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24/06/2010 | FRANCE | N°08MA04247

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 24 juin 2010, 08MA04247


Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA04247, présentée pour M. Abdeslam A, demeurant ..., par Me Breuillot, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701356 du 24 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Vaucluse à sa demande de titre de séjour ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2

000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA04247, présentée pour M. Abdeslam A, demeurant ..., par Me Breuillot, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701356 du 24 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Vaucluse à sa demande de titre de séjour ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,

- les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

Considérant que M. Abdeslam A relève appel du jugement du 24 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Vaucluse à sa demande de titre de séjour ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de Vaucluse à la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 susvisé alors en vigueur : Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titre de séjour présentées en application du présent décret vaut décision de rejet. ; qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a formé le 3 septembre 2005 auprès du préfet de Vaucluse une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale qui a été reçue en préfecture le 7 septembre 2005 ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 2 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 susvisé alors en vigueur, une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur cette demande le 7 janvier 2006 ; qu'en l'absence d'accusé de réception de la demande délivré par le préfet de Vaucluse à M. A et mentionnant les voies et délais de recours, le délai de recours contre la décision implicite de rejet en litige n'a pas couru ; qu'ainsi, le recours formé par M. A contre cette décision et enregistré au greffe du Tribunal administratif de Nîmes le 3 mai 2007 n'était pas tardif ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, né le 5 septembre 1981, est entré régulièrement en France le 26 mai 2002, à l'âge de 20 ans, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa étudiant ; qu'à la date de la décision préfectorale contestée, M. A, alors âgé de 23 ans, résidait depuis près de quatre ans sur le territoire national aux côtés de toute sa famille nucléaire, dont il n'est pas contesté qu'elle est composée de son père, de sa mère, entrée en France en 2004, et de sa soeur, lesquels sont titulaires de cartes de résident valables dix ans ; que, par ailleurs, vivent également régulièrement en France plusieurs des oncles et tantes du requérant, ainsi que des cousins et cousines, dont certains sont de nationalité française ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier de la présence en France de toute la famille nucléaire de M. A, lequel se trouve ainsi isolé dans son pays d'origine, la décision préfectorale contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a donc méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la décision implicite de rejet litigieuse, laquelle, au surplus, est également entachée d'illégalité en l'absence de communication de ses motifs par le préfet de Vaucluse à M. A, malgré la demande en ce sens de celui-ci reçue en préfecture le 7 avril 2006, et contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Vaucluse à sa demande de titre de séjour, et à demander l'annulation desdits jugement et décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui reprend les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des fais exposés et non compris dans les dépens (...). ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les mêmes conditions, prévues à l'article 75 précité, la partie perdante au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés ; que l'article 37 de la même loi dispose que : (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat, mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant, d'une part, que M. A n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par une décision du 5 novembre 2008 ; que, d'autre part, l'avocat de M. A n'a pas demandé la mise à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête de M. A tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 24 juin 2008 et la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Vaucluse à la demande de titre de séjour de M. A sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdeslam A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera transmise au préfet de Vaucluse.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA04247
Date de la décision : 24/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-06-24;08ma04247 ?
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