Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2008, présentée pour M. B A, demeurant ..., par Me d'Acunto ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405709 du Tribunal administratif de Montpellier en date du 13 décembre 2007 en tant que ce jugement a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sète à lui verser la somme de 29 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une immobilisation par plâtre d'une fracture et, d'autre part, mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de 550 euros ;
2°) de prononcer la condamnation du centre hospitalier de Sète à lui verser la somme de 29 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sète la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2010 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- et les observations de Me Combemorel substituant Me Le Prado, pour le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau de Sète ;
Considérant que M. A, qui exerçait la fonction d'enseignant, a été victime d'un traumatisme à la cheville droite à la suite d'une chute survenue le 9 avril 2001 sur la voie publique ; que la fracture de la cheville sans déplacement alors diagnostiquée au service des urgences du centre hospitalier de Sète a nécessité une immobilisation par une botte circulaire en résine, avec talonnette d'appui, associée à un traitement préventif par anti-coagulant ; que le 18 avril 2001, M. A s'est rendu à nouveau aux urgences en raison de très vives douleurs apparues depuis quatre jours à la jambe droite ; qu'après retrait du plâtre, le diagnostic de phlébite a été posé et confirmé par un écho-doppler ; qu'une nouvelle consultation en cardiologie le 30 août 2001 a mis en évidence la guérison de la phlébite ; que toutefois, M. A, eu égard à son état de santé et à ses douleurs post-traumatiques, a été autorisé à exercer ses fonctions en mi-temps thérapeutique jusqu'au 1er octobre 2003 puis placé en congé de longue maladie ; que M. A, estimant que la responsabilité du centre hospitalier est engagée à son égard du fait des insuffisances du traitement préventif qui lui a été administré lors de son hospitalisation en urgence le 9 avril 2001 et de l'absence de l'information que les praticiens du centre hospitalier auraient dû lui dispenser au sujet des complications possibles de sa blessure pouvant survenir sous plâtre, demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant que ce jugement, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sète à lui verser la somme de 29 000 euros en réparation de ses différents préjudices et, d'autre part, a mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de 550 euros ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Sète à la requête d'appel de M. A :
Considérant que la requête d'appel de M. A comporte une critique de la décision rendue par les premiers juges ; que, même si cette critique est succincte et reprend pour l'essentiel les moyens invoqués devant le tribunal, elle ne permet pas de tenir pour irrecevable la requête ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier à la requête d'appel de M. A doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que devant le Tribunal administratif de Montpellier, M. A a fait connaître sa qualité d'enseignant titulaire du second degré ; qu'en ne communiquant pas sa requête à l'Etat, qui figure au nombre des personnes publiques relevant de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce dernier doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M. A, de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier et de l'Etat, en sa qualité d'employeur de M. A ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Sète à la requête de première instance de M. A :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettres en date du 3 avril 2002 et du 21 mai 2002, le conseil de M. A se bornait à demander au centre hospitalier les coordonnées de sa compagnie d'assurances et de son conseil habituel, pour correspondre avec ce dernier en cas de besoin ; que ces lettres ne peuvent être regardées comme une demande préalable d'indemnisation même si, par sa réponse en date du 4 juin 2002, le centre hospitalier a fait savoir au conseil de M. A que sa responsabilité n'était pas engagée ; que ce n'est que par lettre en date du 29 juin 2004, dont le centre hospitalier a accusé réception le lendemain que le conseil de M. A a formé une demande préalable d'indemnisation ; que le silence gardé par le centre hospitalier sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet liant le contentieux que M. A pouvait contester sans condition de délai devant le tribunal administratif en vertu des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ; que, par suite, sa requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2004 n'était pas tardive ;
Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier de Sète :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations du rapport d'expertise soumis aux premiers juges que si les traitements y compris préventifs administrés à M. A lors de son admission aux urgences du centre hospitalier le 9 avril 1991 et à l'occasion de sa seconde hospitalisation le 18 avril 2001 étaient conformes aux règles de l'art et ont tenu compte des antécédents du patient, le retard, manifeste selon l'expert, mis par M. A à consulter le 18 avril 2001 alors qu'il souffrait depuis quatre jours de vives douleurs à la jambe n'est pas imputable à une négligence de sa part mais à l'absence d'information orale ou écrite concernant les complications potentielles pouvant survenir sous plâtre ;
Considérant que, s'il conteste les conclusions du rapport d'expertise sur ce point, le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'information qui aurait été dispensée au patient au sujet des complications et notamment des risques de phlébite qui pouvaient accompagner les traitements administrés ; que ce défaut d'information ne se trouve pas en l'espèce à l'origine d'une simple perte de chance pour le patient de se soustraire au risque de complication qui s'est réalisé mais doit être regardé comme justifiant l'indemnisation totale des différents chefs des préjudices occasionnés par la phlébite dont M. A a été victime, laquelle, si le patient avait bénéficié d'une information suffisante, aurait pu être soignée et guérie plus précocement ; que la circonstance que l'incapacité permanente partielle présentant un lien avec l'intervention dont reste victime le patient ne soit que de 3 % ne fait pas davantage obstacle à son indemnisation ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles d'ordre psychique dont a souffert durablement M. A jusqu'en septembre 2002 présenteraient un lien avec le retard de quatre jours mis à soigner sa phlébite, dont la guérison, exception faite de l'invalidité de 3 % susrappelée, a été ensuite rapidement obtenue ;
Sur les droits à réparation de M. A, de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier et de l'Etat, en sa qualité d'employeur de M. A :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. A :
S'agissant des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier :
Considérant, en premier lieu, que, si la caisse primaire d'assurance maladie, expose des frais pour un montant de 6 102,56 euros, seules les dépenses exposées à hauteur de 1 854,63 euros, correspondant aux frais d'hospitalisation de M. A du 18 au 25 avril 2001, peuvent être regardées comme présentant un lien direct avec les complications de la phlébite dont le patient a été victime ; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée (...) et qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 966 euros et à 96 euros à compter du 1er janvier 2010 ; qu'il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie le tiers de la somme de 1 854,63 euros soit 618,21 euros en application de ces dispositions ;
S'agissant des traitements et des charges patronales salariales versés par le ministre de l'éducation nationale à M. A :
Considérant que, comme il vient d'être dit, les troubles d'ordre psychique dont a souffert M. A jusqu'en septembre 2002 sont sans lien avec la faute commise par le centre hospitalier ; que seules peuvent être regardées comme présentant un lien avec cette faute la fraction des traitements et charges sociales versées à la victime par son employeur au cours du mois d'avril 2001 pour des montants respectifs de 2 020,88 euros et 1 050,51 euros ; que la somme totale de 3 071,39 euros portera intérêts à compter du 29 mars 2010, date d'enregistrement au greffe de la Cour de la demande du ministre ;
S'agissant des pertes de revenus de M. A :
Considérant que M. A soutient avoir subi un préjudice économique de 550 euros par mois en moyenne de juin 2001 à octobre 2003 puis de novembre 2003 à avril 2004 ; que, toutefois, l'intéressé a pu sortir du centre hospitalier dès le 27 avril 2001 après guérison de la phlébite dont il était victime ; que l'incapacité permanente partielle de M. A, en relation avec les séquelles de cette phlébite, fixée à un taux de 3 % par l'expert, ne saurait être regardée comme étant à l'origine de ses difficultés à reprendre une activité professionnelle ; que, dans ces conditions, aucune indemnisation n'est due par le centre hospitalier au titre des pertes de revenus ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de M. A :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise relatives à l'étendue des préjudices subis par M. A que son incapacité permanente partielle peut être fixée à 6 % dont 3 % sont en relation avec les séquelles de la phlébite dont il a été victime ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice sera fixée à la somme de 3 000 euros ; que le préjudice d'agrément, chiffré à 3 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, en lien avec les séquelles de la phlébite, pourra être réparé à hauteur des 1 000 euros demandés par M. A ;
Considérant, en revanche, que si l'expert a chiffré à 3 sur une échelle de 1 à 7 les souffrances physiques endurées par M. A, ces souffrances sont, d'après les conclusions du même rapport d'expertise, en relation avec des séquelles psychiatriques non imputables à la faute commise par le centre hospitalier ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de M. A tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Sète à lui verser la somme de 4 000 euros ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise qui s'élèvent à la somme de 550 euros à la charge définitive du centre hospitalier de Sète ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du centre hospitalier de Sète la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens et la somme de 800 euros au titre des mêmes frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 13 décembre 2007 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Sète est condamné à verser à M. A la somme de 4 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Sète est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier la somme de 1 854,63 euros ainsi que la somme de 618,21 euros en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : Le centre hospitalier de Sète est condamné à verser à l'Etat (ministre de l'éducation nationale), la somme de 3 071,39 euros avec intérêts à compter du 29 mars 2010.
Article 5 : Les frais d'expertise, d'un montant de 550 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Sète.
Article 6 : Le centre hospitalier de Sète versera la somme de 1 500 euros à M. A et la somme de 800 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A, des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier et de l'Etat (ministre de l'éducation nationale) est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B A, au centre hospitalier de Sète, à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement et au ministre de la santé et des sports.
Copie en sera adressée à Me d'Acunto, à la SCP Cauvin-Leygue, à Me Le Prado et au préfet de l'Hérault.
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N° 08MA01413