La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2010 | FRANCE | N°08MA01775

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 5, 28 septembre 2010, 08MA01775


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 avril 2008, présentée pour la SOCIETE SIORAT, dont le siège est lieu-dit le Griffolet à Ussac (19270), par Me Grange et associés, avocats ;

La SOCIETE SIORAT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500189 du 29 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation :

- de la décision en date du 26 février 2004 par laquelle la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône a rejeté son offre p

our le marché de requalification de l'autoroute A55 dans le sens Fos-Marseille entr...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 avril 2008, présentée pour la SOCIETE SIORAT, dont le siège est lieu-dit le Griffolet à Ussac (19270), par Me Grange et associés, avocats ;

La SOCIETE SIORAT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500189 du 29 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation :

- de la décision en date du 26 février 2004 par laquelle la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône a rejeté son offre pour le marché de requalification de l'autoroute A55 dans le sens Fos-Marseille entre les PR 29+400 et 21+000,

- de la procédure de passation du marché relatif à la requalification de l'autoroute A55 dans le sens Fos-Marseille,

- de la décision de la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône d'attribuer ledit marché à la société Eurovia ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'enjoindre à la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône de résilier, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à venir, le marché litigieux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône de saisir le juge du contrat dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à venir, afin que soient tirées les conséquences de l'annulation de la décision de conclure le marché litigieux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2010 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Austruit pour la SOCIETE SIORAT ;

Considérant que par avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 23 septembre 2003, la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône a lancé pour le compte du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de travaux de remise en état d'une portion de l'autoroute A55 consistant en un renforcement de la chaussée et en la remise en état et en conformité des dispositifs de retenue et des clôtures ; que la SOCIETE SIORAT qui s'est portée candidate à l'attribution de ce marché a demandé l'annulation de la décision en date du 26 février 2004 par laquelle la direction départementale de l'équipement a rejeté son offre, de la décision d'attribuer ledit marché à la société Eurovia ainsi que de l'ensemble de la procédure de passation dudit marché ; que par un jugement en date du 29 janvier 2008, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que la SOCIETE SIORAT relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Marseille a omis de statuer sur le moyen invoqué par la SOCIETE SIORAT et tiré de ce que ni l'avis d'appel public à la concurrence, ni le règlement de la consultation ne faisaient référence au certificat AQP ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE SIORAT devant le Tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin de non lieu à statuer :

Considérant que les circonstances que le marché dont la procédure de passation est en cause a été signé, entièrement exécuté, que la réception des travaux a été prononcée et que le décompte général a été signé et notifié, ne privent pas de son objet la requête de la SOCIETE SIORAT ; que par suite, il y a lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les obligations d'information :

Considérant qu'aux termes de l'article 76 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : Dès qu'elle a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, la personne responsable du marché avise tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres. / La personne responsable du marché communique, dans un délai de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout candidat dont l'offre n'a pas été rejetée en application du I de l'article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs à l'offre retenue ainsi que le montant du marché attribué et le nom de l'attributaire (...). ; que ces dispositions font obligation à la personne responsable du marché d'informer les candidats du rejet de leur offre, et ceux qui en font la demande expresse des motifs de ce rejet ; que, s'il est vrai que ni ces dispositions, ni aucune autre disposition alors applicable n'imposait un délai entre l'information du rejet des offres non retenues et la signature du contrat, cette information a notamment pour objet de permettre aux personnes intéressées de saisir, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés, qui peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ce texte se réfère de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat ; que, dès lors, la personne responsable du marché ne peut, sans porter atteinte à la garantie substantielle que constitue la faculté de saisir le juge des référés et d'exercer, ainsi, le droit à un recours rapide et efficace reconnu aux intéressés, procéder à la signature du contrat sans respecter un délai raisonnable afin de permettre notamment aux candidats dont l'offre a été écartée d'engager, s'ils s'y croient fondés, l'action prévue par l'article susmentionné du code de justice administrative ;

Considérant que la SOCIETE SIORAT reconnaît dans ses écritures avoir été informée par un entretien téléphonique du rejet de son offre au double motif que le délai d'obtention de l'arrêté préfectoral autorisant la mise en place d'une centrale mobile d'enrobage était trop long et que le poste d'enrobage utilisé par l'entreprise n'était pas équipé d'un système de pesage disposant du certificat AQP ; qu'il est constant que, sans la communication de cette information relative à son éviction, la société requérante n'aurait jamais pu saisir le juge des référés le 17 février 2004 afin d'obtenir la suspension de la procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution du marché litigieux ; que par ordonnance en date du 23 février 2004, le vice-président délégué aux référés a enjoint à la direction départementale de l'équipement de différer la signature du marché litigieux dans l'attente de la décision à intervenir ; qu'il est également constant par ailleurs qu'à la suite de sa demande en date du 23 janvier 2004 de communication des motifs du rejet de son offre, elle a été informée de ces motifs le 1er mars 2004 ; que si cette communication est intervenue dans un délai supérieur à celui de 15 jours prévu par l'article 76 précité du code des marchés publics, il est toutefois constant que l'information lui a été transmise en cours de référé, c'est-à-dire en tout état de cause avant la signature effective du marché, lui permettant donc d'avoir la confirmation que son offre avait été rejetée pour non-conformité technique du système de pesage ; que, dans ces conditions, la SOCIETE SIORAT qui a été informée successivement de son éviction du marché et des raisons du rejet de son offre avant la signature du marché, n'a pas été privée de la possibilité de saisir utilement le juge des référés avant la signature du marché ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision rejetant son offre serait intervenue au terme d'une procédure entachée d'irrégularités aux seuls motifs que la décision de rejet ne lui aurait pas été notifiée sous une forme écrite et que les motifs de ce rejet lui auraient été communiqués au-delà du délai réglementaire prévu à cet effet ;

En ce qui concerne le principe d'égalité d'accès des candidats à la commande publique :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : (...) Les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 6 du code des marchés publics : (...) les prestations qui font l'objet du marché sont définies par référence aux normes homologuées, ou à d'autres normes applicables en France en vertu d'accords internationaux, dans les conditions et avec les dérogations prévues par le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation. / La référence à des normes ne doit pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence. ; qu'aux termes du 3° de l'article 13 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 : Les clauses, spécifications techniques et cahiers des charges des marchés visés au présent article ne peuvent mentionner des produits d'une fabrication ou d'une provenance déterminée, ou de procédés particuliers à certaines entreprises, et ne peuvent se référer à des brevets ou types, indications d'origine ou de provenance, marques au sens du titre Ier du livre VII de la propriété intellectuelle, sauf lorsqu'il n'est pas possible de donner une description de l'objet du marché ou du contrat sans ces références. Dans ce dernier cas, de telles références sont autorisées lorsqu'elles sont accompagnées de la mention ou équivalent ; qu'il résulte de ces dispositions que la prescription de normes techniques particulières doit être justifiée par l'objet du marché ; que, dans l'hypothèse où cet objet justifie la référence à des produits ou des procédés propres à certaines entreprises, la personne publique ne peut interdire la présentation d'offres techniquement équivalentes ;

Considérant qu'aux termes de l'article III-3 du cahier des clauses techniques particulières : - Les enrobés seront livrés avec un bon de livraison conforme aux recommandations du fascicule 27 et aux normes enrobés. / - Le système de pesage mis en place sur les centrales d'enrobage devra être conforme aux exigences essentielles de la directive 90/384/CEE du 20 juin 1990 transposée en droit français par décret n° 91-330 du 27 mars 1991. / - Sur ces bons figureront les informations suivantes : numéro du bon, nom ou raison sociale du producteur, nom du chantier ou du client ou adresse de livraison, nom du transporteur et numéro du véhicule, désignation du matériau produit conformément à la norme, date de livraison et heure de départ de la centrale de fabrication, masse totale du camion en charge, masse du camion à vide, masse du matériau produit livré. / - Le système de pesage sera de type AQP (Association Qualité Pesage) ou de tout autre type équivalent. ;

Considérant qu'il est constant que ces spécifications techniques ont pour but d'assurer une fiabilité et une certification indiscutable des mentions des quantités d'enrobés livrées portées sur les bons de livraison en sortie de centrale d'enrobage ; qu'une référence au label AQP, connu des professionnels du secteur, permet à l'administration d'exprimer de manière claire, intelligible et précise son degré d'exigence élevé dans ce domaine ; que ce label traduit le caractère inviolable des mentions de pesage portées sur les bons de livraison ; que le marché en litige s'élève environ à un montant de 1,5 millions d'euros, dont les deux tiers consistent en la fourniture et la mise en oeuvre d'enrobés principalement payables à la tonne ; que compte tenu des masses financières en jeu reposant sur les quantités de matériaux livrés, la référence au label AQP est justifiée par l'objet du marché ; que le cahier des clauses techniques particulières comportait dans son article III-3 la mention obligatoire reconnaissant la possibilité de proposer une référence équivalente ; que cependant, la SOCIETE SIORAT soutient que la référence à ce label AQP a constitué un frein au libre jeu de la concurrence particulièrement pénalisant pour les petites et moyennes entreprises du secteur en faisant valoir que ce label n'est pas une spécification objective et qu'elle ne pouvait pas proposer un système équivalent ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de statuer en toute connaissance de cause sur ce moyen ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 625-2 du code de justice administrative : Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties. L'avis est consigné par écrit. Il est communiqué aux parties par la juridiction ;

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, d'ordonner avant dire droit, une mesure d'instruction sous la forme d'un avis technique aux fins précisées ci-après et de réserver, jusqu'en fin d'instance, les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt ;

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de la SOCIETE SIORAT, procédé à une mesure d'instruction sous la forme d'un avis technique.

Article 2 : M. Gérard , demeurant ..., est désigné en qualité de consultant.

Article 3 : M. accomplira sa mission dans les conditions définies par l'article R.625.2 du code de justice administrative. Il aura pour mission de décrire le système de certification AQP, d'indiquer si la référence à cette certification AQP est indispensable pour décrire les spécifications attendues, s'il existe d'autres organismes de certifications que l'AQP et notamment s'il existe un procédé équivalent, qui peut-être propre à chaque entreprise, garantissant une certification indiscutable des mentions des quantités d'enrobés livrées portées sur les bons de livraison.

Article 4 : Le consultant déposera l'avis au greffe de la Cour en quatre exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite d'une copie du présent arrêt.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SIORAT et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Copie en sera adressée au consultant désigné.

''

''

''

''

2

N° 08MA01775

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 08MA01775
Date de la décision : 28/09/2010
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS.

39-02 La société candidate à l'attribution d'un marché n'est pas fondée à soutenir que la décision rejetant son offre serait intervenue au terme d'une procédure entachée d'irrégularités aux seuls motifs que la décision de rejet ne lui aurait pas été notifiée sous une forme écrite et que les motifs de ce rejet lui auraient été communiqués au-delà du délai réglementaire prévu à cet effet dès lors qu'elle a été informée successivement de son éviction du marché et des raisons du rejet de son offre avant la signature du marché et qu'elle n'a pas été privée de la possibilité de saisir utilement le juge des référés avant la signature du marché, conformément à l'article 76 du code des marchés publics.

PROCÉDURE - INSTRUCTION.

54-04 L'état du dossier ne permettant pas à la Cour de statuer en toute connaissance de cause sur le moyen tiré de ce que la référence au label AQP (association qualité pesage) a constitué un frein au libre jeu de la concurrence dès lors que ce label n'est pas une spécification objective et qu'il ne peut être proposé un système équivalent, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, d'ordonner avant dire droit, une mesure d'instruction sous la forme d'un avis technique.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : GRANGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-09-28;08ma01775 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award