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08/07/2010 | FRANCE | N°08MA02498

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 juillet 2010, 08MA02498


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. Nuh A, demeurant ...), par Me Borges de Deus Correia, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703609 du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 novembre 2007 du préfet de Vaucluse portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêt

;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portan...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. Nuh A, demeurant ...), par Me Borges de Deus Correia, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703609 du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 novembre 2007 du préfet de Vaucluse portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour dans le cadre du réexamen de sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 modifié ;

Vu le décret n° 2004-814 du 14 août 2004 ;

Vu le décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2010 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,

- et les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

Considérant que M. Nuh A, de nationalité turque, demande l'annulation du jugement du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 novembre 2007 du préfet de Vaucluse portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination, arrêté qui est intervenu à la suite du rejet de sa demande d'asile territorial par décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en date du 25 septembre 2007 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, la note en délibéré présentée pour M. A et enregistrée le 7 février 2008 au greffe du Tribunal, est, contrairement à ce que soutient le requérant, visée par le jugement attaqué ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que cette note en délibéré ne faisait état d'aucune circonstance de fait ou de droit rendant nécessaire la réouverture de l'instruction ; qu'en particulier, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 25 septembre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté la demande d'asile territorial de M. A, du fait de l'incompétence de son auteur, avait été soulevé par le requérant dans sa demande introductive d'instance enregistrée au greffe du Tribunal le 9 décembre 2007 ; qu'une telle réouverture n'était pas plus rendue nécessaire au vu des pièces produites à l'appui de cette note en délibéré ; que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a décidé, à la réception de celle-ci, de ne pas rouvrir l'instruction et de viser cette note sans l'analyser ni prendre en compte son contenu pour rendre son jugement ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité du fait du défaut de visa de la note en délibéré qu'il a produite ou du fait du défaut d'examen par le Tribunal administratif des éléments produits à l'appui de cette note en délibéré ;

Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont répondu au moyen soulevé par M. A et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 25 septembre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté sa demande d'asile territorial au motif de l'incompétence de son auteur ; qu'en écartant ce moyen, ils ont nécessairement estimé qu'aucun vice d'incompétence n'entachait la décision ministérielle du 25 septembre 2007 ; que le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 28 février 2008 n'est ainsi pas entaché d'omission à statuer ;

Considérant, enfin, que ni les dispositions de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, aux termes desquelles Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application du présent article., ni aucun autre texte ne prévoit la communication au demandeur d'asile territorial de l'avis du préfet qui a instruit la demande ainsi que de l'avis du ministre des affaires étrangères ; que, par suite, le moyen tiré de ce les premiers juges auraient violé le principe du contradictoire en l'absence de communication de ces avis au requérant doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial en date du 25 septembre 2007 :

Considérant, en premier lieu, que l'article 9 de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 est venu abroger l'article 13 précité de ladite loi dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 ; que, toutefois, l'article 13 de la loi n° 2003-1176 dispose que : La présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Toutefois, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi resteront en vigueur pour ce qui concerne les demandes d'asile territorial déposées avant cette date. Les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié en cours d'instruction auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'entrée en vigueur de la présente loi seront traitées comme des demandes d'asile au sens de la présente loi. Les demandeurs d'asile territorial ayant une demande d'admission au statut de réfugié pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont réputés se désister de leur demande d'asile territorial. Il en va de même des demandeurs d'asile territorial qui présentent une demande d'asile à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Les uns et les autres sont réputés avoir demandé l'asile au titre de la présente loi. ; qu'aux termes de l'article 33 du décret n° 2004-814 du 14 août 2004 : (...) Le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 continuera (...) à produire ses effets pour les demandes d'asile territorial déposées avant le 31 décembre 2003 en application de l'article 13 de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. ;

Considérant que, d'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions que le ministre de l'intérieur est demeuré compétent, après l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, pour accorder ou refuser le bénéfice de l'asile territorial pour les demandes en ce sens présentées en application de l'article 1er du décret n° 98-503 du 23 juin 1998 avant le 1er janvier 2004 ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, celui-ci (...) est compétent, dans le respect des attributions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Commission des recours des réfugiés, en matière d'exercice du droit d'asile et de protection subsidiaire et de prise en charge sociale des personnes intéressées (...) ; que cette compétence n'a toutefois pas été étendue aux demandes d'asile territorial encore pendantes ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales était bien compétent pour rejeter, par la décision du 25 septembre 2007, la demande d'asile territorial de M. A, dont il est constant qu'elle avait été formée avant le 1er janvier 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par une décision en date du 6 septembre 2006, régulièrement publiée au journal officiel de la République française, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques a donné délégation à Mme Catherine Dagorn, attachée principale d'administration centrale, adjointe au chef du bureau du droit au séjour, du droit d'asile et des questions migratoires, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Mme Dagorn n'aurait pas été compétente pour signer la décision du 25 septembre 2007 manque en fait ;

Considérant, enfin, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, aucun texte ne prévoit la communication au demandeur de l'avis du préfet qui a instruit la demande ainsi que de l'avis du ministre des affaires étrangères ; que par suite, le moyen tiré de ce que ces avis auraient dû être communiqués au requérant ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, né en 1973, soutient être entré en France le 22 décembre 2001 et résider sur le territorial national depuis cette date ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, si le requérant, âgé de 34 ans à la date de l'arrêté contesté, a bénéficié de récépissés de demandes de titres de séjour à compter du 11 mars 2003 et pendant quatre ans et demi, il n'établit ni même n'allègue disposer de liens familiaux en France ou être dépourvu de tels liens dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté préfectoral contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 16 novembre 2007 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation contenues dans la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du requérant aux fins d'injonction et d'astreinte doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nuh A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

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N° 08MA02498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02498
Date de la décision : 08/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-07-08;08ma02498 ?
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