels résultait du refus implicite de la SARL BLEU PASSION, propriétaire apparent de ces matériels et constructions et qui en avait la garde juridique, de procéder à leur récupération malgré l'invitation qui lui en avait été faite par le secrétaire général de la commune d'Agde, par un courrier du 30 juin 1999, et alors qu'il n'était pas contesté, qu'à cette date, les matériels en cause étaient dans un état général satisfaisant ;
Considérant, d'une part, qu'en persistant à soutenir, en appel, que le maire de la commune d'Agde a agi d'autorité en enlevant les matériels en cause sans que son action se fonde sur un acte administratif ou sur une décision de justice ordonnant l'expulsion du domaine public de la SARL BLEU PASSION, que la situation d'urgence et de péril imminent pour la sécurité du public invoquée par le maire pour justifier son intervention d'office n'était pas démontrée dès lors que les relevés météorologiques du 21 juin 1999 faisaient état de vents raisonnables pour la plage d'Agde, les sociétés requérantes ne contestent pas utilement le jugement attaqué qui ne s'est pas prononcé sur l'existence ou non d'une faute commise par le maire de la commune mais a dénié l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la perte ou la détérioration des matériels et la faute alléguée ;
Considérant, d'autre part, que les sociétés appelantes font valoir que le tribunal administratif ne pouvait, pour écarter tout droit à indemnisation du préjudice invoqué par la SA CLIPPER et la SCI KIWI, se fonder sur la correspondance précitée du secrétaire général de la commune uniquement notifiée à la SARL BLEU PASSION alors que les deux autres sociétés n'avaient pas, pour leur part, été avisées de ce que les biens en cause étaient à leur disposition ; que, toutefois, ainsi que l'ont à juste titre estimé les premiers juges, ce courrier était opposable aux sociétés CLIPPER et SCI KIWI, dès lors que la SARL BLEU PASSION, qui était seule connue de la Ville, à la date des faits litigieux, devait être regardée comme ayant la garde juridique de ces matériels et constructions ; que si, en appel, les sociétés appelantes font valoir que la circonstance que la SARL BLEU PASSION ne se soit pas manifestée pour récupérer les matériels en cause était sans incidence sur le droit à réparation de ce préjudice dès lors qu'à la date du courrier en cause, les biens étaient d'ores et déjà détruits ou endommagés, elles n'établissent pas la réalité de leurs allégations, alors que la commune d'Agde a produit au dossier de première instance une note de service datée du 28 juin 1999 donnant des instructions pour la surveillance des matériels stockés dans les locaux de la municipalité ; qu'ainsi, en estimant que le préjudice dont il était demandé réparation était imputable à leur propre fait, le tribunal administratif n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation ;
Considérant, en tout état de cause, que le maire d'une commune, dans le cadre des pouvoirs de police générale qu'il détient, en vertu des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, peut, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées à cette situation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'information de la police municipale établi le 21 juin 1999, du rapport émanant du service départemental d'incendie et de secours ainsi que du constat d'huissier établis le même jour que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, le maire de la commune d'Agde était dans une situation d'urgence créant un péril grave et imminent pour la sécurité des usagers de la plage ; que les éléments de fait très précis contenus dans ces documents, notamment quant à l'existence de fortes rafales de vent le 21 juin 1999, ne sont pas combattus par les affirmations des sociétés requérantes selon lesquelles les vents, ce jour-là, n'étaient pas d'une grande intensité selon les données de Météo France de la station la plus proche d'Agde, données qu'elles n'ont versées au dossier ni en première instance ni en appel ; qu'eu égard à cette situation d'urgence et de péril pour la sécurité publique, le maire de la commune d'Agde n'a commis aucune faute en décidant, dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, dont l'exercice n'était subordonné ni à l'envoi à la SARL BLEU PASSION d'une mise en demeure préalable d'enlèvement de ces matériaux, ni à la prise d'un arrêté municipal ni même à l'intervention d'une décision de justice, de procéder au démontage et à l'enlèvement des constructions irrégulièrement édifiées par la SARL BLEU PASSION, de telles mesures étant nécessaires et appropriés au risque présenté par les constructions et matériels en cause ;
Considérant, en deuxième lieu, que les sociétés appelantes soutiennent que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en se fondant sur l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public détenue par la SARL BLEU PASSION pour écarter les demandes indemnitaires des trois sociétés requérantes alors que les autorités municipales n'ont pas fondé leur intervention sur un tel motif mais l'ont uniquement justifiée par la protection de la sécurité publique et l'urgence ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué, que les premiers juges se sont fondés sur l'occupation irrégulière du domaine public par la SARL BLEU PASSION pour rejeter la demande de cette société tendant à obtenir réparation du préjudice d'exploitation qu'elle invoquait ; qu'en revanche, les premiers juges ne se sont nullement fondés sur cette occupation irrégulière pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la SA CLIPPER et la SCI KIWI ;
Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge de constater, d'office, si les conditions d'engagement de la responsabilité d'une collectivité publique sont réunies ; qu'en l'espèce, en constatant que la situation illégitime de la SARL BLEU PASSION sur le domaine public faisait obstacle à ce qu'elle puisse réclamer une indemnité au titre d'un préjudice d'exploitation, lequel était lié à sa situation illégitime, le tribunal administratif a vérifié si les conditions d'engagement de la responsabilité de la collectivité publique, au nombre desquelles figure le caractère indemnisable d'un préjudice, étaient, en l'espèce, réunies ; que, par suite, en se fondant sur la situation irrégulière de la SARL BLEU PASSION sur le domaine public pour rejeter toute indemnisation du préjudice d'exploitation invoqué par ladite société, alors même que l'intervention des autorités communales n'était pas fondée sur un tel motif, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, que pas plus en première instance qu'en appel les sociétés requérantes n'établissent l'existence du préjudice moral dont elles demandent réparation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la commune d'Agde sur le terrain de la faute ;
En ce qui concerne la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques :
Considérant que, pour demander l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune d'Agde, les sociétés appelantes font valoir qu'elles ont été les seules occupantes sans titre du domaine public à subir la confiscation et la destruction de leurs biens matériels et qu'ainsi, elles justifient, à ce titre, d'un préjudice anormal et spécial ;
Considérant, en tout état de cause, que le caractère spécial du préjudice allégué n'est pas établi ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune d'Agde pour rupture d'égalité devant les charges publiques;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BLEU PASSION, la SA CLIPPER et la SCI KIWI ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Agde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser aux sociétés appelantes, une somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la SARL BLEU PASSION, la S.A. CLIPPER et la SCI KIWI à payer, pour chacune d'entre elles, une somme de 500 euros à la commune d'Agde, sur le fondement de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL BLEU PASSION, de la SA CLIPPER et de la SCI KIWI est rejetée.
Article 2 : La SARL BLEU PASSION, la SA CLIPPER et la SCI KIWI sont condamnées à payer, pour chacune d'entre elles, une somme de 500 euros (cinq cents euros) à la commune d'Agde, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BLEU PASSION, à la SA CLIPPER, à la SCI KIWI et à la commune d'Agde.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2010, où siégeaient :
- M. Moussaron, président de chambre,
- Mme Buccafurri, président assesseur,
- Mme Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2010.
Le rapporteur,
I. BUCAFFURRILe président,
R. MOUSSARON
Le greffier,
V. DUPOUY
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
''
''
''
''
N° 08MA02140 2